Lundi 17 mai 2004
Le trail du pain d'épices, mon 1er trail! Sur un parcours de 53km, avec 1400m de dénivelé annoncés par l'organisation, je me suis surtout inscrit dans une optique "préparation au GRR", et le jour du départ j'ai hâte d'en découdre sur le terrain. Ca fait presque 6 ans que je ne me suis pas essayé sur une "vraie course" bien longue, et donc celle-ci est l'occasion d'aller retâter voir ce que c'est que d'être bien fatigué. Normalement j'ai un entraînement en béton, mais je sais que je ne pourrai pas aller très vite car je me suis entraîné pour être un bon diesel increvable mais pas une bête de course. Enfin bon l'idée est de finir, et d'essayer de voir quels enseignements je peux tirer de cette course pour ma préparation au GRR. Accessoirement si je peux me défoncer un bon coup, me rentrer dedans et faire un pseudo-chrono je serai pas fâché.
Comme il fait beau et que la météo annonce du soleil, voire de la chaleur, pour l'après-midi, je décide de partir en short + débardeur, tenue hyper légère donc. J'ai un coupe-vent dans le sac à dos, en cas de froid, mais je n'y crois pas. De toutes façons ce coupe-vent est tellement léger qu'on ne le sent pas dans le sac, ce serait bête de s'en priver, on ne sait jamais, à l'ombre des arbres avec un vent frais et la fatigue, on peut prendre froid même s'il fait bon. J'ai mon bob orange, qui est normalement le signe distinctif qui permettra à Amibugs (un UFO) de me reconnaître si je ne le reconnais pas avant à son maillot-qui-va-vite.
De fait on se rencontre juste sur la ligne de départ, 10min avant le coup d'envoi. On discute un peu donc, je dis aurevoir salut bonne chance et à tout à l'heure à Valérie et Romain qui vont, eux, participer au 12km. L'organisteur nous explique le balisage, ça a pas l'air mortel à comprendre, j'ai de toutes façons la carte-roadbook dans la poche extérieure droite de mon sac. Tout baigne.
Je pars super cool. Je laisse la majorité du peloton devant. De toutes façons j'ai prévu de faire entre 6h et 7h. Sur 7h - et même sur 6h - ce ne sont pas les quelques minutes que je vais gagner sur la 1ère heure qui feront la différence. L'expérience que j'ai acquise sur les distances ironman en triathlon me laisse à penser que le truc déterminant c'est en général plus l'état de fraîcheur du bonhomme sur la dernière heure de course, que l'élégance de l'allure 500m après le départ. Car une fois cramé, la dernière heure de course ne dure pas une heure, mais deux, voire trois. Donc je monte tranquille cette 1ère bosse, et j'en profite pour parler avec Amibugs d'entraînement, d'ultra, de tout, de rien, et c'est bien sympa ma foi. On marche franchement dans tous les passages raides, et on arrive au 1er ravito vers 52min de course. Là je décide de partir devant, le photographe est juste à 500m, c'est con si j'étais resté 1km de plus avec Amibugs on aurait pu avoir une photo groupée des 2 UFOs de la course. J'hésite à l'attendre, puis je me dis qu'il est aussi possible qu'il ait envie d'être seul sur la photo, et puis bon je me dis que bon allez tant pis j'y vais.
Et là je suis bien. Je suis même très très bien. J'ai tendance à rattraper du monde car je suis vraiment parti léger léger. En fait la 1ère heure m'a servi d'échauffement de luxe, de mise en jambe 1er choix. J'ai peut-être perdu 5min par rapport à mon rythme "optimal", mais en contrepartie maintenant je suis super méga bien, j'avance tranquille, je rattrape doucement 2 ou 3 coureurs, tout baigne, c'est cool. En plus il fait beau, et le parcours est magnifique. Pas de boue, ça ne glisse pas. Bref, on ne peut pas rêver mieux. Je m'aperçois que je me contretape du kilométrage. Je suis parti pour 6h/7h. Point. Je n'ai cure de savoir si j'en suis au 8ème ou au 12ème. J'ai regardé sur le Net le temps d'arrivée du 1er l'année dernière. 4h40. Je sais par expérience que bien préparé, je mets (grosse maille) 50% de temps de plus que le meilleur. Donc là ça fait 4h40 * 1,5 = 7h. Donc avec mon raisonnement en courant "au mieux" je suis quasi certain de franchir la ligne en 7h. Que le parcours fasse X kilomètres et ait Y mètres de dénivelé, ça m'importe peu, j'en ai pour 7h et j'en ai pour 7h. Et pour l'instant le temps passe, ni vite ni lentement, je cours et je suis content. Elle est pas belle la vie?
