06/05/2018 - CR Flèche Montbéliard

Pour ne pas perdre la main, après Dieppe , Charleville , Nice et Bellegarde pour ce week-end prolongé du 8 mai (suffit de poser son lundi pour avoir 4 jours) j'ai décidé de me rendre à Montbéliard pour un aller-retour, sur le papier, à environ 980 km en partant d'Argenteuil. Rappel du contexte, je bats la campagne pour me préparer à la RAAM le tout en faisant un clin d'oeil à mon sponsor Accent Français.

Depuis ma dernière sortie à 1000 bornes, j'ai eu 4 jours pour me reposer, du mardi au samedi, inclus. Je suis au milieu d'un "gros enchaînement" qui devrait clôturer ma préparation, en effet le mercredi je suis censé prendre le départ des 100km de Steenwerck à la marche. Et le vendredi juste après reprendre mon vélo pour refaire une grande ballade, à La Rochelle cette fois.

Mais bon, là, on parle de Montbéliard. Montbéliard que je n'ai jamais vu et c'est bien dommage pour quelqu'un dont l'épouse a travaillé pour PSA pendant de si longues années. Montbéliard, Sochaux, c'est un petit peu la Mère Patrie, voyez-vous. Bon bref, je pars visiter le grand est, un peu plus au nord que pour Bellegarde, j'ai bien préparé le parcours GPS et cette fois-ci, normalement, je devrais échapper à la grosse pluie. Ce serait une première, car cette saison, on n'a pas été trop gâtés.

Dimanche 6 mai

Je pars donc le dimanche matin, en 3 jours ça devrait être faisable, et puis en faisant comme cela je peux passer mon samedi en famille. Important, ça, de passer un peu de temps avec la famille, quand même, car ces derniers temps, je suis souvent sur les routes.

Bon bref, dimanche matin, c'est parti. Pour une fois, il fait beau. Sans déconner. Je pars à l'heure à laquelle tous les cyclos de Paris et sa banlieue partent faire leur sortie du dimanche. Je croise plein de monde. Incroyable tous ces gens qui font du vélo. Sur mes sorties précédentes, c'était le désert. Entre la météo pourrie et mes horaires de passages improbables, quand je croisais un cycliste c'était un miracle. Alors que là, je croise des groupes de cyclos, carrément.

Je discute un peu avec un gars très sympa que j'ai récupéré juste à la sortie de Paris. On en vient à parler longue distance. Forcément. J'essaye de lui vendre Paris-Brest-Paris car j'en suis convaincu, c'est une expérience qu'il faut avoir faite si on aime rouler. Si on aime rouler, bien sûr.

Petit à petit, je sors du rayon d'action du Parisien moyen, et je me retrouve donc suffisamment loin pour être à nouveau seul. J'ai remarqué qu'à un moment le parcours touche carrément celui de la flèche Bellegarde, et si c'était à refaire, pour la sortie de Paris, je suivrais ce début de parcours de la flèche Montbéliard. Il passe légèrement plus au nord et il est beaucoup plus sympa, moins de zones urbaines, et on évite l'ignoble secteur de Villeneuve St Georges, qui est à la fois moche et dangereux.

Assez similaire donc au départ de la semaine dernière, je me retrouve dans le département de l'Aube. Et je me dis que c'est quand même pas mal paumé comme coin. Valérie m'expliquera après qu'elle avait de la famille dans le coin, et je vais finir par me dire qu'elle a de la famille dans tous les déserts verts de France. Ce n'est pas vilain comme coin, ça a un certain charme, mais bon, pour faire court, il ne s'y passe rien. Ou alors, s'il s'y passe quelque chose, ça doit être dans un réseau sous-terrain bien caché et inconnu du Monde Libre.

Oasis
Enfin, un robinet ! Effet de bord intéressant des bouquets de fleurs sur les monuments funéraire, on trouve généralement des robinets à proximité.

