Samedi 26 avril 2008
Or donc ces 100km étaient pour moi l'occasion de valider "moins de 10h30" pour le Spartathlon. Sur le papier, c'est facile, je l'ai déjà fait à Royan en 2005 . Dans la pratique, un 100 bornes, c'est jamais gagné d'avance. Donc, je me dis qu'il va falloir mouiller un peu le maillot. Heureusement j'ai toutes les chances de mon côté. J'ai un entraînement en béton qui m'a valu un excellent Marathon de Paris trois semaines avant, j'ai fait des sorties longues pour l'UMT ici et là . Bref, ça roule pour moi. Je me suis bien reposé avant la course et j'ai briefé Valérie, mon accompagnatrice de luxe . Pour résumer, tout est prévu, rien ne peut mal se passer, c'est dans la boîte. Une formalité. Pfuit!
Bon, heu, en vrai, le matin du départ, je suis moyen sûr de mon coup. Le petit doute. J'ai eu vaguement un début de rhume deux jours avant mais qui, heureusement, n'a pas pris. J'ai raté ma cure de sommeil en toute beauté en allant en répétition flingueurs mercredi soir. Bref, on pourrait croire que je suis un petit vieux tout vermoulu, bon pour l'hospice. Bon, là j'exagère, j'en rajoute. Mais j'ai tout de même une douleur bizarre aux jambes qui ressemble terriblement à celle que j'ai eu au Marathon des Yvelines 2007 . Bon, on va bien voir... Juste avant le départ je me tape un petit aller-retour au dortoir du collège pour récupérer les temps de passage préparés par Valérie et oubliés par nous deux. Elle part en avance. Elle est un peu stressée par l'événement. Boaf, il va faire beau, ça va être du gâteau! Je croise Vincent Toumazou sur la grille de départ. Il me conseille de me placer devant, car le départ est étroit. Hou la hou la je suis pas pressé moi hein. Moi être un habitué des queues de peloton, du calme!
PANG! C'est parti. Je pars mollement, mon cardio fonctionne comme il faut. Ouf, car j'ai vraiment besoin de cette béquille électronique en course. Pour pas partir trop fort... Je me cale à 130. Le parcours est en descente, puis une espèce de presque faux-plat descendant. Bref, c'est ultra-roulant. Du coup, sans forcer, j'avance comme une balle. Je dois rouler à environ 12km/h de moyenne, ce qui, sur le papier, relève du suicide car à ce tarif là je suis rendu à Belvès en largement moins de 9h00, ce qui est de la pure science-fiction, au vu de mes autres performances, de la nature du parcours et des prévisions météo. Mais... je fais confiance à l'electronique. A 130, je vais au bout du monde, j'en ai fait l'expérience au Grand Raid de la Réunion 2004 , donc, à ce rythme, je suis invincible.
Je récupère Valérie après environ 10 bornes de course. On prend nos marques. Ca se passe bien. Ca se passe même très bien. La caisse en plastique installée sur le porte-bagage est tip top pratique, et on communique facilement. Cool. Elle prend quelques photos, moi j'aligne les kilomètres, tout sourire, en prenant soin de faire l'andouille à l'occasion. Séance photo officielle dans un petit village où - mince! - nous ne serons pas ensemble car elle fait le plein aux ravitos, et dans l'ensemble, tout baigne. Au niveau des ravitaillements, j'ai pris le parti de ne jamais m'arrêter. Valérie remplit bidons et bouteilles pour moi, ramasse le solide, pendant ce temps, je cours. Je pense qu'en début de course ça ne me sert à rien de m'arrêter vu que j'ai une accompagnatrice qui fait tout le boulot pour moi, et en fin de course j'imagine que j'aurai autre chose à faire que parler tricot sous la tonnelle en attendant que ça passe... Donc, je snobe les arrêts et Valérie se charge des relations sociales, car il est bien entendu que vu la chaleur de l'accueil qui nous est réservé, on se sentirait gêné de ne même pas dire bonjour. Le clou, la cerise sur le gâteau, ce sont ces petites tables sorties devant les maisons, avec trois bouteilles d'eau en verre, quelques victuailles solides fort appétissantes et, là c'est stylé, un petit bouquet de fleur.