Je suis donc sur ce petit nuage, et je me fais la réflexion "eh bé dis-donc les organisteurs y z'ont fait un sacré boulot de balisage!", quand je vois un gars qui remonte (dossard no 1), en criant "c'est pas par là!". Ah bon? J'avoue que depuis 1/2 heure je suivais un groupetto de 4 coureurs en ligne de mire, sans regarder aucune balise ni rien ni prendre aucune note dans ma tête des différentes bifurcations. Je n'ai pas jeté un seul coup d'oeil sur la carte depuis le départ - depuis environ 2h donc - et du coup je n'ai aucune idée d'où est-ce qu'on peut bien être. Je commence donc à marcher, en attendant que ça se tasse. Et là quelqu'un du groupe devant crie "c'est bon c'est par là". OK je suis. Effectivement il y a de la rubalise. Puis on arrive sur du bitume. Après 1 ou 2 km de descente en lacets, avec toujours un peu de rubalise (ça s'écrit comme ça ou ça s'écrit rue-balise?), on arrive dans un patelin, et là le constat est clair, on est perdus. On est 6 ou 7 dans cette galère je crois. Je sors ma carte, demande à un autochtone sympatique où est-ce qu'on peut bien être, je regarde: OK c'est simple le dossard no 1 avait raison, demi-tour il faut remonter la portion de bitume. Bon bon bon bien bien bien.
Et là, déclic, je prends le truc super bien. Je me dis que "de toutes façons pour ne pas faire de conneries il faut les avoir toutes faites" et donc je suis sur la trace des champions car après les deux toutes premières heures de trail de ma vie, je suis déjà passé par la case "perdu". En plus je suis assez content de la façon dont je m'en sors. J'ai demandé de l'aide à un gars du coin tout de suite plutôt que d'essayer de jouer au héros tout seul, j'ai bien répéré mon erreur sur la carte, demi-tour et hop! Question moral je suis au beau fixe car - et c'est là que je suis diabolique - je viens de calculer que j'augmente mon score à la CTU. Et oui, la CTU, le bidule magique qui transforme les erreurs d'orientation en points bonus. Merci Yoyo! Evidemment les autres coureurs ne jouent pas à la CTU eux - sinon ils seraient contents comme moi - donc je largue un paquet de coureurs dans la remontée sur le bitume, car le moral n'est dans l'ensemble pas au beau fixe. Dans cette montée une fille m'interpelle "eh dis-donc t'as été au Tri91?". Remarque pertinente, je suis habillé de la tête au pied aux "couleurs club" (rose et bleu). En fait son visage me dit quelque chose, je jurerais l'avoir croisée à la piscine. Je lui dit que je suis le fils de Jean-Paul, et là elle connaît, pas de problème. Je la recroiserai plusieurs fois sur le parcours. Elle s'appelle Béatrice.
Enfin bref une fois remonté en haut je retrouve le bon chemin, je ne me pose même pas la question de savoir si le balisage était évident ou pas, je m'en tape, je suis "on-ze-road-again" et c'est tout ce qui m'importe. Je croise un type qui s'est perdu avec moi et qui est déçu déçu déçu car il visait une place au challenge des trails de l'Est, et maintenant c'est-foutu-adieu-monde-cruel. Boarf. J'ai le bon goût de ne pas lui ballancer "hé t'as qu'à jouer à la CTU!", et le laisse ruminer seul. Plus tard il me redoublera comme un avion, et là je serai bien content de savoir qu'il s'est remis "sur les rails". Juste après l'avoir doublé donc il y a une petite descente un brin technique, où je perds l'équilibre 2 ou 3 frois, me rattrape à une branche, mais en fait je m'en fous, je crie "woooohoooo, yeaaaaah, chanmé!!!" comme un gamin et gambade de nouveau dans les bois. Je pense que là on peut parler d'euphorie. De la balle cette course, de la bombe atomique vous dis-je. Le parcours est toujours aussi superbe, là c'est une petite descente en sous-bois dans une combe, et je me régale de ce faux-plat. Et aussi maintenant je surveille les balises, et j'ai jeté un coup d'oeil à la carte pour anticiper les points critiques, bifurcations à la con et autres pièges à débutants.
