Vendredi 19 nov. - J+5

Entre deux eaux

La transition vélo -> càp devrait sensiblement se rapprocher. Avec un peu de chance, à ce stade, j'ai (virtuellement) réalisé un Paris-Brest-Paris sur circuit, ce qui est très différent de la véritable et mythique ballade cyclotouriste, mais ça devrait me donner une idée de ce que ça représente. Le climat et la logistique en moins.


La chanson de Philippe

Oh, je ne voulais pas faire un concours du meilleur encouragement. Mais la chanson que Philippe a écrite pour Christian, sur l'air de Soulman de l'Oncle Ben, est tellement excellente que je l'ai recopiée mot a mot pour la faire découvrir à Christian. Merci !

J'ai pas la force de Chuck Norris
J'ai pas la glisse de Brice de Nice
J'ai pas mis de brassards
La carrure d'Alain Bernard
J'ai pas ces choses-là

J'ai pas de roues lenticulaires
J'ai pas de selle sur coussin d'air
J'ai pas fait trop de pauses
J'ai plus les fesses toutes roses
Mais, je suis toujours là

Après une semaine à Monterrey
Y me reste plus que la course à pied
J'ai pas les jambes bioniques
Mais j'ai conquis le Mexique
J'ai juste la patate cosmique.

Je ne suis qu'un décaman
Ecoute ça Baby
Je suis pas un superman
Loin de là
Juste moi, mes délires
Je n'ai rien d'autre à offrir
Mais je sais qu'en vrai c'est déjà ça.


Le live - J6, par Valérie

Rappelons-nous : nous avions laissé Dave avec 20km de vélo à faire, Christian avec 40. En arrivant sur la piste à 4h30, après une bonne nuit de sommeil de 2h30, le premier que je croise est Dave. À pied. Entre 1h et 4h30 du matin, il a donc fini le vélo et commence la course à pied. Combien de temps a-t-il dormi ? Je constate au compteur qu'il a déjà couru 17km. Une rapide calcul : il semble avoir fait une nuit blanche. Christian pense à l'autre jour où il avait tenté cela et avait dû faire un somme en fin d'après-midi.

Lever du jour
Footing au lever du jour, vers 6h

A 6h, c'est l'heure de la pause repas de Christian. Mais il ne s'arrête pas tout de suite : il termine d'abord son dernier tour de vélo ! À l'avant dernier tour, il avait entendu le bip différent : une sonnerie de téléphone à l'ancienne suivie d'un bip long. Last lap! Puis aux trois sonneries longues la fin s'est annoncée !

Christian a ramené son vélo au stand... et lui a fait un beau bras d'honneur. Il a pris son petit déjeuner et est reparti à pied dans le même sens que les vélos. La course à pied s'effectue en sens inverse des vélos, sauf au début : le coureur part dans le sens qu'il vient de parcourir pendant 1800km, jusqu'à atteindre un cône orange de chantier marqué "déca", et il le contourne. Je fais ce trajet avec Christian, qui prend bien soin de contourner physiquement le cône, qui pourtant est situé complètement sur le bord de la piste. De mon côté, je remarque qu'il n'y a personne pour vérifier la validité du demi-tour de Christian. Sans tricher, il aurait pu faire demi-tour par erreur autour du cône du double déca ou de celui du quintuple, qui ne sont pas au même endroit puisque le demi-tour sert à compléter la distance entre N fois le tour du Parque Niños Heroes et 422km tout rond.

Christian remarche jusqu'au ravito. Il espère vraiment que Dave le verra ainsi, car celui-ci ne sait pas encore que la stratégie de Christian comprend un tiers de marche. Eh oui, sans surprise, Christian a prévu d'appliquer la stratégie qui lui avait bien réussi aux Six Jours d'Antibes . Des cycles réguliers, 2/3 course, 1/3 marche, en commençant par la marche. Des repas toutes les 2h, aux heures paires, comme sur le vélo. Aucun repos, aucune pose, sauf : à midi et à 20h, pour les ajustements logistiques possibles et le changement de chaussettes du soir, et bien sûr la nuit de 1h30 à 4h, pour dormir.
De mon côté, j'adapte mon suivi de la manière suivante : préparer les boissons, refaire constamment les niveaux, et marcher ou courir avec Christian à chaque tour si possible, jusqu'au premier virage le long de l'étang, pendant un demi-tour, c'est-à-dire jusqu'à la bibliothèque quand il mange chacun de ses repas en marchant, aux heures paires, et si possible quelques tours complets en courant, en fonction de mon envie. Ça me prend du temps mais c'est excellent pour le moral de monsieur.

L'arche de comptage
Passage à l'arche de compte, avec la délimitation des zones coureurs et cyclistes

Le changement de discipline me donne l'occasion de faire d'autres ajustements. Comment installer le ravito désormais ? Je choisis une place, puis une autre. Je passe un certain temps à tout déplacer, trouver mes nouvelles marques. Mais finalement, Christian a sa nouvelle table, son nouveau stand, au milieu des Américains, du côté de la route où il court.

Dès le premier tour de course, le couperet tombe : "Je suis en super forme !" hurle un Christian hilare sur le circuit. Il garde en tête que Dave, lui, n'a pas dormi cette nuit.

