09/05/2018 - CR 100km de Steenwerck

Bon, cet événement tombait un peu comme un cheveu sur la soupe. Normalement, je devrais me concentrer sur la RAAM et donc faire du vélo.

Mais mes collègues de Datadog semblaient très motivés par ce 100km, et je ne pouvais pas snober l'événement. Et puis franchement, ça me faisait plaisir d'y aller. L'année dernière j'aurais du y aller en accompagnateur de Valérie et puis ça a capoté. Cette année donc, j'y vais, en marcheur, et on va dire que c'est mon collègue Tristan qui a tout organisé, il nous a motivé comme des bourricots pour faire ce 100km, en marchant donc. En marchant, c'est faisable, mais faut pas traîner non plus. À titre personnel, j'ai une petite marge, dans des conditions idéales je peux monter à 160km en marchant sur 24h, ici ce sera sur route ouverte sans le confort d'un circuit, mais en gros je ne me fais pas beaucoup de doutes sur ma capacité à boucler le parcours dans le temps imparti. Pour les autres, je ne sais pas, ça dépendra de leur forme, surtout de leur motivation, et aussi bien évidemment de la nature des bobos rencontrés en course.

Je suis monté en voiture avec Océane, Dorian et Benjamin, exactement le même groupe qu'à Paris-Mantes . Pourquoi la voiture ? C'est simple, mon train a été annulé. Compliqué cette histoire de grève SNCF. D'un certain point de vue je suis totalement convaincu que la grève est inefficace, les personnes impactées ne sont pas celles qui prennent les décisions. Aucun ministre ne voyage en TER. Ceci étant, j'ai l'intime conviction que privatisé, le système sera encore pire. J'ai déjà pris le métro en Angleterre et le train à New-York. De ce que je vois, ce n'est pas incomparablement supérieur à ce qu'offre la RATP et la SNCF. Après, ce que j'en dis...

Mais revenons à nos moutons. Une fois à Steenwerck, nous faisons un peu de farniente dans l'herbe en attendant le départ, je grapille quelques dizaines de minutes de sommeil, une denrée qui se fait rare ces derniers temps. J'ai plutôt bien récupéré de mes aventures de la veille mais je me méfie des impressions, parfois trompeuses.

Avec Benjamin, on s'enfile un énôôôrme burger venu direct du camion friterie installé à la sortie du gymnase. Désolé les amis, mais moi, pour faire de la distance, il me faut des calories. Je ne sais pas faire en mangeant des légumes vapeur, pas possible pour moi. Je croise quelques têtes connues au gymnase, Philippe Emonière, Jean-Claude Peronnet, Delphine et Olivier Wepierre, Vivien Ramon, ...

Et puis le départ est donné, dans une ambiance somme toute festive, fanfare locale, plein de spectateurs, c'est la fête. Je n'ai pas trop compris les subtilités du parcours, mais ce que je sais c'est que la première boucle est un peu plus longue que les autres, et ensuite c'est trois fois deux boucles de 15 et 16 km. Ou bien 16 et 15 km. Enfin bref, un machin un peu bizarre puis 6 tours d'une grosse quinzaine de kilomètre. Niveau dénivelé, c'est tout plat, s'il y avait un terril dans les environs on le verrait de loin, et là on ne voit rien. Donc, aucune surprise a priori.

Pour ceux qui ne connaissent pas Steenwerk le principe est simple : il y a deux courses, une pour les marcheurs et les coureurs pas trop pressés qui commence à 19h00 le mercredi soir. Une autre qui commence à 6h00 le jeudi matin, sur le même parcours, même distance. Et tout le monde doit avoir fini avant 19h00 le jeudi soir. Donc si on se sent de faire 100 bornes en moins de 13h, mieux vaut prendre le départ du jeudi matin, plus compétitif, on court de jour, plutôt plus simple. Mais sinon, le départ du mercredi soir est plus festif, moins de pression sur le temps. Mais une figure de style consiste à prendre les deux départ. Faire un premier 100 bornes en moins de 11h00. Et s'aligner sur le second en moins de 13h00. C'est un "split" quasi idéal pour faire 200 bornes en 24h, d'ailleurs. Il me semble que souvent, justement, je passe le premier 100 aux alentours de 10h30. Donc je pourrais peut-être tenter le coup. Pas certain que ça m'intéresse, quitte à faire un 24h, autant en faire un "normal". Mais bon, je reconnais que ça a du style, d'enchaîner les deux. Apparemment un dangereux récidiviste s'est abonné à cette pratique, il a toute ma sincère admiration.

Bon, en attendant, nous, on marche. Nous sommes partis super lentement. Vachement trop lentement. On se traîne. Il faut accélérer, vraiment. Je réfléchis un petit peu comment faire. Pas simple. Si je fais ça comme une brute, je vais casser tout le monde. Alors discrètement, je me débrouille pour augmenter un peu l'allure. Je ne sais pas si je suis le seul à réaliser cela, peut-être que je ne suis pour rien dans cette "accélération" mais au bout d'une heure on a à peu près pris un rythme ad hoc, qui devrait nous amener à finir en... 22h00 je pense, plus vraisemblablement 23h00 et peut-être même 23h59 mais peu importe, du moment que c'est moins de 24h.

