Objectif 2h50, mais encore?
J'avais annoncé la couleur, je visais 2h50. Ça paraissait ambitieux vu mon semi en 1h22 5 semaines avant, mais bon, qui ne tente rien n'a rien. Dans tous les cas mes véritables objectifs de l'année sont ailleurs, le but ultime c'est de bien figurer au déca , si je peux ramasser quelques chronos en route sur des courses intermédiaires, pourquoi pas.
Je me suis donc préparé sérieusement, j'ai suivi aussi scrupuleusement que possible le plan d'entraînement page 245 du livre Bien être et jogging de Serge Cottereau. Ce plan était ouvertement pour un objectif au-dessus de ce que je visais (plan ciblé pour 2h30 à 2h40) mais ses plans ne sont pas basés sur des vitesses absolues, uniquement sur des répartitions d'allure, essentiellement « endurance », « résistance douce » et « résistance dure ». Du coup le choix du plan correspond plutôt (c'est mon interprétation) à combien on est prêt à mettre, en temps et en énergie, dans sa préparation. J'étais prêt à consacrer 11h/semaine, j'ai donc choisi ce plan. Je ne le regrette pas. Bien sûr, j'ai du adapter un tas de truc, par exemple il m'était impossible de faire certaines sorties à 1h45 à la pause déjeuner au boulot, donc j'ai souvent réduit à 1h15. C'est comme ça. C'est ça ou rien.
Mais revenons à nos moutons, 2h50, pourquoi? Parce que ça fait un compte rond, mais pas seulement. En fait, il y a plein de chronos en dessous (et légèrement au-dessus...) des 3h qui ont une signification particulière pour moi. Par exemple:
- 2h46 : c'est le record personnel d'Alan Turing, père de l'informatique, qui est celui que je cite lorsqu'on me pose la question « quel personnage célèbre admirez-vous le plus? »
- 2h48 : c'est un poil mieux que 15km/h, chrono mythique
- 2h49 : c'est presque 15km/h ;)
- 2h50 : le compte juste, on est définitivement en dessous des 3h, bien loin, plus de 10 minutes devant. Dans le classement on est vraiment en haut du paquet. C'est pourquoi j'en ai fait mon objectif officiel.
- 2h55 : mon record personnel, réalisé en 2008 à Paris.
- 2h56 : ma dernière marque, réalisée en 2009 à Paris.
- 3h00 : la barrière dont j'ai longtemps pensé que je n'arriverais pas à la franchir. Ouvertement, si je finis au-delà en 2010, je suis décu.
- 3h03 : mon chrono à Rambouillet en 2007 lorsque j'ai échoué à passer les 3h. Là , si je suis au delà , j'ai vraiment raté ma course. Mais c'est comme ça, les résultats en course à pied, ce n'est jamais garanti. Il ne faut pas vendre la peau de l'ours...
Tiens, et tant que j'y suis, sachez que pour les 6 jours d'Antibes j'ai préparé le même type d'objectif à géométrie variable. Mon objectif officiel est de faire « entre 700km et 800km » mais plus précisément:
- 92 km : ma moyenne hebdomadaire sur janvier/février/mars 2010. En dessous, je suis ridicule!
- 205km : ma marque sur 24h. Logiquement, en 6 jours, je fais plus.
- 246km : un Spartathlon. Je l'ai fait en moins de 36h. En 144h, soit 4 fois plus de temps, normalement, c'est une formalité.
- 422km : c'est 10 marathons, c'est ce que j'aurais à faire au déca-Ironman. Si je suis en dessous, sérieuse remise en question, il y a forcément un problème, je dois revoir quelque chose dans ma préparation ou ma gestion de course, ou les deux.
- 500km : 1/2 millier de km. Marque vaguement symbolique.
- 507km : 2 marathons par jour, j'estime que c'est le minimum syndical à atteindre. Un marathon le matin, un marathon le soir. Youkaïdi, youkaïda.
- 540km : la distance vélo lors d'un triple Ironman. Ça serait rigolo de faire ça à pied, non?
- 600km : 100km/jour, on va dire que c'est la limite inférieure en dessous de laquelle je serai déçu. En dessous, ça sera bien quand même, mais je repartirai surtout avec de l'expérience plutôt qu'une bonne performance. C'est peut-être pas si mal d'ailleurs.
- 620km : la distance de Bordeaux-Paris cyclo.
- 644km : 400 miles. Cool.
- 666km : le nombre de la Bête!
- 700km : mon objectif officiel, faire une marque à 3 chiffres dont le premier est 7.