Il fait beau, et ça c'est bien. J'ai, comme d'habitude, le vent dans le nez mais je ne m'en plains pas, c'est tellement chouette d'échapper à la pluie. En revanche, du coup, j'ai super soif. Je cherche les fontaines, robinets, et maudis mon étourderie, j'ai encore oublié de prendre des pastilles micropur. C'est con il m'en reste un stock depuis la Transpyrénéa et je ne pense jamais à les prendre en vélo. Or ce serait pratique pour, par exemple, pouvoir faire le plein même aux fontaines sur lesquelles il est marqué "eau non potable". J'ai un doute d'ailleurs avec cette notion d'eau potable. Je veux dire, il m'est arrivé de nager en eau vive, à l'occasion de triathlons ou de baignades d'été, et d'expérience on avale toujours un peu d'eau en nageant. Et je ne suis jamais, jamais tombé malade en faisant cela. Donc je me dis que si ça se trouve, je pourrais boire à peu près n'importe quoi en m'en fichant royalement. Il me semble qu'Alastair Humphreys fait exactement cela, de mémoire. Enfin bon, je suis tellement raisonnable et prudent (!) que pour l'instant, j'attends d'avoir un robinet d'eau officiellement potable. Enfin, je tombe sur un cimetière avec un robinet ouvert. En général, quand ils sont en province dans des coins improbables, on a plus de chance d'avoir un robinet ouvert. Sur Paris et sa région, souvent, ils sont condamnés, fermés.

Côte d'Or
Bien nommé.

Je roule plutôt bien, pas aussi vite que je le souhaiterais avec ce satané vent, mais au moins, j'arrive à Châtillon sur Seine suffisamment tôt pour pouvoir m'offrir un petit festin en terrasse. Je regarde ces gens qui sont autour de moi, profitent de leur dimanche soir. Ils ont une vie "normale" et dormiront vraisemblablement dans un lit ce soir. Alors que moi, je vais encore faire la chasse à l'abri-bus et dormir comme un clochard, à l'arrache. D'autant que lors de ma dernière sortie, j'ai dormi à l'hôtel, mais ce coup-ci ça ne risque pas d'arriver.

Double ration
Nos salades sont copieuses monsieur. Mettez m'en deux quand même. J'ai faim.

Ceci étant, il caille tout de même franchement dur dans le secteur. Et avec cette météo plutôt clémente, je suis parti légèrement moins couvert que la semaine dernière. C'est peut-être une erreur, car il fait beau, mais en échange, la nuit, il fait froid. Je choppe un endroit abrité dans un village, près d'un robinet qui distribue de l'eau, je l'espère, potable. J'ai fait le plein des bidons, en tous cas. Une fois de plus je me félicite d'avoir acheté ce bivvy bag, une petite merveille. Je dors tellement bien que je ferais presque une grasse matinée. Sans rire, le téléphone sonne au bout de 2 heures mais j'en remets une couche et me prélasse pendant une heure dans mon confort douillet. Nan, j'exagère un peu, on n'est pas dans la grande grasse matinée avec croissants chauds qui vous arrivent au lit à 11h00. Plutôt, réveil musclé avant le lever du jour. Mais comparé à dormir sans rien, la différence est totale. Par exemple, je peux me permettre d'être en cuissard court, et le sac me garde les jambes au chaud pendant la nuit. Parmi les 70 euros les mieux investis de l'année ce gadget.

Lundi 7 mai

Tout le monde à l'usine
Grandeur et décadence de l'industrie. Une usine abandonnée, c'est rarement poétique.