Du côté de Dominique, pendant ce temps, ça ne va pas fort. Il s'est levé avec nous, après 2h de sommeil. Il a fait 3 tours de vélo et s'est recouché car il n'avait pas eu son compte de sommeil. Puis il a retenté le vélo. Son genou le fait toujours souffrir, il en parle aux ravitos. Et après Eileen, inscrite au double-déca, il découvre que Daniel Meier, du quintuple, qu'il a fini hier, est physiothérapeute. Celui-ci se propose de l'aider. Massages, strapping, kinesio-tapping. Incroyable, après une journée de galère, cela semble fonctionner ! Bien entendu, Dominique n'a pas des genoux neufs et continue à souffrir. Mais il enchainera enfin les tours de vélo pendant cette journée. Et il ira se faire refaire les strappings en fin d'après-midi, car Daniel retourne en Suisse dès le samedi matin.

Pause
Des pieds de star à 18h. Un bon tartinage de crème et ça repart !

Christian, lui, a encore quelques petits trucs à apprendre de la course à pied. Par exemple qu'il faut vraiment passer entre les plots au sol lorsqu'on passe sous l'arche de comptage. Il est resté sur son trottoir et le bip ne s'est pas produit. Le compteur (ou le comptable ?) l'a immédiatement faire repasser. Par chance, c'était justement un moment où je filmais Christian. Mais par malchance, l'accompagnateur de Dave, John, était justement en train de me faire rire et la caméra tremble (sabotage de l'adversaire !)
Il y a aussi les arrosages automatiques : attention à ne pas courir en dessous, au risque de mouiller ses chaussures. Christian a marché dans une flaque, par bonheur elle était moins profonde que la hauteur de ses semelles.

Tout le monde sait qu'en course, un coureur est toujours incapable de compter. Christian a essayé d'estimer sa durée finale de course. Certainement entre 8 et 9 jours. Il connait le nombre d'heures correspondantes: 192 et 216. Mais il n'arrive pas à faire ses estimations horaires. C'est vraiment trop dur la table de multiplications de 26, pour estimer le nombre de jours entiers. En plus, ce n'est même pas un nombre divisible par 6 !

Bref, ça avance, Christian est content que la chaleur soit revenue : c'est son temps de prédilection pour tirer son épingle du jeu. Le journal de Monterrey a fait un article sur l'épreuve, j'en ai reçu un exemplaire. Tout va bien, sauf... ce coup-ci c'est les ravitos. Ils ont manqué de gaz à la cuisine, n'ayant pas reçu l'argent pour acheter de nouvelles bonbonnes. Ils ont donc stoppé les préparatifs culinaires. À 10h, le choix n'était pas glorieux. À midi, il ne restait que la purée de correcte. À 14h, il n'y avait plus rien ! Les cuisiniers recommençaient à peine à cuire des trucs. J'ai insisté pour obtenir un hamburger, et ils m'ont bien recommandé de ne pas le montrer aux autres concurrents... Heureusement que je me débrouille en espagnol. Bof, de toutes façons, Christian était un peu barbouillé pour son repas de 14h.

À 16h, fini de rigoler. Maintenant il faudra que j'informe Christian des kilométrages, le sien et celui de Dave, à chaque repas des heures paires. Nous sommes à mi-parcours de la journée. Dave n'a plus que 15 km d'avance sur Christian, avec 95 km. Puis Dave part dormir 1h. Christian manque de jus aussi en fin de journée, mais il abat ses tours. Il fait quand même sa pause chaussettes-Nok de 18h (exceptionnellement en ce premier jour, les deux pauses de midi et 20h sont remplacées par une unique à 18h). Roger Lehman passe devant lui et lui lance un fort: "No break, Christian !" Voila ce qu'il en est d'expliquer à tous que pour lui, la pause doit être le plus rare possible, que sa philosophie c'est : avancer, toujours avancer.

De toutes façons, il n'avance pas bien vite. Il y a des choses que l'on ne peut pas dire à tout le monde, comme cela, sur Internet. Je me contenterai donc pudiquement de signaler que le turbo de Christian fait glou-glou.

Le soir arrive. Christian a couru toute la journée seul, sauf quand je faisais un bout avec lui. Malheureusement en fin d'après-midi je suis un peu fiévreuse et dois le laisser pas mal seul sur la piste. Ils ne sont que 3 coureurs en piste désormais, ils ne sont jamais ensemble. Christian regrette un peu les 150 concurrents d'Antibes, où il y avait toujours quelqu'un avec qui bavarder. Ici, c'est possible au vélo, on peut échanger 2 mots avec ceux qui font une pause au ravito, mais c'est tout. Alors il se booste en pensant à son mental d'acier en juin à Antibes.

Dave a dû faire une pause, comme nous nous en doutions. Puis il est reparti pour un tour. Christian lui est passé devant en terme de kilométrage. Dave refait une pause, Christian s'inquiète : pourvu qu'il ne soit pas blessé ? Et en effet, tout le monde aux stands souhaite aussi que ces deux-là tiennent bon. La course est passionnante, à tous les niveaux. Et s'ils sont deux, peut-être vont-ils se tirer l'un l'autre vers le record du monde ?

A 1h, Christian a bien travaillé, avec ses 136 km de course à pied au compteur. Il a décidé de dormir dehors, j'ai installé couvertures et duvet. L'humidité m'inquiète. Et en effet, il me dira le lendemain qu'elle était un peu trop importante, sur l'herbe.

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Mis à jour le mercredi 01 décembre 2010.