- 720km : 5km/h de moyenne. Costaud. En comptant 4 heures de sommeil par nuit, ça fait 6km/h en comptant les pauses pipi, les repas, les avaries, et j'en passe. C'est déjà du lourd.
- 750km : 150+140+130+120+110+100, Ã savoir 150km le premier jour puis 10km de moins chaque jour. Super plan de course.
- 760km : 3 marathons par jour, très bel objectif, si j'y arrive, j'ai gagné ma semaine, vraiment. En fait, j'ai même gagné mon année, c'est beau 3 marathons par jour, ça a du style.
- 800km : la limite haute de mon objectif officiel. Au delà , c'est du pur bonus. Avec ce kilométrage d'ailleurs j'ai des chances d'être sur le podium or, je ne suis jamais sur le podium. Donc raisonnablement, c'est déjà de la science fiction. Je continue tout de même l'énumération.
- 805km : 500 miles. Big balls.
- 806km : record de l'épreuve, détenu par Christophe Laborie.
- 810km : 160+150+140+130+120+110, à savoir 160km le premier jour puis 10km de moins chaque jour. Dans mes rêves les plus fous...
- 820km : 4 fois ma marque sur 24h00 Ã Brive en 2009.
- 844km : 20 marathons.
- 860km : 170+160+150+140+130+120, à savoir 170km le premier jour puis 10km de moins chaque jour. Le rêve.
- 864km : 6km/h de moyenne.
- 900km : mythique. 150km/jour. Performance ultra rare, des marques à 900km, ça se trouve pas sous le pas d'un cheval.
- 966km : 600 miles, soit 100 miles par jour. Que dire...
- 1000km : barre hautement symbolique, niveau international.
- 1034km : le record de Jean-Gilles Boussiquet en 1992. Énorme. Ce record du monde a d'ailleurs tenu très longtemps, avant que...
- 1036km : Yiannis Kouros, en 2005, ça doit être le record du monde actuel. Ça donne une idée, quand on connaît le palmarès de Kouros, de ce que représente une performance à plus de 1000 sur 6 jours.
Bon, allez, fini de gamberger. Ce que je veux illustrer par ces objectifs variés, c'est qu'il faut bien sûr se fixer un objectif, mais ne pas perdre de vue que ça reste un exercice de style. Le but est bien d'aller le plus vite possible. Si on fait mieux que prévu, super, et si on fait moins bien, tant pis, mais il faut s'accrocher pour faire le meilleur score possible, rien n'étant jamais perdu.
D-day
Donc voilà , nous y sommes, c'est le jour J, objectif 2h50, je suis sur la ligne de départ. Valérie y est aussi pour son premier marathon. Je suis dans le sas préférentiel, tout va bien. Enfin, presque... Depuis 4 jours j'ai cette insupportable douleur aux cuisses, aux ischios plus particulièrement, dont je suis victime à une course sur deux ces derniers temps. J'en ai marre. Je ne sais pas d'où ça vient... J'ai longtemps suspecté que c'était d'arrêter de boire du café la semaine avant la course qui me mettait dans cet état. Mais ça paraît bizarre, les douleurs sont tellement localisées sur les muscles de la course. J'ai aussi envisagé un problème de trop grosse charge les dernières semaines avant l'affûtage. Mais mon carnet d'entraînement ne confirme pas cette hypothèse, j'ai encaissé des charges bien plus lourdes sans conséquences de ce type. Alors j'ai aussi imaginé que ça pouvait être la baisse de régime qui me causait ces soucis, genre addiction physique, dépendance directe à la course, si j'arrête de courir j'ai mal aux jambes? Étrange tout de même. Donc comme trop souvent ces derniers temps je vais prendre le départ avec des guiboles douloureuses et raides. J'ai passé une nuit désagréable, hâchée, à me réveiller presque toutes les heures, avec mes cuisses qui se rappellent à mon bon souvenir. Saleté va. Tant pis, me lamenter ne me fera pas avancer plus vite, le compte à rebour définitif est lancé.
Attention... 5... pan!
4, 3, 2 et 1 sont passés à la trappe.
Tout comme 2 de mes 3 grigris en tricotin, que j'avais prévu de porter au bras pour penser à mes filles. Tsssk tsssk, pas bon signe ça, j'avais besoin de mes grigris.