Je repars, direction Montbéliard donc. Montée de nuit sur le plateau de Langres. C'est là la source de la Seine à ce qu'il paraît. Mes filles diraient "askip". C'est marrant car avec les différentes flèches que j'ai faites, j'ai pas mal navigué, pour le coup, autour des sources de la Seine, la Loire, mais aussi l'Yonne, la Marne. À force de me ballader, je vais finir par devenir costaud en géographie peut-être. Va savoir. Bon, et à part la source de la Seine, quoi de neuf sur le plateau de Langres ? Bien, là, juste avant le lever du jour, j'ai droit à des semi-remorques qui passent pleine balle, allant ou revenant de la sortie de l'A31. Limite dangereux. Bien content d'avoir mon éclairage grand luxe et le gilet jaune fluo bien visible. Je peux toujours me faire aplatir par un distrait, mais au moins, je pourrais me consoler en me disant que c'est de sa faute, pas de la mienne. J'ai repéré qu'il y avait un hôtel vraisemblablement ouvert 24h/24 dans le coin, un truc pour routier au long cours. Ç'aurait été trop tard à l'aller et puis il ne fait pas si mauvais que cela pour dormir dehors. On verra au retour, peut-être.

Frontière
Magique borne kilométrique. Dans l'ensemble, le coin n'est pas très fréquenté.

Le soleil s'est levé, et j'attaque la Haute-Saône. Et alors, comment vous dire... L'Aube je trouvais ça un brin paumé. Mais la Haute-Saôme, c'est juste, tout simplement, hors catégorie. Il n'y a rien. Rien, de rien, de super rien. Quand on tombe sur un village avec une boulangerie ou un troquet, c'est une petite victoire. Alors, un hôtel, faudrait pas rêver non plus. Si j'ai envie de me retirer un jour loin de tout, je pense que ce serait une très bonne destination. J'ai lu sur un panneau sur un lavoir dans le coin, que la Haute-Saône est le département français où, entre le 18ème et le 20ème siècle, il y a eu le plus de fontaines construites, en France donc. Ils expliqueraient cela, entre autres, par le climat local. Tu m'étonnes, ça m'a l'air bien vert, par ici. Bon, je ne vais pas me plaindre, au moins j'échappe à la douche, à l'inverse de la semaine dernière.

Rougemont
Si je ne me trompe pas, ceci est une photo de Rougemont. Comme Montrouge mais en verlan.

Je traverse un patelin qui s'appelle "Le pont de Planches". Rassurant. Peu après midi, je fais halte dans un restaurant isolé, qui est un peu ma seule option. Pas grand chose d'ouvert par ici. Il est accolé à une station d'essence 24h/24. Un peu le restaurant de la station service. On y sert un menu du jour avec saucisses et patates, et buffet d'entrées à volonté. Très bien pour moi, service rapide, efficace, pas de chichis. Et ils sont très aimables, et c'est pas trop chers. Un groupe de motards mange à la table d'à côté. Belle journée pour rouler en moto, c'est vrai.

Clocher
J'ai remarqué, déjà la semaine précédente sur la route du Jura, qu'autour de Dijon beaucoup de clochers sont de ce type. Je me demande à quoi cela correspond. C'est coloré et pas vilain, je trouve.

Je reprends la route, toujours ce satané vent de face. Et puis mon vélo se met à craquer. Il a toujours craqué un peu, on niveau du pédalier, mais là ça devient récurrent. Et je ne comprends pas, pourtant, tout a été remis à neuf il y a deux semaines . Bon, ça craque. Fait chier. Mais tant pis, pas grand chose à faire je pense, la semaine dernière j'avais emmené une clé allen de 10 pour resserrer le pédalier qui, fraîchement monté, pouvait avoir besoin d'un petit coup de serrage par-ci par-là mais cette semaine je suis parti sans, car le problème, d'après moi, était réglé. On verra plus tard.

Le temps file. Je pensais avoir à me coltiner pas mal de montées sur la fin, mais en vérité, en approchant de Montbéliard, le parcours est plutôt plat, essentiellement le long du Doubs si j'ai bien suivi. Parfois il y a une piste cyclable indiquée, mais j'hésite souvent à les prendre car en cette belle après-midi il y a pas mal de promeneurs, et niveau qualité de route, on repassera. Me semble que parfois ceux qui installent les pistes cyclables supposent qu'on se déplace en VTC ou VTT. Mais moi j'ai un vélo de route et ça me gave de monter ou descendre des trottoirs, rouler sur des petits cailloux, etc.

