Bon, alors voilà , ma prépa pour la RAAM est ainsi dire faite. À 2 semaines du but, ce ne sont pas quelques centaines de km de plus ou de moins qui vont changer la donne. Toutefois, l'année prochaine, c'est Paris-Brest-Paris 2019 wt j'ai la ferme intention d'y aller. Je me suis promis d'en faire 10, c'est tous les 4 ans, je ne peux pas me permettre d'en rater un seul si je veux atteindre cet objectif.
Or, ces dernières années, il y a plutôt affluence et pour faire le tri parmi les demandes d'inscription, ils privilégient ceux qui ont fait des brevets l'année d'avant, donc pour 2019, des brevets 2018. Et plus on en a fait un long, plus on peut s'inscrire tôt et avoir une chance d'être pris. La semaine d'avant, le 19 mai, j'étais avec ma fille Lise en tandem sur un 200 et ça je ne voulais pas le rater. Le week-end des 2 et 3 juin ç'aurait été trop près de la course. Donc ne restait que les 26 et 27 mai, et à cette date sur Paris et sa région le choix se restreignait, après une rapide recherche dans la catégorie "BRM un peu long" à Andrésy ou Andrésy. Donc, j'ai choisi d'aller au 400 Andrésy.
Un instant j'ai hésité à tester le vélo de rechange que Jean-Paul va me prêter sur la RAAM. Puis je me suis dit que bon, 400 c'était quand même un poil long, et de toutes façons j'avais un ou deux ajustement à tester sur mon vélo principal. J'essaierai le vélo de rechange sur une petite sortie le dimanche d'après. Donc je pars tout guilleret avec mon bon vieux Cannondale Synapse, qui commence à avoir quelques kilomètres au compteur, mais ma foi, il roule bien et il est super comfortable, on ne change pas une équipe qui gagne.
Je me prépare un peu en mode panique, comme d'habitude j'ai 1000 truc à régler avant de partir, je finis par décoller à 13h00 de chez moi, et j'arrive vers 13h50, le départ sera donné à 14h00, j'ai donc 10 minutes de mou, largement assez pour récupérer ma carte, boire un coup, etc. J'ai eu la bonne idée de me préinscrire du coup c'est très rapide. Fait remarquable, l'organisateur nous autorise à pointer de nuit avec... Whatsapp! Il "suffit" de partager sa position courante quand on arrive au point de contrôle, et ça évite les cartes postales ou les photos avec le smartphone qui, la nuit, sont rarement géniales. J'apprends au passage que La Poste ne marque même plus la date et le lieu d'envoi à coup de tampon, du coup le contrôle à la carte postale en prend un coup. Pour rappel, le principe consistait à envoyer une carte postable à L'organisateur au moment où l'on passe, cachet de La Poste faisant foi. C'est sur que s'il n'y a plus de cachet, on peut mal se fier à ce dernier.
Enfin bref, on part. On ne va pas se mentir, on retrouve là quasi exclusivement des candidats au Brest 2019, on ne roule pas, comme ça par hasard, sur un BRM 400 l'année d'avant l'événement. Si certains semblent un peu indécis dans le genre "oui, enfin je vais voir si j'y vais" au moins tout le monde sait que ça existe, et l'a envisagé plus ou moins sérieusement.
Un petit paquet se forme, je m'y joins, je sais rouler seul, mais je ne vais pas non plus jouer les ours et me séparer volontairement. Niveau météo c'est parfait il fait grand beau. L'orage est annoncé pour la soirée mais bon j'ai tellement eu du temps pourri jusqu'ici que ça ne me fait ni chaud ni froid. On roule on roule et hop, tiens marrant, ma trace GPS est différente du chemin que prennent les autres. Bizarre. J'hésite. J'ai pourtant vérifié, il me semble bien avoir pris le bon parcours. J'apprendrai plus tard que l'organisateur a modifié la trace GPS quelques jours avant le départ. Bon, je plaide coupable, normalement ce qui fait foi c'est le papier, pas la trace GPS qui est juste là "pour aider". Apparemment le parcours initial, celui que j'emprunte, utilisait des routes trop petites, patati patata. Bon moi j'ai trouvé ça très bien. Mais du coup j'ai eu des moments de doute, à être seul. À l'approche de Châteauneuf en Thymerais, je m'arrête longuement pour vérifier que j'y passe bien, à Châteauneuf. Et effectivement, j'y passe, mais j'arrive par une autre route. Niveau kilométrate, ça a l'air d'être strictement pareil.
Châteauneuf en Thymerais, j'ai l'impression que la moitié des brevets de l'ouest parisien y passent. Incroyable le nombre de fois que j'ai pu pointer dans ce patelin. J'y retrouve donc le peloton. Arrivé un peu en retard, je fais un arrêt express et prends un sandwich, des fruits, une grande bouteille d'eau, et une autre de soda, ça coûte pas cher c'est servi très vite, top efficace. Je mange sur le trottoir, et repars avec le groupe, au final j'ai rien perdu.
