Bon, alors pour est-ce que je me suis inscrit aux 100 km de Cléder déjà ? Ah oui, pour faire un 100 km et avoir un "temps de référence". Parce que j'ai pas mal tendance à faire des ultras "très longs" et j'aime bien le 100 km car c'est un peu le juge arbitre ultime, c'est là qu'on jauge les cylindrées, et qu'on décerne le prix du plus gros moteur. Et, en l'occurrence, cette année à Cléder, ce sont les championnats de France. Autant dire que mon classement va être "bof bof" mais c'est pas grave, au moins on sera en bonne compagnie, et puis 100 km c'est 100 km, championnat ou pas, pour moi c'est la même.
Niveau entraînement, c'est pas la cata totale, mais on s'en rapproche, doucement. Après l'Ultrathlétic Ardèche , une bonne ballade de plus de 200 bornes, j'ai sérieusement accusé le coup. J'ai repris l'entraînement une semaine après. Et au bout de trois jours... la claque. Un vrai petit vieux, j'étais scotché à 9 km/h, j'avais mal partout, les pieds vermoulus, les psoas en feu, le souffle court, j'avais l'impression d'être au 5ème jour d'un 6 jours. J'ai tenu une semaine comme ça. Puis je me suis dit, ça passera pas, et j'ai quasi tout lâché. Donc je suis passé à un rythme pépère tranquille avec 2 entraînements par semaine, j'ai franchement rien foutu, en me disant que j'avais besoin de repos, et que de toutes façons, fallait passer par là . Au final mon mois de juin 2017 est mon mois le plus faible depuis... octobre 2011, je crois bien. Bon, ben c'est comme ça hein, sans regrets, j'étais pété, j'étais pété. J'aurais pu aller voir un médecin. Il m'aurait dit quoi ? J'imagine le dialogue. "Bonjour Monsieur, voilà , je comprends pas j'ai fait un marathon en avril, un 200 bornes en mai, et là j'ai voulu reprendre l'entraînement en juin et dès que je dépasse plus de 100 bornes par semaine, je suis tout vermoulu. Vous avez une explication ?". Je vous laisse deviner la réponse, mais à mon avis c'est dure d'en faire une sans utiliser le mot "repos".
Donc bref, j'arrive à ce cent bornes sans me faire d'illusions, au moment de l'inscription je rêvais de battre mon record personnel et pourquoi pas passer sous les 9 heures. Là , un bon petit "moins de 10 heures", ou à défaut, "10 heures et des brouettes" serait largement suffisant.
On est venus le vendredi soir dans la région avec Valérie et les filles, on visite un peu la région, qui est ma foi très jolie, à condition d'apprécier le granit à sa juste valeur.
Départ à la fraîche. C'est des malades, ils nous font partir à 5h du matin. Du coup ça fait se réveiller à pas d'heure, enfin bon, c'est comme ça. Le petit déj de l'organisation est très bien, j'ai dévoré un kouign aman avant donc c'était pas indispensable, mais tout de même, mention excellent, rien à dire.
Je pars sans frontale, lunettes de soleil (correctrices) sur le nez. Entre le fait que la nuit va encore durer seulement 30 minutes et qu'il y aura plein de gens devant moi, je ne vais pas m'encombrer avec du barda inutile. J'ai aussi snobé la casquette, ils annonce un ciel plutôt couvert, les nuages me protégeront du soleil.
Je re-croise Pascale Bouly, que j'avais rencontrée en Ardèche. On échange 3 mots et je finis par partir devant. Suis-je parti trop vite ? Franchement, je n'en sais strictement rien. Ça fait des semaines que je ne cours presque plus, j'ai perdu mes repères, j'ai récemment opté pour une montre pas-du-tout-connectée qui est 100% mécanique et ne me donne donc ni fréquence cardiaque, ni allure, ni rien, juste les heures et les minutes avec 2 aiguilles. Donc je fais ça au jugé, en essayant de me rappeler le bon rythme pour un 100k. Qui, de mémoire, est le rythme naturel auquel je m'entraîne quand j'ai pas envie de trop tirer sur la machine. Pour le coup, je suis parti à 11 km/h.
Je le sais car au premier tour et passage à Cléder, je suis en environ 2h15. Bon, c'est pas mal. Si on tire un trait tout droit ça fait 9h. Je me doute toutefois que je vais ralentir un peu sur la fin. Le négative split, ça ne se fait pas avec un entraînement de bricolo. On verra bien.
Albert Vallée (en recoupant les temps de passages et information, c'est bien lui je crois) me dépasse et me répète à l'envie que "faut pas partir trop vite, tu vas voir, tout se joue à la fin" etc. etc. Bon, alors, c'est certain, il a 100% raison, je n'en doute pas un seul instant. Ceci étant je me vois mal ralentir. Après tout je nourris encore l'espoir secret de chatouiller les 9h, et pour le coup, là , je suis au bon rythme. Et si je suis parti trop vite ? Dans ce cas, tant pis, je connais le tarif, une seconde moitié difficile et douloureuse, avec un chrono en berne, le moral dans les chaussettes, mais rien de plus grave non plus. Alors je file. Mais mention spéciale à Albert qui - au delà de son niveau exceptionnel, "7h quelque chose" à la grande époque - réussi l'exploit assez rare d'être plus bavard que moi. Tout le monde n'y arrive pas.