Je fais l'elastique avec plusieurs coureurs dont Super Vince Mac Toum Toum All Stars, puis finalement je prends mon rythme, pour de bon. Au quarantième, j'avoue que je laisse un peu la machine s'emballer, mais faut dire, je suis bien! Je prends plaisir à courir, je suis heureux tout plein, j'écoute la locomotive qui roule. Je chante dans ma tête.
Plume de Poule Plume de Poule viens... (tatitatatita) Plume de Poule Plume de Poule viens... (tatitatatita) Plume de Poule Plume de Poule viens... (tatitatatita)
C'est la petite plume bleue à l'arrière de ma casquette qui m'a donné cette idée. Je l'ai emmené pour la ramener à mes filles et leur dire "voilà une plume qui a fait cent kilomètres". Et puis c'est moins pénible à porter qu'un déguisement d'Obelix par exemple.
Plume de Poule Plume de Poule viens... (tatitatatita) Plume de Poule Plume de Poule viens... (tatitatatita)
Ah, ça vous rentre dans le crâne comme d'un rien ce truc. Une petite merveille de Shilum Kakawe récupérée sur B&M bien sûr. Pour vous, rien que pour vous, je vous ai fait un petit remix de 9h24'35" (non, vous ne rêvez pas, vous avez bien lu, 33875 secondes de plaisir!!!) dispo au format Ogg (114Mo) ou Mp3 (129Mo). Un peu long à télécharger, mais ça caractérise bien l'euphorie répétitive du moment.
Plume de Poule Plume de Poule viens... (tatitatatita) Plume de Poule Plume de Poule viens... (tatitatatita) Plume de Poule Plume de Poule viens... (tatitatatita) Plume de Poule Plume de Poule viens... (tatitatatita)
On ne s'en lasse pas!
Valérie me fait remarquer que je respire en trois temps. Tiens, c'est vrai, je n'avais même pas remarqué. Une inspiration, deux expirations, et on recommence. Je passe le marathon en 3h33' (je m'en rappelle, ça fait un compte rond) soit environ 12km/h. Très clairement, je suis droit dans le mur, beaucoup trop vite. Deux options s'offrent à moi. Ralentir, prudemment. Bof, pas mon style. Continuer, au culot. Ah tiens, ça ça a l'air plus drôle. Bon, en fait, j'opte pour une troisième voie. Je reste en dessous des 140 pulsations/seconde, et je m'hydrate et m'alimente sévère pour bien remplir la chaudière et affronter la suite. En fait, si j'avais *vraiment* fait ça ma course aurait été vraisemblablement meilleure, ou moins dure, ou les deux. Mais bon j'y vais trop timidement. Je mange et bois, mais pas tant que ça. Et puis la limite à 140, heu, elle est plutôt à 145, n'est-ce pas...
Je franchis donc les 50 bornes avec une banane des grands jours. Je suis 17ème paraît-il. Ah ouais? Ah quand même. Ouh ben dis-donc j'ai vraiment du partir vite. Bon bon bon bien bien bien. Je continue sur ma lancée. Et là, ni une ni deux, je joue au pacman. Hop, un coureur. Hop, un deuxième. Ni vu ni connu, je gratte des places. Arrive un moment où je sens bien que je dois être douzième. Je sens surtout - et ça je le sens bien - qu'il fait super chaud. Bon, alors en général j'affirme haut et fort que quand il fait chaud, mes temps sont moins bons, comme pour tout le monde, mais qu'au classement, ça m'est bénéfique. Y'a plus qu'à mettre ça en pratique! Je trouve quand même que je suis sacrément gonflé. Normalement ma place c'est pas ici, je suis plutôt du genre à me faire prendre deux tours par le premier. Enfin peut-être que c'est moi qui me cantonne dans une espèce d'esprit de "looser" de manière plus ou moins inconsciente. J'ai lu à ce sujet récemment, sur la ligne de départ du Marathon de Paris un portrait au vitriol du gauchiste qui, à défaut d'être parfait, appuie bien là où ça fait mal. Donc, aujourd'hui, moi pas looser, moi foncer droit devant, plein pot, toutes voiles dehors.