Et en sortant de ce petit bois, que vois-je? Mmm? Qu'est-ce donc? Mais oui, c'est un ravitaillement! Je constate avec un plaisir non dissimulé qu'il y a du pain d'épices, ce qui paraît logique vu le nom de l'épreuve mais enfin on ne sait jamais. Là j'ai un petit soucis c'est que j'arrive pas trop à manger. Je sais qu'il faudrait que je prenne des trucs mais c'est trop sec, trop "nourriture solide". A l'entraînement ça passait tout seul mais à l'entraînement il faisait beaucoup plus froid, et ça ça change la donne. Je me force donc à manger un peu de pain d'épice, chocolat, orange. Et je discute avec les gens du ravito, et notre fameux dossard no 1 qui est ici. Le dossard no 1 c'est celui qui nous avait dit qu'on était en train de se gourrer, et que nous n'avons pas écouté. Il me parle sur un ton "je vous l'avais pourtant bien dit..." et m'explique qu'en trail il n'y a *jamais* de bitume sauf si c'est inévitable - et que d'ailleurs c'est dans le réglement - et que donc on aurait du tout de suite faire demi-tour et pas descendre au village. Je lui répond que c'est mon 1er trail, que tout ça je n'en savais rien mais que de toutes façons c'est pas grave j'ai gagné le droit de tourner pendant 1/2 heure de plus sur le parcours, que moi je suis venu courir dans les bois et que je ne vois pas en quoi je fait d'aller visiter un village tout mignon tout plein en cours de route est un acte répréhensible. Bref, je fais part à tout le monde de mon optimisme inébranlable, et assiste assez impuissant à l'abandon d'un coureur qui s'est planté de parcours mais ne connaît apparemment pas, lui, les joies de la CTU et du concept "je cours pour courir".
Je repars donc gonflé à 100kg, en vérifiant bien le balisage. J'hésite d'ailleurs à 1 ou 2 endroits à peine 200m après le ravito, et surveille que l'avisé dossard no 1, qui est juste derrière, prend la même option que moi. Ca monte doucement dans un bois, au fond d'une combe, bordée par des petites falaises au début. A un moment il y a même des escaliers. Arf, la Réunion ça va être coton. 10 mètres d'escalier, ça va. 1000 mètres, heu... Autre moment d'hésitation à une bifurcation. Je demande conseil à des VTTistes. L'un me dit tout droit, l'autre "à gauche". Celui qui m'a dit "à gauche" a vu des trailers courrir sur le chemin. Mais le balisage semble plutôt dire "tout droit", quoique pas très clairement. Je regarde la carte, et en fait il y a bien un virage à gauche, mais avec un angle beaucoup plus fort, un "presque demi-tour". Je vais tout droit. A ce "presque demi-tour" il n'y a pas de pointage. Je soupçonne donc que les fameux "trailers" vus par le VTTiste étaient soit des randonners soit des perdus soit des tricheurs, car effectivement par là y'avait moyen de méchamment couper. Enfin bref, le passage qui suit est assez sympa, je continue de rattraper quelque coureurs, 1 ou 2 grand maximum, mais bon c'est quand même normal comme j'ai fait du trajet en plus au début je me retrouve avec des gens qui sont plutôt moins rapides que moi. Sur la fin ça devrait se tasser je rentrerai "à ma place" mais pour l'instant c'est clair je suis plutôt plus rapide que ceux que je croise. Encore un avantage de s'être perdu, eh oui, j'ai l'impression d'être une fusée galopante, et d'une manière générale j'ai quand même la nette intuition qu'à part un tremblement de terre ou une explosion atomique il n'y aura pas grand chose pour m'arrêter aujourd'hui.