Je discute un peu avec un cycliste, type asiatique, qui n'a pas l'air de parler bien français, en revanche son anglais est excellent. Je lui demande d'où il vient. Philippines! Ah ouais, quand même. Je sais que chaque année ils ont une grosse délégation au Brest. Il m'apprend que beaucoup abandonnent. Je lui demande pourquoi. Il me répond qu'ils ont des vélos inadaptés, et puis que... il fait froid! Bon, par rapport aux Philippines, la Bretagne, c'est proche de l'océan aussi, mais c'est pas exactement la même catégorie, je le reconnais. En revanche son argument sur les vélos ne tient pas la route. Je lui livre mon meilleur secret pour finir les longs brevets: "stay on the bike, no matter what!". Conseil que je tiens moi-même de Wayne Kurtz, un ami qui fait de l'ultra triathlon. Ça a l'air tout con et on se dit "ça ne peut pas être aussi simple que ça". Mais parfois si. Suffit de rester tout le temps sur le vélo. Après, quand les temps limites sont très exigeants, c'est peut-être une autre histoire. Mais on se trompe rarement en enfourchant sa monture pour abattre du kilomètre.
On arrive dans un village aux alentours de 19h00, et là , miracle, des commerces sont ouverts. C'est un peu la dernière chance avant longtemps, et du coup, même si ce n'est pas un point de contrôle officiel, nous sommes nombreux à nous arrêter. Par ailleurs, de gros nuages gris juste à l'horizon nous promettent une bonne saucée comme on les aime. Je fais une escale boulangerie, bois un café, enfile ma veste étanche, et malgré tout cela il me semble que je suis un des premiers à partir. Pas très furieux les gens.
Je rejoins rapidement deux cyclistew qui semblent déjà se connaître. Et on se prend la pluie. Au début trois gouttes, puis un peu plus, et pour finir une bonne vieille drache, j'ai de l'eau plein les lunettes, le cul tout mouillé, ah, voilà , là on est bien, un vrai brevet, pas une ballade de complaisance. Mais finalement la pluie s'arrête assez vite. Mes compagnons de route se sont arrêtés pour je ne sais quelle bricole, et à nouveau, je me retrouve seul. Dont acte.
Fait remarquable et plutôt inhabituel, le vent est nettement favorable. On ne l'a pas "en plein dans le dos" mais très souvent trois quart arrière, et du coup on peut s'envoyer de grandes sections en roulant vite sans trop se mettre dans le rouge. J'en profite. D'après mes calculs, je devrais pouvoir arriver à Alençon, point de contrôle numéro 2, et quasiment mi-parcours, entre 22h00 et 23h00. Et c'est ce qui se passe. Et ça c'est bien car Alençon c'est suffisamment grand pour qu'on puisse espérer y trouver un commerce ouvert. Ça évite le contrôle de nuit, toujours moins sympa que le bon brave tampon commerçant et surtout doit y avoir moyen de faire le plein. Pour les bidons je ne me fais pas de bile, un troquet ouvert à 23h00 un samedi soir, c'est sans soucis. En revanche pour manger, c'est parfois plus compliqué. Sauf que c'est notre jour de chance, et il y a un kebab ouvert, d'après un collègue cycliste qui vient juste de me rattraper.
Effectivement, il a raison, kebab ouvert. On commande un sandwich, avec des frites pour moi s'il vous plaît. Très bon accueil, et on y mange bien, en tous cas, on y mange calorique, ce point ne supporte pas la discussion. D'ailleurs je repense au sketch (de Fernand Raynaud) où l'on parle de cet étranger qui vole le pain des français, et qui est boulanger. Et je me dis que ces derniers temps (Charleville-Mézières , Gallardon en revenant de La Rochelle ) si on enlevait les kebabs de la campagne française, resterait plus grand chose à bouffer passer 19h00. Les harengs pomme à l'huile, c'est très bon, j'en mangerais bien, mais c'est pas proposé par les boutiques qui sont ouvertes, point final.
Au final on est une bonne dizaine dans ce petit resto, qui diffuse un match de foot apparemment important, apparemment le Real Bronzio joue dedans. Ça fait 20 minutes qu'on y est je commande un café, un de mes compagnons de route en prend un aussi, puis je me dis qu'il faut y aller. Il ne va pas m'accompagner, il faut d'abord qu'il aille pisser. Je jauge la situation. Tout le monde est encore en train de manger. Moi j'ai fini. J'ai payé mon repas, j'ai vidé mon café, je suis passé aux toilettes, tout est OK. Est-ce que j'attends ? Je vais surtout prendre froid oui.
Alors je pars seul. De toutes façons j'ai un bon éclairage, et puis avec toutes les nuits que j'ai passées dehors récemment, c'est pas le métier qui manque.