Gare de Montbéliard
La photo n'est pas terrible, la gare est en travaux, et ses employés en grève, mais au moins, Montbéliard, j'y suis.

Je nourris l'espoir secret de filer pleine balle dans l'autre sens, vent dans le dos.

Enfin, après une marche d'approche qui me paraît tout à fait interminable, je suis à Montbéliard. J'ai hésité à juste prendre la photo devant le panneau à l'entrée et puis tout de même, je pousse jusqu'au centre ville.

C'est assez mignon comme coin mais bon pas mal de travaux en ce moment, donc peut-être pas le meilleur moment pour apprécier. Je m'offre une glace à l'italienne, et file rapidement dans l'autre sens, l'après-midi est déjà bien avancée.

Mon pédalier grince vraiment de plus en plus.

Tiens, voilà que je croise un bout de l'Eurovelo 6 c'est marrant je ne m'y attendais pas. Dans mon enthousiasme, je décide, finalement, de suivre ces pistes cyclables. Et je me retrouve sur une petite route. Qui devient un chemin pourri. Complètement pourri. Qui devient un cul-de-sac. Et je dois donc rebrousser chemin, avec mon vélo qui grince de partout, vent dans le nez (forcément, je suis à nouveau dans le mauvais sens...) et comment dire, ça m'agace. Ça m'agace car je comptais filer comme l'éclair sur le chemin du retour et j'attaque par une grosse boulette en orientation. Ça m'apprendre à vouloir jouer les originaux, désormais je m'en tiens à la trace GPS, point barre. Ceci dit c'est complètement con leur truc, ils ont mis des pistes cyclables pour doubler la route dans des endroits où elle est parfaitement roulable, et au seul endroit où c'est vraiment dangereux, étroit avec des types qui roulent à fond en ligne droit, y'a rien pour les cyclistes. Bof.

Et puis ce pédalier qui couine. Mais ? C'est qu'il y a du jeu, en plus ! Je m'arrête et regarde. Bon sang de bois, la manivelle, à gauche, est en train de se barrer. Et c'est "juste" un truc de rien du tout à resserrer, avec une clé allen de 10. La fameuse clé que je n'ai prise la semaine dernière mais que je n'ai pas prise cette fois-ci. Je vérifie les outils que j'ai dans ma trousse, niveau clé allen je vais jusqu'à 8, pas 10.

Comme dirait l'autre : "putain, fait chier, merde !".

Comment faire ? Si je continue à rouler comme ça je vais tout bousiller. Plusieurs options s'offrent à moi. Rentrer à Montbéliard, trouver un hôtel, dormir cette nuit, revenir en train demain. Nul.

Continuer à l'arrache sur une patte. Ne marchera pas car déjà avec deux jambes et deux pédales j'aurai du mal à rentrer avant mardi soir minuit.

Réparer et continuer. Oui mais comment ? Je connais deux personnes qui habitent dans le coin. Bernard, un de mes accompagnateurs à la RAAM, et Éric, dit "Coureur Solitaire", un ami qui fait de l'ultra et fait d'ailleurs partie des très nombreux et sympathiques donateurs qui financent ma participation. Éric m'a donné son adresse mais j'ai oublié de lui demander son téléphone. Pas très malin de ma part. Je pourrais le contacter via Facebook mais ça va prendre des plombes si ça se trouve. Bon, j'essaye d'abord Bernard. Il me répond, très sympa comme d'habitude, mais manque de pot il n'est pas chez lui mais dans le nord de la France. Il me propose toutefois d'essayer de contacter un pote à lui qui pourrait peut-être m'aider. J'ai juste besoin d'une clé allen de 10.

Il est environ 18h00, et je ne suis pas très loin de l'Isle sur le Doubs. Cette ville, que j'ai traversé à l'aller, m'a paru suffisamment importante pour avoir des commerces et, qui sait, peut-être vais-je trouver mon bonheur ?