Pour ajouter à l'euphorie générale, je cours maintenant en haut d'une espèce de falaise et c'est tout bonnement superbe. Moi qui suis un peu sceptique quant à ma capacité à ne pas être pris de vertiges au Grand Raid, je suis bien rassuré car sans être un précipice horrible, le trou qu'il y a à ma gauche est assez proche du chemin pour être dangereux si je tombe, et je cours normalement sans gros stress, tout baigne en somme. Je croise un groupe de randonneurs dont un qui explique aux autres qu'il y a tout un tas de trucs géologiques à observer, je m'arrêterais bien pour regarder avec eux mais ça n'est pas très raisonnable. Et puis c'est par là que je vois mais... mais... mais oui c'est bien un maillot-qui-va-vite devant moi. Je lance un coucou à Amibugs, qui est tout surpris de me voir. Je lui explique que je me suis gouré de parcours comme un bleu, et on rediscute un poil ensemble, tout ça jusqu'à un petit ravito en flotte où on nous annonce qu'on est à mi-parcours. Sauf moi! Moi je suis forcément plus avancé dans mon périple car j'ai ralongé la 1ère moitié. Donc je suis avantagé. Je commence à me demander si mon positivisme radical n'est pas quelque peu irrationnel. Rien à foutre, aujourd'hui je suis de bonne humeur, na! Les ronchons passez votre chemin. Enfin on est à 3h20 de course - de mémoire - donc je calcule rapidement 3h20 * 2 = 6h40, sachant qu'en fait on est "presque" à la moitié, ça fait une base de 7h. Sauf que la fin du parcours, question dénivelé, ça a l'air d'être gratiné de chez gratiné, donc c'est des kilomètres compte double. Bon, 7h ça reste crédible, mais moins de 7h c'est plus ou moins de la science fiction. Va pour 7h.
Je continue donc à courir, ou plutôt à marcher car là il y a une bonne petite côte où finalement on s'aperçoit qu'en VTT on monte plus vite qu'un trailer fatigué, mais à priori pas forcément plus vite qu'un trailer en forme. Faute de trailer en forme la comparaison n'aura pas lieu 8-) Ouais, parce que bon à force quand même j'ai un petit peu mal aux jambes. L'air de rien. Enfin à presque 4h de course, ça paraît logique, le contraire m'aurait surpris. Et quand arrive le ravito "de dur", je suis content mais alors content content content. J'avais bien faim. Mais voilà, maintenant c'est encore plus compliqué de manger qu'au 1er ravito solide. Je commence à m'apercevoir que le pain d'épice et le chocolat sont vraiment trop secs pour moi. Il faudrait que j'en aie dans mes poches peut-être. Mais je ne vais pas faire des "provisions" ici, ça ne se fait pas. De toutes façons j'ai des petits cakes dans mon sac qui sont très bien. Là n'est pas la question. En fait ce dont j'aurais besoin, et je m'en rends compte seulement maintenant, c'est d'un bon vieux coca. Ouais. Un bon coca bien tiède et sans bulles pour mieux le digérer. Je pille littéralement le banga du ravitaillement (j'en bois 4 verres). Merde c'est trop con. Oublier de prendre de la boisson sucrée pour partir courrir pendant 7h. Fallait le faire hein? A force de se concentrer sur la bouffe solide, j'ai oublié tout le reste, et un trail avec de l'eau plate et des gateaux, c'est faisable, mais c'est mieux avec du jus de fruit on va dire. Enfin bon ce sera pour la prochaine fois hein. Une des raisons pour laquelle je n'ai pas mis de sucré dans ma poche à eau c'est que j'ai peur de la bousiller en foutant des trucs qui vont pourrir et moisir dedans. Ca c'est à cause du chamodo. Le chamodo c'est un camel-back (chameau-dos) que j'utilise en fanfare pour pouvoir rentrer dans les bars en féria - ou tout événement similaire - avec ma propre picole, beaucoup moins cher donc. C'est pas très civique tout ça oui mais non mais vous savez pas tout j'ai de bonnes raisons. Enfin bref mon chamodo il a tout vu, du pastis, de la sangria 1er prix, du blanc-menthe, du cocktail californien, et bon maintenant la poche elle fait un peu la gueule. On va dire qu'on peut pu trop mettre de l'eau dedans, on ne peut qu'y mettre des boissons qui ont un minimum de caractère. Enfin bref fin de l'épisode chamodo j'ai décidé que la poche à eau de mon sac de trail ne contiendra jamais que de l'eau, c'est un point qui ne supporte pas la discussion, n'empêche que j'aurais donné cher pour un coca sur la fin de ce trail du pain d'épices. Un bon coca... Mmm comme c'est bon un coca... Bon j'évacue le coca de ma tête, pas la peine de gamberger, et je repars.