Purée, qu'est-ce qu'il fait chaud. Aïe aïe aïe, voilà que se présente la mauvaise configuration. Mon estomac commence à dire "stop". Je sens que ça passe mal. J'essaye l'eau. Passe pas. Le mélange moitié coca/moitié eau que Valérie me prépare sur demande à chaque ravitaillement - j'en dispose en quantité virtuellement illimitée - passe encore. Mais j'en bois pas assez. Ca c'est une erreur - facile à dire, maintenant - parce que quand je bois ça me fatigue. Je veux dire que le fait de tendre le bras, lever le coude, porter le bidon à la bouche, ça me coûte. Franchement, moi, fatiguer du coude, ça ne me ressemble pas. Avec l'entraînement en béton que j'ai suivi chez les Bitards je devrais être inattaquable sur ce point. Et pourtant, comme un débutant, je vais commettre l'erreur fatale de ne pas assez boire pour des raisons aussi mauvaises que "ça me fatigue" ou pire "j'ai pas soif". Quel con. J'en avais marre du sucré, mais c'est pas une raison, y'avait de la soupe à certains ravitaillements. En plus j'attendrai les tous derniers kilomètres pour goûter la bonne eau gazeuse salée pourtant toujours à diposition dans la petite caisse bleue. C'est idiot.
Bon, revenons au parcours.
Après le 50ème j'attendais plus ou moins une descente (j'ai survolé le profil d'un oeil distrait la semaine avant le départ). Ca finit bien par descendre, et je sens que les jambes sont dures. Kilomètre 60. Hou la la c'est encore loin l'arrivée... Kilomètre 65. Aucun souvenir. Kilomètre 70. Je me rappelle dire à Valérie "tu vois, quand je te disais que la course commence au 70ème, tu vois que c'est vrai, maintenant, ça rigole plus". Ah c'est sûr que j'ai moins la pêche, je me sens faiblir quelque chose de correct. Sur le papier j'avais prévu, à ce stade, d'en "mettre un coup", quitte à ne pouvoir "que" maintenir l'allure. C'est pas vraiment comme ça que ça se passe. Je me contente de limiter les dégâts. Je regarde un peu le cardio. Bof bof bof je suis à 140 sauf que maintenant je ne suis plus en train de me limiter pour rester en dessous, mais bel et bien en train de ramer pour y rester.
Je continue à snober les ravitaillements et à laisser Valérie faire le plein à ma place. Bon sang qu'est-ce que j'aurais bien envie de m'arrêter un peu. Juste un peu. Quelques minutes. Mais je sais que dans l'état où je suis, si je stoppe, je ne repars pas. Ou alors je repars pour mieux m'arrêter plus tard. Donc je ne coupe jamais les gaz, je trotine, tout le temps. C'est long, c'est long, c'est looooooong un 100km, c'est interminable. Aux alentour du 70/75ème, il y a une petite boucle. J'en retiens trois choses. 1) il fait chaud 2) j'ai rattrapé un gars en rouge et 3) je croise des gens après la boucle, en sens inverse, alors que je n'ai vu personne à l'aller. Si j'analyse tout ça, 1) veut dire que les conditions sont dures, je suis vraiment un analyste hors pair, 2) veut dire que je suis peut-être mal mais que la course n'est facile pour personne et 3) veut dire que s'il y a du monde, c'est surtout derrière. Fort de ces informations, il ne me reste qu'une chose à faire: tenir. Tenir coûte que coûte, même si c'est dur, si jamais je lâche le morceau maintenant je vais dégringoler au classement, je vais laisser filer les dizaines de minutes, d'autant que, j'en sais quelque chose, une fois cuit, j'avance à 4 km/h , pas plus. Quand je suis cuit, je suis cuit. Bon, là, il me reste un peu de fraîcheur, soyons économes.