Vers le 35ème je crois, je rencontre William, qui était aussi en Ardèche. Décidément, on croise toujours les mêmes. On passe un très bon moment ensemble, une discussion particulièrement enrichissante. Et puis, repassage à Cléder, en 4h30 - donc toujours sur une base de 9h mais je ne suis pas naïf - et je laisse William au ravito du 55 je crois. J'ai encore de bonnes jambes et il cale un peu. Allez, en route mon p'tit Christian.
Je profite de la vie, je suis bien vivant. Du Festival de Fanfare de Valergues où j'étais deux semaines avant avec ma fanfare les Mouette & Charbons, j'ai retenu cette petite rengaine qui, sur un air de Magic System fait "tu prends une bière, tu rajoutes du picon, et ça fait quoi ? ça fait un picon bière !" et elle me trotte dans la tête, et c'est pile-poil ce qu'il me faut.
Au 75, sans surprise, je vois que je commence à dévier de l'objectif 9h, je suis un peu en arrière, j'ai du perdre 10 minutes je crois. Donc, je me tasse. Mais au vu de ma préparation, c'est déjà très bien et je suis content, heureux, content. OK, en juin j'ai rien fait, mais ça fait plus de 10 ans que je fais régulièrement des ultras, donc là je "vis sur mes acquis", il n'y a pas non plus de hasard. Enfin, ça fait toujours plaisir.
Et dans la dernière boucle, qui est par ailleurs très jolie, c'est là qu'on visite le front de mer par exemple, je me fais doubler vite-fait bien fait par certains coureurs du 50 km. Et aussi, par des groupes de 4 qui font... un 25 km. C'est vraiment super, je suis dans la meilleure tranche horaire possible, car du coup, il y a plein (enfin, relativement) de coureurs et coureuses partout. Le long de la côte, j'essaye d'accrocher le rythme. Pas facile. Ils vont un poil au dessus 10 km/h et j'ai du mal. Je tente de relancer la machine. Une fois, deux fois. Ça marche pas. Au final j'arrive enfin à "décoller" et laisse un des groupes derrière moi. Je rattrape un ou deux coureurs du 100 km. Une dame, qui accompagnait en vélo un des groupes de 4 faisant le 25, décide de m'accompagner. C'est très gentil de sa part, on discute, et le temps passe très vite.
Et puis finalement, on se rapproche de l'arrivée. Je me prends un vent dans les derniers kilos - mais par un coureur qui m'avait doublé-déposé au 70 et que je pensais définitivement devant - mais fini à peu près en un seul morceau, en un peu plus de 9h30. Donc pour résumer, 50 km en 4h30, puis 50 km en 5h00, donc parti à 11 km/h et tombé en route à 10 km/h. C'est pas la performance du siècle, mais quand on arrive à faire ça:
- on est en bonne santé
- on n'a pas le droit de se plaindre
Noter que quand même, une fois arrivé, j'ai carrément des croûtes de sel derrière les oreiles (beurk) je veux dire, je peux carrément choper des cristaux. Devait faire chaud quand même, sur la fin. Le parcours n'était pas trop difficile, pas totalement plat, mais bon, c'est pas Millau non plus. Disons que c'était pas un 100 km au rabais, mais le vrai modèle, avec toutes les options.
Donc, je savoure ma petite victoire sur moi-même et vais illico me poster au bar de l'hôtel Ty Jean Bart, où nous séjournons, moi et les filles. Et je ne peux pas parler de ces 100 km sans parler de cet hôtel et de son accueil. Apparemment le patron, Tito, m'avait envoyé un mail pour m'expliquer que les coureurs, ils préfèrent éviter, à cause du bruit, on dort mal la veille de la course bla bla bla. Bon, le mail il a du finir dans ma boîte à SPAM, jamais reçu. Mais ce bistrot, c'est du tonnerre ! Le bruit ? Foutaises ! J'ai dormi comme un bébé dans un lit tout confort, et pourtant, on avait la chambre juste au-dessus du bar. Lequel bar est entièrement décoré façon biker, la tireuse c'est un V-twin de Harley, le patron a une gueule à chanter dans les Garçons Bouchers et le serveur c'est le papa de Little Kévin . Je m'y suis payé du bon temps, vous pouvez pas savoir. Surtout que la course passe juste devant ! Donc je peux dégommer les picons bières en encourageant les derniers coureurs, en terrasse, au soleil. Le pa-nard. Une fois les derniers coureurs passés, je finis l'après-midi au comptoir, à tailler une bavette avec un collectionneur de DS, top. Le patron a bien essayé de nous faire croire qu'il fallait avoir peur, mais ici, rien que de l'ambiance bon enfant. Métal, mais bon enfant. Les vieux habitués jouent aux domino pendant que la sono débite du gros rock qui tâche. Ça me donne encore plus envie d'aller au Hell Fest mais bon, on peut pas être partout.
Enfin bref, épisode 100k terminé, on a même pu faire un peu de tourisme, les filles ont visité l'île de Batz et on enchaîne sur des vacances à la mer en Vendée. Carpe diem.