Là il y a une petite portion de bitume. Je me méfie - chat échaudé l'eau froide tout ça tout ça - et vérifie avec circonspection le balisage. D'ailleurs ça loupe pas à quelques encablures de là, un carrefour avec 3 choix: devant, à gauche, à droite, et aucun balisage. Rien, nada. Greu! Si, par terre il y a un flêchage dont il paraîtrait que c'est celui de l'année précédente. Enfin bref. Je pars en reconnaissance sur le tout droit, l'hypothèse la plus crédible mais comme il faut traverser une barrière c'est pas crédible que rien ne soit balisé. J'avance de 100 ou 200m, et ne vois rien. Demi-tour. Entre temps on est 4 ou 5. Tous les gens avec qui j'avais fait l'écart dans la côte avant le ravito me reviennent dessus. Super. C'est pas que je fasse la course ni que je sois attaché au classement mais quand même, j'enrage un peu. Boaf. Je ré-essaye l'hypothèse tout droit en expliquant aux autres que si c'est bon je beuglerai comme un âne. L'âne ne beugle pas mais là n'est pas la question quand j'ai envie j'ai la voix qui porte. En fait en avançant de 50m de plus que lors de ma 1ère exploration je vois de la rubalise. OK c'est par là, la carte confirme le truc, un petit c*n a du enlever une partie de la signalisation c'est pas possible autrement. Je beugle et je continue. Béatrice (l'ex Tri-91 que j'ai croisée quand je me suis planté de route) est dans mes pates, j'hésite à courir avec elle puis je décide de partir devant.
Là je suis dans une situation où je me dis que ça va être loooooooong. Car je ne vais évidemment croiser personne. Derrière, un groupetto de 5 qui a peut-être, voire sûrement, explosé depuis le fameux carrefour, et devant, ben comme j'ai poireauté 5 ou 10min à chercher mon chemin le prochain est à 5 ou 10min. C'est logique voyez-vous. M'enfin c'est pas très grave. D'ailleurs je vais re-hésiter un peu plus loin à un endroit où le balisage semble rarissime, et re-me faire rattraper par les même personnes. Ouarf devant il doit y avoir un de ces vides... Mais bon c'est pas grave, je cours plutôt plus vite que les groupes dans lesquels je me retrouve donc une fois l'aspect "zut j'ai fait le trou mais ça a servi à rien" évacué c'est assez confortable psychologiquement car je n'ai pas besoin de ramer pour suivre. Parfois j'ai presque l'impression de mener la course. C'est débile comme impression je sais mais c'est comme ça. Au passage je cours quelques kilomètres "cadeau". J'appelle ça des kilomètres cadeau car les quelques passages à découvert en plein soleil m'ont fait comprendre que maintenant "dehors il fait chaud" et donc ces kilomètres cadeau sont du faux plat descendant sur sol mou mais un peu ferme quand même, le tout bien à l'ombre. Un régal.
La suite par contre est moins drôle. Je suis seul, déséspérement seul. Derrière j'ai apparemment vraiment fait le trou et devant rien. Rien de chez rien. Pas un coureur pas une maison pas un ravitaillement, rien. La forêt c'est bien mais bon à force c'est comme tout on s'en lasse voyez-vous. En plus je commence à avoir les jambes un peu raides, et je me dis que les côtes de fin de parcours ben... ...ça va pas être du gâteau. Enfin bon je continue sur mon petit rythme, et finalement j'arrive à un ravitaillement, ouf! Là j'apprends que je suis au 41ème. Yeaaaah, chanmé, rock'n'roll! En fait je suis donc au pied de *la* fameuse côte qui me faisait peur sur le profil communiqué par l'organisateur. Un coureur est là qui a abandonné. Mal au jambes, crampes. Je lui signale que le temps limite est dans bien longtemps, assez même presque pour finir à pied, au rythme ballade dans les bois. Ca ne l'intéresse pas. Faut dire que moi j'ai encore cette fierté plus ou moins mal placée de ne jamais avoir abandonné aucune course - sauf quelques erreurs de jeunesse mais bon - mais je comprends qu'on puisse ne pas avoir la même obstination. Par contre lui concrêtement il va devoir attendre que le ravito ferme, que le type plie les gaules pour pouvoir rentrer à Velars. Ou alors rentrer en stop. Super. Moi je préfère rentrer par les bois dans ce cas. Enfin bon chacun son truc hein, si ça se trouve il a vraiment super méga mal et je m'en rends pas compte.
