La ceinture rouge, c'est quoi?
C'est une invention rapide de ma part. Le hasard de ma vie de famille a fait qu'en ce vendredi 21 mai 2010, j'ai du poser une journée RTT. Ceci étant fait, il me restait une journée à meubler. Or donc je décide d'en profiter pour courir. Je suis en pleine montée en charge pour les 6 jours d'Antibes. Je dispose d'environ 8 heures. L'avant veille, je dessine rapidement en ligne un tour de Paris d'environ 60 km et c'est parti. Pourquoi le nom «ceinture rouge»? C'est en hommage à la «ceinture verte» sauf que la rouge a la particularité de passer par tous les anciens bastions communistes de la banlieue parisienne. Vous savez, cette banlieue où la moitié des rues s'appellent «Pierre Brossolette». J'aime bien cette figure de style qui consiste à faire le tour de Paris. Suffit de bien choisir son diamètre.
Le parcours est résolument urbain. Si vous n'aimez pas la ville, faut vous abstenir de ce genre de blague. J'ai respiré du gaz d'échappement, pour sûr.
Paris s'éveille
La ville est déjà bien éveillée quand je commence à trotter. Il est 9h15. Assez rapidement j'ai l'occasion de visiter la fine fleur du 93. Est-ce un hasard si je croise le ramassage des poubelles juste à l'entrée d'Aubervilliers? Les odeurs sont extraordinairement variées. Des épices orientales qui vous font saliver aux vieux bains de fritures rances dont on se demande s'ils prennent la peine de changer l'huile au moins une fois par semaine en passant par l'odeur du ciment frais et celle, plus rare, de la résine epoxy (y'a un type qui se fait une planche dans son garage?) je peux le dire, mon nez a vu du pays!
Un traileur peut en cacher un autre
Je voyage léger donc j'ai pris le strict minimum. Pas de vêtements de rechange, pas de nourriture, mais j'ai tout de même pris un sac-à-dos avec une réserve de liquide. Il fait grand beau et j'ai été bien inspiré. Toujours est-il qu'au large de Bagnolet, alors que je viens de dévaliser une superette (4 bananes, une boîte de cookies nougatine pépites de chocolat et 2L de Banga fraise) je croise, dans un parc, un individu qui ressemble au parfait traileur en préparation. Je force l'allure pour combler les 10 mètres qui manquent et lance un grand «BONJOUR!» pariant qu'il va reconnaître en moi (qui ai aussi le sac, le GPS Garmin, tout l'attirail quoi) un bon candidat pour une petite causette. Et ça marche, nous entamons la discussion. Nous sommes dans un joli parc dont j'ai oublié le nom. Mon interlocuteur aimerait bien faire les Templiers, et a un trail d'une cinquantaine de bornes en vue au mois de juin. En creusant un peu j'apprends qu'il bosse pour une marque de boisson énergétique connue, la même qui sponsorisait mon 1er Ironman à grand renfort de pamplemousse. Du coup il connaît Sébastien Chaigneau et tout un tas de monde dans le milieu. Nous sommes en pleine discussion quand je dois m'arrêter pour aller retirer des sous. C'est pas le tout mais j'ai une envie urgente à satisfaire et si je veux pouvoir m'offrir un Perrier au comptoir pour justifier l'emploi des toilettes d'un quelconque bistrot, il me faudra de la monnaie, et je n'en ai pas. Au-revoir! J'aurais bien continué à m'entretenir avec mon compagnon de route improvisé, mais j'ai assez peu de marge si je veux boucler le parcours dans les temps.
Pardon, bois de Vincennes
Bon, finalement j'arrive au bois de Vincennes sans avoir eu le temps de m'arrêter au café. J'ai trop tardé pour retirer mes sous et j'ai dépassé le centre-ville. Et j'ai pas pris de PQ. C'est pas grave, des kilomètres et des kilomètres d'entraînement m'ont appris à très rapidement cibler les feuilles qui sont solides, douces, larges et absorbantes. Le plus compliqué c'est de trouver un endroit à l'abri des regards - attention il y a des campeurs farceurs à Vincennes, dans des spots improbables - moyennant quoi j'économise le Perrier en terrasse et contribue à la bonne croissance de la végétation locale.
Cul-de-sac
Le retour à la ville se fait via l'avenue de Gravelle, très connue de tous ceux qui font régulièrement le semi et le marathon de Paris. Je suis maintenant en banlieue sud, le soleil cogne dur. J'avais repéré sur Google Maps un petit passage sous l'A6, qui m'avait particulièrement improbable. Genre le tout petit chemin auquel personne n'a pensé. Je me croyais très malin. Après être donc sorti du parc (les Hautes-Bruyères, pour les curieux) je suis en prise avec l'autoroute et je vois bien une porte en bois qui bloque une entrée humide et pleine de mousse, mais pas de trace de tunnel, ni rien ni quoi ni qu'est-ce. Une petite route monte à droite. Je m'engage timidement. Un agent de police vient à ma rencontre. Je regarde derrière moi. Oups, tiens, y'avait un digicode et une barrière. Bon, ça sent le roussi. Bonjours madame, c'est possible de traverser l'autoroute ici? Non, c'est pas possible. Je lui demande si elle connaît un pont, pas loin. Elle ne sait pas. OK, je n'insiste pas, demi-tour. Pour info, quand vous remontez sur Paris via l'A6, sur la droite, y'a un panneau «Police». Je crois que c'est là que j'étais.
Donc je rebrousse chemin et tire à vue pour récupérer plus loin mon parcours. Je suis à un rythme très constant, environ 7,5km/h efficace, en moyenne, et quand je cours je dois courir environ à 10km/h. Je pense que c'est une très bonne préparation pour le long, dans la série «allure spécifique» on fait pas mieux.
J'adore quand un plan se déroule sans accrocs
La remontée vers le nord se passe toute seule. J'improvise une dégustation d'olives en pot (dénoyautées, c'est plus pratique) et pense que j'en aurai quelques-unes en stock à mon prochain ultra. Je monte sur le Mont Valérien, et fait un ultime baroud' d'honneur au parc André Malraux à Nanterre, là où mon épouse Valérie fait ses footings du midi.
Bilan : que du bon, j'ai noté 61km pour 7h45 dans mon carnet d'entraînement, dernière sortie longue à pied, avant d'enchaîner le lendemain sur un petit BRM de 300km ;)