Pour la petite histoire, après cette boucle, Valérie aborde le coureur en rouge que j'avais rattrapé et qui m'a repassé, et j'ai presque l'impression qu'ils s'engueulent. Qu'est-ce que c'est que ce bordel? Apparemment ils dissertent sur le thème d'un coureur en rouge qui aurait coupé la boucle - forcément pas lui c'est là que je l'ai rattrapé. Lui se sent injustement accusé, à juste titre. Valérie s'excuse mais reste dans le doute. Je finis par lui faire comprendre que d'une part ce coureur a bien fait tout le parcours et d'autre part quand bien même il l'aurait coupé je n'en ai strictement rien à foutre je préfère qu'elle reste à côté de moi avec les bidons plutôt que d'aller joue un rôle d'arbitre qu'elle n'a pas à jouer. Point final. Non mais. Pour le coup, elle a bien appris son rôle, et l'incident se clôt rapidement.
Ensuite, Valérie a des problèmes avec son vélo. Ca fait un petit moment que ça dure, elle déraille souvent dans les côtes depuis le début de la course. Mais là ça dure très longtemps. Je suis tout seul et j'ai soif, j'ai soif. Je m'aperçois qu'en fait je bois assez souvent, plus souvent que je ne crois, parce que là nom d'un zébu qu'est-ce que j'ai soif. A boire où je tue le chien! Finalement elle me rejoint. Son vélo fait crac crac mais je m'en fiche j'ai ma dose de mélange eau/coca. Glou. Une gorgée. Pas plus sinon ça passe pas. J'apprendrai par la suite qu'en fait son petit plateau est complètement tordu et qu'il rabote le cadre. Hum, elle a failli rentrer en car.
Aux alentours du 80ème - je ne vous garantis pas que je vous raconte tout dans l'ordre, mes souvenirs ne sont pas hyper clairs - ça tourne à gauche et là, horreur, ça monte. Ah ça monte pas beaucoup, mais suffisamment pour que j'arrête de courir. Je marche. Alors que jusqu'ici j'ai tout monté en trotinant, là, je capote. Au bout d'un moment, Valérie me dit "c'est bon après ça descend". Ah qu'est-ce que je suis bien en marchant. Tout de suite c'est plus facile. Oh puis c'est presque agréable. Je continue à marcher. "Allez c'est bon Christian après ça descend". Pétard, il s'agit de ne pas s'endormir, je m'envois un bon vieux coup de pied au cul et recommence à courir. C'est suffisamment pénible pour que je me promette de ne plus marcher. Trop dur de repartir.
On finit enfin par rejoindre quelque chose qui ressemble au trajet fait à l'aller. Je cogite que ça doit vouloir dire qu'il reste environ 85km. Bah normalement c'est simple le 85ème on l'a passé ou pas? Je sais pas, je sais plus, je m'en fous, 100km c'est trop long, j'en ai ma claque de cette course, vivement que ça se termine. Je crois que c'est dans cette zone qu'on croise un type qui abandonne à cause d'une sciatique. Ou bien c'était avant? Je me fais reprendre une place par un V2 que j'avais doublé quelques kilomètres avant, et qui s'est refait une santé. Un certain Levesque si j'ai bien suivi, les accompagnateurs duquel ont reconnu le maillot cycliste de Valérie, un vieux maillot qui affiche entre 15 et 20 ans d'âge, et qui date de l'époque où je courais en cadet sous les couleurs de l'entente cycliste de Morsang Sur Orge. Waouh, je ne m'attendais pas à trouver ici quelqu'un qui connaisse l'Embassy Club. Et pourtant 8-) Bon, pour en revenir, à notre V2 avec son débardeur jaune, il m'est strictement impossible de le suivre. Je laisse s'évaporer ma 9ème place, tant pis, impossible de raccrocher. Mon rêve de terminer "9ème en moins de 9 heures" s'effondre définitivement.