La nuit tombe.

Commence à faire un poil froid. Trop froid pour moi. Encore une fois, je crois que je suis usé par mes sorties hivernales et printanières dans le froid. Je ne le supporte plus. Du coup je regrette amèrement de n'avoir pas pris une couche supplémentaire. Ou au moins, des gants et un bonnet. Je suis trop con tiens, j'ai deux meubles à etagères remplis à craquer de fringues de sport et je trouve encore le moyen de me pointer à moitié à poil au départ. Enfin bon, c'est comme ça, pas le choix, va falloir faire avec. Mais avec une polaire en plus, la nuit aurait été bien plus agréable. D'autant que la météo est plutôt correct. Un petit vent frais par endroit, mais rien de méchant. Franchement, din'l'Nord, je m'attendais à pire.

Certains de nos amis commencent à couiner. Dans l'ensemble, c'est surtout de la casse mécanique, avec en tête de liste "le genou qui fait mal". En vérité le genou, faudrait plutôt se poser la question "comment se fait-il que cette articulation ne soit pas systémariquement douloureuse ?". Car quand on regarde les efforts qu'un genou encaisse, c'est assez impressionnant. Mais là, sans surprise, des candidats avec un entraînement minimaliste que tentent un 100km, sans surprise, statistiquement, y'a des genoux qui couinent.

Il y a aussi les problèmes de pied. Je crois que je vais commencer à être un peu plus "grande gueule" quand il s'agit de parler des problèmes de pied. Parce que là, bon, j'ai tendance à être, je pense, plutôt discret sur le sujet, en tous cas je prends rarement des positions tranchées. N'empêche que ça me fait mal au coeur de voir des gens utiliser des compeeds (ou équivalent, je n'ai rien contre la marque Compeed, c'est du type de produit dont je parle, pas du fabricant précis) pour gérer des ampoules en course. Ça ne marche pas. Compeed c'est bien quand t'as une petite ampoule derrière le talon et que tu veux continuer à porter tes chaussures de ville en cuir neuves. Pour ça, c'est parfait. En course, c'est pas la même. En course tout est humide, baigne dans le jus. Donc ton Compeed, il se décolle. Forcément. Et quand il se décolle, il fait quoi ? Si jamais t'avais une ampoule en dessous, il arrache la peau de l'ampoule, et donc ton ampoule se retrouve à nu. Et là, ça fait mal. Très mal. Donc plutôt que du Compeed, je recommande la crème NOK et, surtout s'il fait chaud, il ne faut pas hésiter à en mettre plein. Vous pensez en avoir mis beaucoup ? Mettez-en plus ! Et sinon, l'elasto marche bien aussi, à appliquer partout où on penserait avoir des ampoules, mais avant d'en avoir. Personnellement j'en mets très rarement mais je connais des coureurs, et surtout des marcheurs, qui ne jurent que par cela et s'enrobent littéralement les pieds d'Elasto. Mais les Compeed, non, l'Elasto marche aussi bien et quand on l'arrache on a une chance de ne pas emmener la peau de l'ampoule avec. Et puis aussi, je radote, prenez des grandes chaussures. Genre, grandes. Je rappelle les faits : je chausse du 43, pour le long j'achète du 46. Mais faites comme vous voulez, sachez juste, moi, j'ai rarement des ampoules.

Chocolatine
J'appelle ça une chocolatine. Oui Monsieur. Et les pains au chocolat c'est ce qu'on trouve en boulangerie. Et toc.

Le groupe, au milieu de la nuit, finit par s'éclater. Certains abandonnent, d'autres prennent de l'avance et personne n'a envie de les empêcher de le faire. Un de nos camarade a un sacré coup de mou et s'arrête pour vomir sur le bord de la route. Diable. On le traîne jusqu'au ravito suivant, on n'a pas trop le choix, on ne va pas le laisser grelotter de froid sur le bord, le mieux qu'il a à faire c'est s'activer un peu, et avec de la chance, ça va repartir. Il décide de s'arrêter au ravito suivant pour dormir. Pas top comme idée, ici il fait froid, il y a du vent. Pour 5km de plus il pouvait s'offrir le gymnase mais nous ne pouvons pas le forcer à continuer, pas quand il a fait un malaise 20 minutes avant, ce ne serait pas raisonnable.

Dans l'ensemble, la troupe ne va pas si mal, j'ai l'impression, pour le coup, que je ne suis pas le seul à avoir froid, mais au moins les autres ont l'excuse de ne pas avoir tout le matériel nécessaire à disposition.