Je repars donc. 41km. Coooool. Bon, à quoi ressemble donc la suite du parcours? Horreur... Ca monte sur le bitume, en plein cagnard. J'hésite à trottiner ou à marcher. Je trotine. Faut que je sorte de ce traquenard au plus vite. Je repense à l'article dans le mag de Mars, Pam Reed et son ascension du Mont Whitney. Je me sens misérable. Il doit faire 20 degrés de moins que là-bas, j'ai fait 5 fois moins de km, j'avance vraiment, mais alors franchement pas vite, mais y'a pas photo, je suis à toc. Au taquet. A donf. Scotché à 7, 6, voire peut-être 5km/h dans cette put**n de côte. Je me retourne. Y'a quelqu'un! Mais j'ai fait quoi au ravito là, j'ai pourtant pas pris fromage et dessert? Pas possible le concurrent qui est derrière moi ne s'est pas arrêté, c'est pas possible autrement. Je soupçonne d'ailleurs que ce soit Béatrice. Coriace celle-là dis-donc. Mais moi aussi je suis coriace, non mais! Elle marche. Je cours. L'écart entre nous ne bouge pas d'1 mètre. Chacun son style on va dire. Je sais pourtant que quand je marche je suis capable de bien allonger la foulée, mais pour une sombre raison sur ce coup-là je préfère courir. Et ça paye. Car au loin, je vois un concurrent devant. Victoire, gloria-alleluia je ne vais plus courrir seul dans la pampa, il y a du monde devant, du monde derrière, ça va chier les amis!
Une fois sorti de la pseudo-fournaise - en vrai il ne fait pas vraiment si chaud que ça mais suffisemment chaud pour que ça donne bien soif - on est dans les bois et là je décide de re-marcher dans les côtes. J'avance bien même comme ça. De toutes façons je pourrais pas aller beaucoup plus vite, le cardio indique dans les 150, je souffle comme une locomotive, et je commence vaguement à avoir plein le c*l de cette histoire de course. Au-delà du marathon qui disaient. Ben ouais ben tiens on y est maintenant au-delà du marathon, et j'aimerais bien vous y voir vous, ça fait bientôt 6h que je tourne sur le circuit et comme qui dirait je serais pas fâché de poser mon cul sur une chaise. Enfin ça va encore bien. Je suis fatigué mais je sais - pour l'avoir été - que je ne suis pas *vraiment* fatigué. J'ai mal aux jambes, je commence à m'ennuyer, mais rien de très dramatique. Surtout, avec mon rythme de marche en côte avec méga-ventilation-intégrée (j'inspire / expire à chaque pas, une vraie loco) je rattrape le concurrent (la concurrente en fait) de devant. Chouette. Maintenant la question, y'en a d'autres encore pas loin devant? J'en entre-aperçois effectivement un au loin, mais bon va falloir s'accrocher. C'est pas du tout que je prenne un malin plaisir à doubler les autres, simplement c'est une motivation comme une autre pour avancer. "Rattraper le prochain concurrent", ça a quand-même plus de gueule que "arriver jusqu'à l'arbre là-bas", je trouve.
Sur ces entrefaits, arrive la fin de cette petite (!) ascension, et avec elle le retour des jolis paysages. Sauf que le tableau est un peu gâché par un méchant mal au bide qui me prend comme ça par surprise, là. Prrrrrrrrrout. Je m'excuse mais bon j'ai pas le choix faut que je dégaze. Bien content de courrir seul sur ce coup-là tient. Prrrrroaaatch. Ouh-là-là vraiment ça va pas, je marche pendant 5 mètres, me disant que j'ai trop mal pour courrir, puis constatant que ne pas courrir n'arrange rien au problème je repars. Ici le parcours est vraiment chouette il y a à nouveau des passages en bordure de plateau avec des superbes vues, et le sentiers zigzague joyeusement dans la forêt, franchement ce parcours il est terrible. Je suis rappelé à l'ordre par une racine qui manque de me faire tomber et au moment où mentalement je me dis "faut que tu fasses attention où tu mets les pieds" je butte dans un caillou et manque de me re-casser la figure. Blague à part, et c'est bon pour moi à savoir, je constate que butter ainsi dans les pierres et les racines, outre le fait que ça peut mettre la course en l'air si on tombe, ça fait super mal aux pieds. Et ça c'est pas bon du tout. Et toujours mal au bide. Je me doute bien de la raison. Je bois trop d'eau. Oui mais ai-je le choix? Si je bois moins je vais me déshydrater. J'ai la bouche qui sèche en 5min, et d'une manière générale j'ai une méga super grosse dale, amenez-moi un sanglier. Sauf qu'à manger j'ai juste du cake qui ne me fait pas du tout envie, qui de toutes façons est tout sec, et pis d'abord je veux un coca. Mon royaume pour un coca. La dernière concurrente que j'ai doublée m'a dit que le prochain ravito n'était pas loin. J'ai bien fait de ne pas la croire.