J'avance sur une patte, essayant de ne pas forcer sur la pédale gauche, et arrivé à l'Isle, demande dans un café où est ce fameux supermarché mentionné sur les panneaux à l'entrée de la ville. On m'indique la direction, ça n'a pas l'air loin. Enfin, une grande surface ! Je cherche le rayon bricolage, OK cool, ils vendent des clés allen ! Je suis sauvé ! Ah non. Ils ont jusqu'à 8, mais pas du 10. Bon sang de bois, c'est pas mon jour de veine.

Je pose la question à l'accueil, savoir si oui ou non il y aurait, par le plus grand des hasards, un magasin de bricolage dans le coin. Et la réponse est oui. Je pousse donc la machine pendant un petit kilomètre, et là, oh, suprême bonheur, je peux acheter un magnifique lot de clés allen, dont une clé de 10. Je ressers ma manivelle sur le parking, rappelle Bernard pour lui dire que tout va bien, pas la peine de se déranger, et retourne au supermarché m'acheter des sandwichs.

Sauvé
Merci Brico Marché, j'ai pu ici trouver une clé Allen de 10, outil indispensable pour resserrer mon pédalier. Ouf.

J'ai bien failli ne pas le boucler, ce satané périple. D'un autre côté, je crois que c'est exactement ça, le charme des grandes randos. Ce moment de doute où tu te dis que tout est foutu. Et puis en se creusant un peu la cervelle et en remuant son gros derrière, on finit parfois par trouver une solution.

Avec tout ça, je n'ai pas pris d'avance sur le plan de marche. Et pendant que j'étais au supermarché, le vent soufflait dans une direction qui m'aurait été favorable. Avec un peu de malchance, il va tourner dans la nuit et je l'aurai de face demain encore, tu vas voir...

Bon, en attendant, il faut rouler.

Je fais une ultime halte à Rougemont où je remplis mes bidons dans un petit bar d'habitués. Ils n'ont pas bu que de l'eau mais ils sont sympas. Le patron ne sert pas, a priori, à manger, mais il me propose un sandwich jambon fromage, que j'accepte avec joie. Il m'a mis du vrai fromage, pas de l'emmental de supermarché, on sent que ce fromage là, c'est une vache qui l'a fait.

Et pendant que je me régale du sandwich et des cocas (j'en ai commandé plusieurs...) il me fait la remarque "avec ce que je vous ai servi, vous pourriez aller jusqu'à Paris !". Ah, ça, il ne croit pas si bien dire. Je lui explique donc que, très justement, je retourne sur Paris. "Oh, mais alors, vous avez un carton à tamponner ?". Tiens tiens, en voilà un qui connaît le cycloutourisme. Et de fil en aiguille j'apprends que Rougemont, en plus d'être un point de contrôle de cette flèche Montbéliard, est un point de passage de la diagonale Perpignan - Strasbourg. Je ne vais pas rentrer dans le détail de ce qu'est une diagonale, mais pour faire court, dans le folklore de la longue distance à vélo, diagonaliste rime avec fondamentaliste. La diagonale, c'est un peu la figure ultime. On n'en trouve pas à moins de 1000 bornes, c'est pour les rouleurs, les très gros rouleurs, qui aiment bouffer de la route.

Je me ferais bien une diagonale, un de ces jours ;)

Enfin c'est quand même marrant de tomber comme ça, sur le patron de bistrot qui sait ce que c'est qu'une diagonale. Mais peut-être pas si surprenant que cela. Après-tout, il est sur la route, il est ouvert tard, il est sympa. Autant de bonnes raisons de le rencontrer.

Bon, je quitte cette sympathique terrasse et reprend la route.