Je suis soulagé lorsque le jour se lève, en général, ça va toujours mieux pour moi lorsque le jour se lève. Je me retrouve avec Tristan et Emmeline, Emmeline qui a un record personnel de 62km à Steenwerck, je crois, et en est déjà à 68km. Donc, à chaque pas qu'elle fait, elle bat un record. Je lui dis d'en profiter. Elle a ce qu'il faut pour finir, physiquement, ça se voit, elle a de la marge, j'ai vu des personnes largement plus attaquées continuer d'avancer pendant des heures. Le truc, c'est qu'il faut arriver à la convaincre qu'elle peut finir. Pas simple. On sort du gymnase à 1.5 km/h, max. À ce rythme, c'est sûr, aucune chance de boucler la boucle dans les temps. Mais elle assure. Quelques kilomètres plus tard, elle a récupéré un petit 5 km/h, et là, on est bon. Entre temps j'ai fait le plein à la boulangerie, et je me suis boulotté deux tartelettes à l'abricot. Je plaide non coupable, j'avais acheté des tartelettes et des pains au chocolat, j'ai réussi à refourguer les pains au chocolat, mais personne n'a voulu des tartelettes. Comme c'est compliqué à transporter, pas le choix, il fallait bien que je le mange. J'ai le sens des responsabilités, moi.

Allez les coureurs
Quand les gamins des écoles vous soutiennent comme ça, c'est pas possible d'abandonner, on est bien d'accord ?

Un peu plus loin je lâche Tristan et Emmeline, me semble qu'ils sont tous les deux en bonne voie pour finir. Je mets un léger coup d'accélérateur et tombe sur un gars et une fille, un brin plus âgés que moi, avec qui nous sympathisons rapidement. Ils ne sont pas aussi bavards que moi, mais tiennent le pavé, ça va, ils n'ont pas de leçon à prendre. Elle est végétarienne. C'est intéressant d'entendre comment elle gère, justement, les ravitos sur une course comme celle-ci. Moi je suis content d'être omnivore, au moins je ne me pose jamais de questions, tout passe, tout se mange, tout est bon. À défaut d'être éthique, c'est simple.

Puis on repasse une ultime fois devant le gymnase. Il ne reste que 15 ou 16 km. Je sais que Benjamin était devant au tour d'avant, mais je ne sais pas à quel point il était loin. J'ai perdu un peu de temps avec Tristan et Emmeline, et avec mes deux nouveaux compagnons de route, j'ai juste du maintenir l'écart. Donc, à vue de nez, il est quelques minutes seulement devant moi. Cela me laisse le temps de bien manger, passer aux toilettes. Et là je vois Dorian, qui a abandonné, et qui me dit "Benjamin vient juste de partir". Alors je file, illico, en marchant fort.

Et même, je cours un peu. Et ça me fait un bien fou. Limite comme un petit massage de muscles. En revanche, impossible de dépasser le 9 km/h, je pense que je trotine à 8 km/h, en mode 6 jours. Bon c'est vrai j'ai un bon bout de sac-à-dos à porter, et puis je marchotte depuis pas mal de temps maintenant. Les coureurs partis à 6h00 du matin m'ont déjà tous pris un tour, et là certains ont même commencé à m'en mettre un deuxième.

La météo est maussade depuis une heure, une petite pluie a même pointé le bout de son nez. Je suis un peu inquiet pour Emmeline, sur le principe la pluie ne ralentit pas vraiment, mais ça peut miner le moral. On verra bien. Bon mais il est où le Benjamin. Je rame depuis maintenant presque deux heures, et toujours pas de trace. Je dois me rendre à l'évidence. J'ai du le laisser derrière. Il avait un peu mal au genou, la probabilité pour qu'il arrive à accélérer et creuser un écart tel qu'en alternant marche et course pendant deux heures, je ne puisse le combler, cette probabilité est nulle.

Ça sent l'écurie
Juste avant l'arrivée, une dernière ligne droite et c'est plié.

Bon, tant pis. Du coup j'attends de rattraper un concurrent suffisamment bavard et jovial pour terminer ma journée en bonne compagnie. C'est chose faite, il s'appelle Bertrand, et c'est je crois son quatrième essai à Steenwerck et cette fois, c'est fait, il va finir. Il est super content, et je suis super content pour lui.

Arrivée dans le gymnase après plus de 21h de "course" sous un soleil pétant, la météo a reviré au grand beau.

De tous les amis que nous étions, au final, seul Benjamin, qui effectivement était juste derrière moi et pas devant, finira aussi les 100 km officiellement. Pour les autres, il y a eu à chaque fois un petit truc qui coince, mais bon, ça fait partie du jeu, et comme dirait ce bon vieux Corneille "à vaincre sans péril on triomphe sans gloire". Il me semble toutefois que tout le monde s'est bien amusé et a vécu un truc un peu original et enrichissant, c'est l'essentiel.

J'ai cru comprendre que le rendez-vous était déjà pris pour l'année prochaine.

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Mis à jour le lundi 21 mai 2018.