Je compte les bornes. Je sais que j'ai atrocement ralenti, je me traîne à 9km/h, voire 8km/h, peut-être moins, ça dépend. Valérie sent bien que je mollis franchement, elle voit sur les temps de passage prévus que je dérive dangereusement vers les prévisions pessimistes. Elle me propose spontanément à boire, j'oublie de lui demander le bidon. Et quand je demande, je dois m'y reprendre à plusieurs fois car j'ai la voix éteinte, je bafouille, je cafouille. Je la regarde avec des yeux de chien battu - qu'elle ne doit pas voir normalement, merci les lunettes de soleil - d'un air de dire "bah je suis désolé, mais là tu vois, je suis cuit, j'en peux plus, je sais qu'on est en train de dériver, mais là, j'ai le pied sur le champignon et y'a rien qui vient". Il est loin le temps de l'Ecotrail où je termine beau et fringuant, à l'aise. J'essaye de me remotiver en chantant des trucs dans ma tête, mais rien ne prend, au bout de 10 secondes je change de morceau. Plume de Poule rien du tout, la magie est finie. Ce que je veux ce n'est pas chanter un truc entraînant, c'est juste m'allonger dans l'herbe et profiter du beau temps, avec un verre, une paille et des glaçons, sous un parasol. Ce n'est pas que je sois physiquement totalement mort cuit foutu. J'ai encore quelques réserves. Mais c'est dur. Qu'est-ce que c'est dur. Pourquoi j'ai choisi course à pied? J'aurais du choisir bridge. Au moins la fédé de bridge est, d'après mes tablettes, reconnue par le CIO, alors que le 100 bornes, c'est même pas considéré comme une épreuve de course à pied, du point de vue des Jeux Olympiques. Au delà du marathon, il n'y aurait soit-disant plus rien. J'ai même des connaissances, que je ne citerai pas, qui m'ont sorti que sur un ultra "on ne force pas" parce qu'on va lentement. Pfff, je préfère me taire...
Pour l'instant, rien dans le radar derrière. J'attends avec impatience le pont où les accompagnateurs cyclistes nous avaient rejoint à l'aller. Il ne restera que 10km! Heu, pardon, 8km, car il faut retrancher la boucle de 2km dans Belvès au départ. Je sais bien que quand on fait ce genre de calculs d'épicier, c'est que ça ne va plus très bien. Mais vogue la galère, si je trace à 8km/h, sans m'arrêter, c'est pas terrible, mais c'est déjà ça. Si un type veut revenir derrière, faudra qu'il "allume" à 10km/h pour faire vraiment la différence, et sans s'arrêter pour marcher ou pisser ou quoi que ce soit d'autre. Tiens, d'ailleurs, j'ai envie de faire pipi. J'essaye en courant. Bon, pas terrible j'en mets partout et c'est assez fatiguant. Je fais ça en marchant, c'est plus propre. Mais au moins, je ne me suis pas arrété. 10 secondes de grattées. Je suis aux pièces.