Je roule plutôt bien, et ça tombe bien car pour ce qui est de la nuit, je n'ai pas de plan B. Je suis parti sans bivvy bag, rien pour dormir, donc soit je roule, soit je roule, le choix est vite fait. Je m'attaque donc à la sortie d'Alençon à une petit côte qui à défaut d'être raide est bien longue. Et je suis surpris qu'il n'y ait pas de point de contrôle au nord d'Alençon car le parcours fait un beau crochet, et en général, entre deux points de contrôle, c'est quasi tout droit.
Mais le mystère s'éclaircit, en arrivant en haut de la bosse, au moment où, justement, ça tourne sur la droit et revient vers l'est, j'entends "brevet 400, contrôle surprise". Et oui, un petit contrôle secret, ça faisait longtemps, tiens. Ils sont très gentil, en plus ils sont à l'abri, y'a un joli feu de bois, à manger, et même s'il ne pleut plus, je suis content de pouvoir me réchauffer et rassasier. Oui je sais je sors à peine du restaurant, mais c'est tout de même agréable.
On me dit que c'est bien si j'appelle l'organisateur au moment où je serai à La Roche-Guyon, histoire qu'il soit bien là quand j'arrive. Du coup je me pose des questions. Je suis le premier à passer ici ? Ça paraît étrange, je n'ai quand même pas roulé si fort que ça. Enfin bon, peut-être, on verra bien, en attendant j'ai de la route à tailler.
Et pour le coup, la route, c'est un billard. Super roulant, et en plus le vent a légèrement tourné, donc on l'a dans le dos. Pas un grand vent, juste une petite pichenette, mais c'est toujours ça de pris. Un moment je me dis que je tire un poil court dans les bosses, me semble que je suis rapidement sur le dernier pignon... Et puis je m'aperçois que je suis sur la plaque (le grand plateau) ce qui m'arrive rarement. C'est toujours embêtant, de nuit, on ne sait jamais sur quelle vitesse on est car on ne voit pas les pignons. De jour, c'est plus simple.
Sur les coups de 1h ou 2h du matin, alors que je suis en train de traverser une petite ville, j'ai la chance de trouver un bistrot ouvert. Mais c'est la fête! Alors à nouveau, deux cocas, et ça repart. Ils sont très sympa, un peu surpris, mais bon c'est normal. Et je crois que le patron parle à peine français, heureusement la serveuse a juste un léger accent, donc la communication est facile.
Je reprends la route, rien de très particulier, sinon que j'ai un coup de bambou vers 4h du matin où, raisonnablement, je n'avance plus très vite, et je m'endors un peu sur le guidon. Quelques bonnes chansons hurlées (on ne vas pas dire chantées...) en chemin ont raison de mon assoupissement, et consternent deux petits jeunes qui passaient par là et doivent se demander qui est ce débile qui roule en pleine nuit en chantant à tue-tête. D'un autre côté je me demande bien aussi ce qu'ils font à marcher au milieu des prés à une heure pareille. À bizarre, bizarre et-demi.
Et donc le jour se lève, et je me rapproche subrepticement de La Roche-Guyon, dernier point de contrôle à quasiment 40km seulement de l'arrivée. Je cherche un commerce mais rien n'est encore ouvert, crotte, j'aurais peut-être du prendre un pain au chocolat (quand j'entends parler de "chocolatine" je sors mon fusil) à la boulangerie juste 10 minutes avant mais il est trop tard. Je laisse un SMS à l'organisateur, laisse une ou deux couches de vêtements dans ma sacoche, enfile mes lunettes de soleil, et c'est reparti.
C'est reparti mais ça pique. Le final est relativement corsé comparé au reste du parcours, et donc je rentre tranquillou, sans faire d'étincelles, mais content car je sais que je n'arriverai pas trop tard à la maison, avec un peu de chances je vais même pouvoir profiter de mon après-midi !
J'arrive donc à Andresy après 18h13 de vadrouille, je taille une bavette avec les organisateurs, qui me confirment que je suis le premier à rentrer au bercail. Et j'ai juste le temps de dire bonjour aux deux suivants, qui arrivent quelques dizaines de minutes après moi.
Sur le chemin du retour, sur les bords de Seine, je jurerais que je vois des maillots de l'UVA. Je ne dis que non, ce n'est pas possible, je dois rêver, et je passe ma route. Mais en y regardant bien, si, c'était bien eux. Caramba, j'ai encore perdu une occasion de discuter ! Pas grave, ce sera pour la prochaine fois.
Et donc j'arrive à la maison à environ 10h00 du matin, au final j'aurai mis 21h00 pour faire 440 km, et surtout, ce qui est positif, c'est que mon ressenti, c'est que ce brevet, c'était "la promenade du dimanche". Littéralement. Mal nulle-part, jamais dans le dur, la météo m'a glissé dessus comme l'eau sur sun canard, comparé à mes sorties précédentes d'avril et de mai, cette dernière ballade était juste une formalité.
Voilà voilà , l'entraînement est fini, les dés sont jetés, on va bien voir ce qu'on va bien voir.