1er semi, comme une balle
1er kilomètre, je regarde ma montre. Oula!!! Attention, va falloir lever le pied. Ça à beau être en descente, je dois tourner dans les 3'40" au mille, voire mieux, c'est ouvertement trop rapide. Pourtant j'ai pas l'impression de forcer. Bien sûr mes jambes (les ischios, encore et toujours) me font mal à chaque impact mais ralentir ne change rien, allongé dans un lit j'ai mal aussi. Je modère mon enthousiasme. Malgré cela j'enfile les kilos à 3'50" ou 3'55". Bon, OK, si je continue comme ça j'explose mon record, mon meilleur objectif, j'explose tout. Ou, tout simplement, j'explose. Je suis perplexe. Que faire? Je ralentis? En même temps, qu'est-ce que je suis bien... J'hésite. Je regrette un peu de ne pas avoir pris la ceinture du cardio. Je me suis dit que j'allais tout faire au chrono, il paraît que c'est pas bien le cardio en course. Dommage, il me manque une info, car si ça se trouve s'il affichait, par exemple, 150, je serais certain qu'il faut que je ralentisse davantage. Là , je suis entre deux eaux. Je tergiverse. Encore un km en moins de 4 minutes. Décidément. Oh et puis zut, il fait beau, allez, tant pis, je vais dans le mur, on verra bien plus tard. Je continue donc à un rythme qui sur le papier est trop fort pour moi, mais sur le terrain me semble le bon. Au semi, je suis à peine (même pas une minute...) au dessus de mon record sur la distance.
Bonne nouvelle, mes douleurs aux ischios ont quasiment disparu, mes jambes sont enfin dans leur état normal. C'est vraiment comme si elles ne demandaient qu'une chose, tourner, tourner et encore tourner!!! La thèse de l'addiction me semble la plus probable, pourtant elle me dérange et par ailleurs je n'ai jamais entendu ni lu de descriptions factuelles de ce type de dépendance. J'ai conscience qu'en écrivant cela j'ajoute de l'eau au moulin de ceux qui considère qu'à 50 heures d'entraînement par mois je suis un drogué du sport, mais tant pis.
2ème semi, retour sur terre
Le défaut du retour à la normale de mes jambes, c'est que mon rythme aussi, retourne à la normale. Je me rappelle très bien, à l'entraînement, avoir eu du mal à maintenir le 4 minutes au mille (15km/h) sur des séries sur piste. Et bien, devinez-quoi? C'est exactement ce qui m'arrive. Je me fais littéralement enfumer dans un tunnel le long de la Seine par un groupe où ça parle de « ramasser les morts ». Or donc, le mort, c'est moi. Je ne suis pas le seul, nous sommes nombreux à avoir adopté ce plan de course débile qui consiste à partir trop vite et exploser derrière. Pourtant, je le sais qu'il ne faut pas le faire... Et bizarrement, sur le semi, je ne l'ai pas fait. Et en ultra, je le fais très rarement. Mais le marathon est une distance maudite, je me tasse toujours sur la fin. Je dois absolument mettre un terme à cette habitude détestable.
Pour autant, je ne lâche pas le morceau. Le « largement moins » de 2h50', c'est à peu près cuit, je le sens. En revanche 2h50' tout juste, ça se tente encore. De toutes façons, s'accrocher, c'est toujours un bon calcul. Alors je fais au mieux. Je limite la casse. Limiter la casse à 13km/h ou 14km/h, c'est inhabituel pour moi, je suis plutôt habitué, sur des ultras qui durent des dizaines d'heures, à être à fond à 10km/h. J'essaye de ne pas me projeter, justement, dans une optique « ultra », je pense plutôt à mes entraînements de résistances dure où je lâchais tout ce que j'avais en 10 minutes. De temps en temps je relance pendant un km mais derrière je le paye cash sur le km qui suit.
Vers le 29ème, je consomme un « gel » que j'avais récupéré à l'Ironman de Nice l'année dernière. Je n'achète jamais ce genre d'article mais là j'en avais un en stock. Je mange donc le machin. C'est pas très bon, c'est hyper-fraise hyper-sucré. Et j'ai jamais couru aussi lentement qu'après l'avoir pris. Bon, ce malheureux gel n'y est pour rien, j'aurais pris du sucre, ç'aurait été pareil, et puis il a eu le mérite de ne pas me mettre les tripes en vrac. Manquerait plus que ça!