Pour ce qui est de dormir, cette nuit, j'essaye d'aller le plus loin possible, mais ne veut pas prendre de risque. Donc, quand je commence à sentir que le sommeil me guette, je m'arrête. Formellement, j'aurais pu passer en force car j'ai plutôt beaucoup dormi la nuit d'avant, selon mes standards. Mais j'aborde ce fameux passage de l'A31 avec les semis qui roulent à bloc, pas la peine de jouer au héros, si je zig-zague sur cette route, c'est la mort assurée, je n'aurai pas de second essai.

Donc, je me planque dans un abri-bus, et j'attends sagement le lever du jour. Encore une fois, merci le bivvy bag, il me sauve les miches.

Mardi 8 mai

8 mai 1945
Un monument aux morts sur lequel la cérémonie de commémoration de la signature de l'armistice a été célébré. Comme un peu partout en France, chaque année. Les va-t-en-guerre des temps modernes devraient méditer ce que ça veut dire, "être en guerre".

Après une demi-heure de route, je tombe sur une boulangerie, que je dévalise. Je suis glacé. Il ne fait pas si froid que ça, mais il ne fait pas chaud non plus. Et je crois que toutes ces sorties que j'ai faites, récemment, dans le froid, m'ont usé. Je ne le supporte plus. J'ai envie de chaleur. Je prépare une course dont un des points de difficulté majeur, c'est la canicule du désert. Pourquoi donc est-ce qu'il faut que je me les gèle à chaque sortie ?

Je refais le trajet en sens inverse, et pour le vent dans le dos, on repassera. Une fois de plus, il a tourné. De face, encore. Bon sang, mais quelle déveine... La semaine dernière c'était pareil. Bon, faut rester positif, il ne pleut toujours pas, et il fait globalement soleil, même si c'est pas la canicule. Ils annoncent des orages, peut-être, dans la soirée. Bon, c'est pas pour tout de suite, et ça m'arrange.

Chource
Toi aussi, devine la lettre mystère et découvre le nom d'un fromage bien connu qui, d'après mon épouse Valérie, doit être consommé *après* la date de péremption indiquée sur le paquet.

Du côté de Chaource je fais une pause pour manger un morceau et croise un gars qui, lui aussi, roule au long court, mais en faisant de plus petites étapes. Il va de Grenoble à Lille, je crois, et cherche la direction pour aller à Troyes. Finalement, il s'en sort tout seul. J'avoue que je ne porte pas de carte complète avec moi. J'ai le GPS, plutôt costaud, un Garmin assez indestructible que je trimballe depuis 2012 je crois, et la feuille de route de la flèche imprimée et plastifiée, qui doit me permettre de m'en sortir si l'électronique tombe en panne. C'est moins pratique car il faut prendre le temps de lire les directions, trouver les petites routes, etc. Mais c'est mieux que rien. Mais la direction de Troyes, et bien je ne la connais pas. On échange quelques mots, on se souhaite bonne route, et je repars.

Fête du cochon
À ce que je vois, on sait s'amuser dans la région.

Je fais le point sur ma progression, et c'est fatal, une fois de plus, je suis trop lent. Bon, la pause mécanique au Bricomarché à L'Isle sur le Doubs n'a pas du aider. N'empêche que je suis à la bourre. Si je vais au bout, je vais arriver à 2h ou 3h du matin, au train où vont les choses. De dépit, je téléphone à Valérie qui, une fois de plus, viendra me chercher au fin-fond de la Seine et Marne. Un peu moins loin cette fois, je lui fixe rendez-vous à Tournan en Brie. Elle connaît, elle a habité pas loin pendant quelques années.

Dolmen
Les types qui ont posé ces cailloux il y a quelques milliers d'années ont bien anticipé le coup. Juste la bonne taille pour caler mon vélo.