A force de courir, j'arrive enfin au 95ème. 96km. 97km. 98km. 7 minutes et des brouettes au kilomètre. C'est pas la gloire. Mais enfin, au 98ème, c'est la bosse finale! Juste un petit détail qui cloche. Il y a un petit plaisantin qui s'est amusé à me raccrocher. Quel farceur alors! Il revient vite l'animal, j'avais beau regarder en arrière dans des lignes droites d'un kilomètre ou plus, depuis le 95ème, j'avais rien vu. Ah non, c'est la tuile, va falloir que je monte cette satané côte avec un furieux dans ma roue. Bon, tant pis, j'en fais mon deuil, et je lance ce que j'espère être un sprint final. Il s'accroche. Il gagne du terrain. M'en fous, je continue, s'il veut me doubler, il paiera le prix fort. Je ne vais pas lâcher ma 10ème place comme ça dans le dernier lacet. Et là, bonne nouvelle, haut les coeurs, la fanfare entame la Pitxuri. Il y a un truc. Je fais partie d'une fanfare qui est CHAMPIONNE DU MONDE de Pitchouli. Il est absolument totalement hors de question que je me fasse coiffer au poteau sur ce morceau, joué par une fanfare. Inimaginable. J'en remets une couche. De toutes façons l'autre a lâché l'affaire, Valérie me dit qu'il a marché. M'en fiche, je regarde devant.
Et là, enfin, l'arrivée. On essaye de se tenir la main avec Valérie mais ça capote car les vélos ont un couloir spécial. Logique, fallait s'y attendre. J'hésite à sauter à pieds joints sur le "OUF!" peint au sol, mais je n'en ai pas le courage. Même plus l'énergie de faire le zouave. C'est grave. Je titube un peu sur la ligne d'arrivé. Je suis 10ème. Ca devient un peu sombre autour de moi. Oh la, vite, je murmure "allonger, allonger, je veux m'allonger". Enfin, c'est fini. La masseuse me pourrit l'entrejambe (à vif à cause des frottements...) avec une huile qui pique, horrible. Mais je m'en fiche, je n'ai pas la force de le lui faire remarquer. Un médecin le fera pour moi. Je suis arrivé, c'est fini, mon ticket "moins de 10h30" pour Athènes est dans la poche, le reste, je m'en contrefiche.
Et surtout, je me suis prouvé que j'étais capable de résister, finalement pas si mal que ça, à la chaleur, aux sirènes de l'abandon, et c'est rien que du tout bon pour la suite. Evidemment il faudra que je tire enseignement de tout cela, éviter de refaire en septembre les erreurs de débutant type ne pas assez boire ou partir trop vite (balèze le gars, après il vous expliquera qu'il s'y connait en course à pied) mais le bilan est très largement positif. Même si aujourd'hui, au moment où j'écris ces lignes, plus de 48h après la course, mon genou gauche a pris un cm de tour et refuse de se plier comme doit se plier un genou, je ne regrette rien du tout de cette formidable expérience.
Mention spéciale à Valérie qui m'a fait gagner facile 1/4 d'heure, voire plus. Car tous les ravitaillements zappés, au bout d'un moment, ça compte. 1 minute gagnée à chaque ravitaillement, avec un ravitaillement environ tous les 5 kilomètres, ça en fait des minutes, de gagnées... Et au delà de tout ça, c'était tout de même une vache d'expérience. On a bien ri au début, on a été ensemble jusqu'au bout, et j'imagine qu'elle a désormais une meilleure idée de "ce qui se passe" sur une course. Par ailleurs, rien de tel pour transmettre le virus de l'Ultra qu'une petite incubation cycliste ;-)
Après l'arrivée, je mets plusieurs heures à récupérer, trimballe ma carcasse molle à la douche - en voiture - puis sous la tente de ravitaillement. Je suis tout barbouillé. Valérie m'apporte mon diplôme, et on passe à table, au menu, repas périgourdin. Pas mal le repas. Tiens, heureux hasard, je suis à côté de Gilbert, lequel connaît bien Paulo . On cause de choses et d'autres et quand la fanfare se met à jouer, j'en profite pour leur squatter leur Souba et pousser la note avec eux. Etrangement, cet intermède me redonne une patate d'enfer, je reviens gonflé à 100 kilos, les verres de rouge passent tous seuls. J'envoie une tournée de bière aux musiciens, vive les 100km de Belvès!
PS: à lire aussi, le CR de Valérie, mon accompagnatrice.