Jusqu'au bout, je tenterai des relances, mais rien n'y fait, j'ai beau essayer de me rappeler comment ça faisait lorsque j'enquillais des séries à 16km/h à l'entraînement, là , ici et maintenant, ça passe pas. Je fais une ultime boulette en buvant un coup au 40ème (quelle idée, comme si ça servait à quelque chose...) et tente une ultime accélération à la fin. Y'a bien quelque chose qui sort, mais ça ressemble pas à ce que j'aurais voulu faire. Je suis assez déçu de ma course lorsque je déboule Avenue Foch. Pourtant, je viens de battre mon record personnel de 3 minutes, il n'y a pas de quoi être mécontent, mais bon, l'objectif c'était 2h50', et là , pfuiiiit, l'objectif il est raté. 2h52'22" (temps compensé).
C'est pas très grave, je crois que je suis plus irrité par ma mauvaise gestion de course que par le chrono lui-même. Je perds tout de même environ 8 minutes sur le second semi, c'est pas la gloire. Je tempère car finalement, pour quelqu'un parti en sur-régime, je négocie pas mal la session de rattrapage. À noter que je continue à clamer que le mur du 30ème n'est qu'un leurre, malgré que, factuellement, mon rythme a ouvertement baissé au delà du 30ème. En effet, mon ralentissement était programmé, je me suis tassé tout seul, lentement, aucune barrière nette, il m'est arrivé ce qui arrive sur n'importe quelle distance, parti trop vite j'ai du ralentir. Sur 800 mètres ou 100km, ç'aurait été tout pareil.
Bravo Valérie
Une fois la ligne franchie, je mets deux bonnes minutes à récupérer une respiration normale. Comme quoi, j'ai pas fait complètement semblant... Je suis vanné. Je discute avec quelques têtes connues (Jamel, un collègue de ma femme, Bipédy du forum UFO) et je rentre me changer au vestiaire.
Là , j'allume mon portable et regarde les temps de passage de Valérie. Génial, elle a un bon rythme. Elle a du être retardée au départ, mais maintenant elle avance bien. Je me demande même si j'aurai le temps de la retrouver au 40ème 1/2 comme prévu. Allez hop! Je remplace mes Saucony qui vont vite par des vibram FiveFingers et prends le métro. Je marche de la porte Dauphine jusqu'au point de rendez-vous. Diable, j'ai mal aux jambes!
Valérie n'est pas arrivée, j'ai mon portable sous la main, j'aurais reçu un SMS si elle avait franchit l'arche. Je vois passer les meneurs d'allure 4h15. Les 4h30. Et là , je la vois au dernier dernier moment... Pourtant je scrutais vraiment attentivement le peloton. Je cours à ses côtés. Aouch! Ça fait mal. J'ai l'impression de faire de l'ultra, pour le coup. Je peine à la suivre. Allez, bouge ton gros derrière Christian! Valérie est bien dans sa course, je trouve qu'elle s'en sort super bien. Elle avance régulièrement, inexorablement, et je juge qu'elle gère bien mieux sa fin de course que moi lors de mon premier marathon en 1994. J'ai vraiment l'impression que les filles sont plus sérieuses que les gars pour ce qui est de savoir partir raisonnablement et de gérer l'effort dans la durée. En même temps j'ai conscience que ce genre de remarques « les filles... » est assez facilement teinté d'un certain sexisme. Je laisse Valérie au rond-point de la porte Dauphine et elle termine son marathon en 4h33 et des broutilles. Du beau boulot. Bien joué.
En tous cas, voilà un bon dimanche de printemps bien réussi, j'améliore ma marque personnelle sur marathon, mon épouse est désormais marathonienne, il a fait beau, on en a bien profité. Ça, c'est fait.
Prochain objectif: les 6 jours d'Antibes.
PS: mes temps de passage détaillés ci-dessous.
KM Temps Vitesse ---------------------- 5 00:19:19 15,53 10 00:39:02 15,22 15 00:58:21 15,53 21,1 01:22:17 15,29 25 01:38:05 14,81 30 01:58:34 14,65 35 02:20:16 13,82 42,2 02:52:22 13,46
Au global, ça donne:
- 1er semi en 1:22:17 (à même pas une minute de mon record perso...)
- 2ème semi en 1:30:05 (aïe... même pas sur une base de 3h)
- temps brut 2:52:44 (j'ai sauvé les meubles)
- vitesse moyenne 14,69 km/h (un jour, j'irai à 15, na!)
- 520ème (au scratch)
PPS: je vous ai dit que je m'étais inscrit sur Bordeaux-Paris? Non, alors je vous le dis. Je tente l'aventure, 620 bornes en moins de 28 heures, en vélo. 2 semaines après les 6 jours d'Antibes. Un peu fou, mais je pense y arriver. Dans la vie, faut parfois tenter des trucs, sinon, rien ne se passe.