A force d'être sur ce plateau j'en suis venu - vous allez rire - à croire que l'organisateur s'était trompé sur le profil. Il a oublié la dernière côte, elle n'existe pas. Quel gag. En fait - on pouvait s'en douter - c'est moi qui ait oublié de me rappeler qu'il y avait un bout de plat à cet endroit là. J'avais oublié car sur le profil ça avait l'air tout petit. Oui mais un petit cm sur le papier ça fait des gros km sur le terrain. Et les gros km ça fait des gros paquets de minutes au rythme où j'avance, hé hé hé. Donc en fait ce plateau se termine bien par un descente et là c'est horrible. Argh. J'ai super super mal aux cuisses, je descend en trotinant mais ça avance pas fort, chaque fois que je pose la jambe gauche ça fait "ouille" et chaque fois que je pose la jambe droite ça fait "aille". Bref, ce mini calvaire se termine, et je passe dans un petit endroit bucolique, où une grosse dizaine de personnes font un pique-nique (ou assimilé). Sur ce, 20 mètres plus tard, bing bam boum ça monte. Mééééé heuuu! L'organisateur ne s'est donc pas trompé sur le profil...
Je monte donc à mon rythme, entendez par là, "pfou pfou pfou" la locomotive qui marche et respire à chaque pas. On peut critiquer le style n'empêche que je rejoins 2 coureurs. En plein milieu de la côte, suprise! Plus d'eau. Sluurrrrrp sluurrrrp? Comment, quoi, hein, plus d'eau? Ah non alors, ça doit être ma poche à eau qui s'est mise à l'envers dans mon sac et la prise d'eau est en eau donc j'arrive pas à aspirer. J'arrive quand même à siroter un mélange d'air et d'eau, et en haut, ouf, le ravito. On est bientôt arrivés mais je décide de quand même refaire le plein d'eau. Je regarde donc l'état de la poche. En fait elle est bien dans le bon sens, simplement elle est sèche comme un coup de trique. Bigre. Faudra faire gaffe à ce genre de gag pour le GRR, et essayer d'anticiper. Le type du ravito est super sympa - comme tous les bénévoles d'ailleurs - et on discute un peu. On repart, on est 3 coureurs dans un mouchoir de poche.
A partir de là le parcours devient très quelconque. Pas sûr que ce soit vrai, mais j'ai plus les yeux qu'il faut pour apprécier. Pour le coup je filerais bien mes 3 points à la CTU à n'importe qui pour peu qu'on me téléporte sur la ligne d'arrivée. Cette histoire de "c'est tant mieux d'avoir fait des km en trop" c'est vraiement de la c*nne*ie. Franchement. J'essaye de courrir le plus souvent. En marchant je perdrais à peine 1 ou 2km si ça se trouve, mais bon je préfère courrir. 1km/h de gagné c'est 1km/h de gagné, on va pas cracher dans la soupe non? Je regarde ma montre, pour 7h c'est rapé. Il *est* 7h. Ca se tente pour 7h30! En fait non, je ne me bats pas pour faire 7h00 ou 7h30 ou 8h00 je me bats pour "ne pas lâcher le morceau, et ce jusqu'à la fin". Dans cette logique, je pourrais être parti pour 5h ou 9h ça change pas grand chose.