Sur ce, je trace la route. Alors qu'il est 20h passés, j'ai une sacré frousse en roulant sur ces routes droites, qui alternent champs et forêts, avec le soleil couchant de face. En gros, on n'y voit rien. Moi-même je suis obligé de plisser les yeux, je me sers du bord de mon casque comme d'un pare-soleil. Je me dis que les automobilistes ne doivent guère y voir mieux. Du coup, il est fort probable qu'ils ne me voient pas. Ça augmente considérablement la probabilité de se prendre un chauffard dans le cul, voire un automobiliste raisonnable mais qui, tout simplement, n'a rien vu. En même temps, il n'y a pas quarante option, et la bonne route pour moi, maintenant, c'est droit vers le soleil couchant. Alors bon, j'essaye de prendre ça avec philosophie, il n'y a pas tant de circulation que ça, et ça serait vraiment pas de pot...

Rue de la Paix
Souvenir de Monopoly.

Sur ces entrefaits, j'arrive à un carrefour, et là, il y a une voiture qui fume. Une voiture pliée, bien raccourcie. Bon sang de bois, le type s'est enfiché dans un poteau. Une dame et un monsieur sont déjà sur place. Elle a déjà appelé les secours. Lui est en train d'essayer d'enlever la batterie du véhicule. Un autre gars arrive, à deux, ils arrachent la batterie. Ce faisant ils secouent la voiture comme un prunier. Je leur fais remarquer que c'est pas génial pour le conducteur, qui est encore dedans. On me rétorque que si la voiture prend feu, ce sera encore plus compliqué. C'est pas faux. Ils arrachent la batterie.

Le conducteur, lui, est toujours dans le véhicule. Un peu à l'étroit car, comme je le disais donc, la voiture est raccourcie. Complètement défoncée, serait plus proche de la réalité. Le type qui a géré la batterie essaye de discuter avec le conducteur, encore conscient. Ce dernier a mal au genou. Avec des signes au-dessus du toi, et donc en essayant de ne pas faire paniquer le conducteur, la personne qui, depuis le début, gère le problème, fait comprendre à la dame qui a les pompiers au bout du fil que le genou est mort, fracture ouverte, vilain vilain.

Je reste quelques minutes mais manifestement je ne sers à rien. Il y a maintenant 5 ou 6 personnes sur les lieux, je ne suis pas témoin de l'accident, je n'ai pas de compétences de secouriste, pas de raison de m'attarder sauf à tomber dans le voyeurisme. Je trace la route et réfléchis. Les trois quarts des voitures que j'ai croisées depuis 30 minutes roulaient, selon mon appréciation, comme des zinzins. La probabilité pour que notre ami qui s'est planté dans son poteau ait été dans les 25% de gens à peu près raisonnable est donc de, 25%. Je ne sais pas si je suis plus, ou moins visible qu'un poteau, lorsque je roule en vélo. Mais ce que je sais, c'est que poteau contre voiture, ça fait poteau 1, voiture 0. Mais vélo contre voiture, ça fait 0 pour le vélo. À tout prendre, je préfère que ce soit le poteau qui se charge de la rencontre. Maintenant, je n'aimerais pas être à la place de ce conducteur, en quelques minutes pas mal de choses ont changé pour lui, il n'y avait je pense pas de pronostique vital engagé, en revanche, sa bagnole, et plus grave, son genou, sont vraisemblablement irrécupérables.

Si on inventait la voiture en 2018, elle serait interdite d'office. Un machin avec de l'essence inflammable sous le siège passager à l'arrière, une source de chaleur à moins de quelques mètres sous le capot, une formation d'une semaine pour s'assurer que les conducteurs sont fiables, et en guise de statistique quelques milliers de morts par an sans compter les blessés. Ce truc fait en une année davantage de morts que tous les attentats terroristes en un siècle. Mais bon, c'est la bagnole, on ne peut pas la remettre en question. Surtout vu ce que ça rapporte.

Je fais la fine bouche mais je suis bien content, au final, de rentrer en voiture, Valérie me prend en taxi à Châtre, au final j'ai 940km au compteur, ce sera pas mal.

Sur ce, faut que je reprenne des forces, demain, départ pour les 100km de Steenwerck.

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Mis à jour le Monday 21 May 2018.