C'est dans cette portion du parcours (aux alentours de 45/50km donc) que je médite sur la notion de fatigue. J'ai un bon cas d'étude qui est moi-même, à l'instant présent. Dans mes rêves les plus fous je m'étais dit que je ferais un finish d'enfer, éclatant, à 12 ou 13km/h et évidemment la réalité - beaucoup plus probable - est que je suis bien attaqué, et que courir c'est déjà pas mal, quelque soit le rythme. J'ai néanmoins un atout, c'est que courir comme une limace, j'ai travaillé ça pendant de longues heures à l'entraînement - les fameuses sorties longues - et ça paye car là finalement je ne suis pas si mal que ça en courant. C'est ce qui fait que courir n'est pas beaucoup pire pour moi que de marcher sur cette fin de course. En fait c'est surtout l'état de fatigue général qui est désagréable. La sensation d'être vidé, de ne plus avoir de jus. En même temps je sais pertinemment que c'est exactement ça que je viens chercher en m'inscrivant sur ce type de course. Aller voir ce dont la machine est capable quand elle est bien amochée. Mais bon sang c'est fatiguant quand même. Pfff, vivement bientôt que ça se termine dis-donc.
Je rattrape encore 1 ou 2 coureurs, après plusieurs essais pour trouver *la* personne qui a le même rythme que moi, je finis par trouver. Un coureur plutôt meilleur que moi à priori, mais qui a été victime de crampes - moi c'était le détour, chacun sa course hein - et donc on fait les derniers km ensemble. Franchement on s'est bien tirés l'un l'autre. La descente finale est limite désagréable, à un moment je pense au GRR, et je me dis que ça va être l'horreur totale, j'ai du mal à me convaincre qu'il faudrait que je refasse 2 tours de 53 bornes. Enfin bon faut pas trop se poser de questions, on verra quand on y sera, pour l'instant, faut finir cette course là. Et puis quand j'y pense c'est vrai que maintenant sur la fin de course j'ai des jambes de bois mais par contre il y a plein de paramètres qui sont au beau fixe, par exemple j'ai même pas mal aux pieds, à peine une ou deux micro ampoules au pied droit.
Et puis finalement il faut redescendre sur terre, la course se termine. Les randonneurs qu'on croise sur la fin nous encouragent, je suis tout réjoui en entendant des bruits d'autoroute (autoroute == Velars == arrivée), et c'est avec une joie non dissimulée que je remets je pied sur le bitume. Petite cerise sur le gâteau, on a 4 marches à monter avant de franchir la ligne. Les fourbes! Ils ont fait ça exprès c'est pas possible autrement. Je franchis la ligne en même temps que mon collègue, et Valérie est juste là derrière pour m'accueillir. J'ai gagné un bout de pain d'épices rigolo, miam! En plus Valérie me tends une bière (fraîche!) et 3 sandwichs au pain bien frais bien tendre. Une bonne 1/2 heure de bonheur. Je demande à Valérie comment s'est passée sa course, et en fait elle a terminé en 1h45 le trail de 12km, ce qui, pour une 1ère course - elle n'avait jamais couru avant - est tout à fait conforme à l'objectif. En fait elle a même fait du rab car elle avait perdu ses clés mais bon. Ca doit être de famille de rajouter des kilomètres 8-) Romain, lui, a torché ça en 1h07, il finit 4ème junior (cadet surclassé en fait...). Je suis obligé de partir en coup de vent de la course car on a un problème logistique de biberon avec Adèle, dommage, j'aurais bien profité de mon sandwich au fromage, attendu Amibugs pour discuter à l'arrivé, mais bon, c'est presque complètement quasi sûr, on m'y reverra sur ce trail.
Mais au fait, j'ai oublié de vous dire: pendant la course, j'ai fait plein de photos. Vous allez me dire, c'est banal. Non non non. Car j'ai fait des photos avec mon Lomo. Le Lomo pour ceusses qui ne connaîtraient pas c'est un appareil photo avec 4 objectifs, qui prend 4 photos "presque" en même temps mais pas tout à fait. Idéal pour faire des prises de vue avec bougé artistique. J'ai en particulier en stock des photos de ma foulée pataude qui devraient être pas mal du tout, simplement faut le temps de les développer et de les scanner avant de pouvoir les montrer.
Et puis il y a encore plein d'autres choses qui manquent dans ce CR, par exemple le fait que la pasta-party de la veille était très sympa et que j'ai repris 2 fois des nouilles. Et aussi il manque un grand merci aux organisateurs et à tous les bénévoles.
Bilan de la course: le trail du pain d'épices, un vrai délice!