En vacances au ski à Pralognan, mon épouse Valérie passe à l'office du tourisme. Hé Christian, y'a un trail samedi soir! Par chance, je suis en vacances du dimanche au dimanche. Donc, samedi soir, je suis dispo. Et par ailleurs, ayant prévu, au cas où, de pouvoir m'entraîner (parce que bon, le surf des neiges c'est un peu un sport de feignant, quand on n'est pas assis dans la neige on a le cul posé sur un télésiège, pour faire de l'endurance fondamentale, j'ai connu mieux) j'ai sur place un collant, des chaussures de trail, une frontale. Bref, impossible de ne pas m'inscrire!
Je réussis tant bien que mal à faire fonctionne ma connexion 3G (oui, je suis chez Free, alors des fois ça marche, et puis des fois...) et m'inscrit illico au premier Trail de l'Inuit.
Départ dans un village d'igloos, parcours de 15 km / 560m D+ dans la neige, sur le papier, ça a l'air tout simplement parfait.
Pendant la semaine, je case 3 entraînements - que j'aurais faits de toutes façons - des petites entraînements cools, juste un jogging après la journée sur les pistes. Pour le parcours je porte mon choix sur les pistes de ski de fond, il y a en effet une zone piétonne, à gauche ou à droite selon le sens, et c'est ma foi très pratique. Impossible de se perdre, et en plus je fais des rencontres sympathiques, en particulier Christophe, un vacancier qui, comme moi, profite de la belle montagne. Car c'est beau, la montagne, d'autant qu'il y a plein de neige fraîche et que le fond de cette vallée est dans un autre secteur que les pistes de ski alpin. Comprendre : pas de pylônes moches, pas de sacage au bulldozer, de la montagne "presque normale" avec comme vestiges de l'activité humaines quelques barraques en pierre et petites routes et autres pistes à 4x4 reconverties en pistes de ski de fond.
Mais venons-en à la course.
Départ à la bonne franquette, une vraie course comme je les aime avec des tickets numérotés pour la tartiflette d'après-course. Mais attention, chronométrage avé la puce et tout et tout. Biiip biiip l'informatique a don d'ubiquité, ici aussi, qu'on se le dise, le chrono sera d'une précision millimétrique.
Pang, nous sommes partis.
Je patauge dans la neige. À l'entraînement j'avais bien fait attention à courir sur la partie réservée aux piétons. Je ne voulais pas abîmer la piste de ski de fond. Il se trouve que le parcours de la course c'est à peu de chose près mon parcours d'entraînement. C'est sur les pistes de ski de fond, donc. Et ce coup-ci, on défonce tout! J'imagine qu'il est prévu que la dameuse passe après nous, car là , c'est le carnage. Et plitch et plotch des pieds partout qui traversent la piste et laissent leurs marques. Il y a plein de monde devant moi. Je ne me fais pas d'illusions, sur cette distance et sur ce terrain, il y a des clients bien plus compétents que moi, je laisse filer. Je ne sais absolument pas combien de temps je vais mettre. J'imagine entre une heure trente et deux heures, au pif. Un gros semi-marathon quoi.
Je cale mon rythme sur... ce que je peux faire. J'essaye de ne pas trop aller dans le rouge, mais je file tout de même bon train. Après tout, c'est une course. Première montée "raide" et je me mets à alterner marche et course. Ça bouchonnerait presque. Sur le retour du premier tour, je commence à faire le trou et rattraper les optimistes qui ont vu grand et calent un peu face à la distance. Un concurrent me gratte dans la descente, pourtant j'ai l'impression d'envoyer du gros. Mais il courait le 7,5 km. Car il y a deux tours. Au début du deuxième tour, je discute avec un compagnon de route. Il est blessé, paraît-il. Mouais, un blessé qui descendent à 13 ou 14 km/h dans la neige, c'est pas un blessé qui fait pitié. Mais bon, il est sympa.
Sa frontale éclaire comme un projecteur. La mienne n'a bientôt plus de piles. Déjà que c'est un modèle bas de gamme... J'y vois quand même un peu, avec la neige, tout est clair. Enfin, la neige sur le sol parce que celle qui tombe se colle sur mes lunettes et je n'y vois plus rien. Mais on s'en fout ça monte, alors on ne va pas vite, pas besoin d'y voir loin. Je tente de rattraper le coureur devant moi, avec sa loupiotte rouge à l'arrière, il est bien repérable. J'y arrive presque avant le demi-tour au pont, mais il me largue à nouveau dans les descentes. En côte, ça va, je passe en force et j'arrive à gratter du monde. En descente c'est plus délicat d'autant que je n'y vois rien, mais plus rien du tout. Lorsque le concurrent derrière moi me rattrape, je vois mon ombre qui se projette, et mon faisceau est invisible au milieu. Il faut qu'il s'éloigne pour que je puisse détecter la lueur de ma lampe. Je n'ai qu'à courir plus vite, me direz-vous.
J'essaye, mais une douleur inquiétante à l'intérieur de la cheville me dissuade de tenter le tout pour le tout. On dirait une tendinite pourrie, ça fait mal à chaque impact. Décidément, je ne suis pas fait pour courir à cette vitesse. Je ne la connais pas exactement, ma vitesse, mais vu comme je me traîne en côte (les autres sont pires...), en descente, pour tenir le 10 km/h de moyenne, forcément, je vais un peu plus vite. Sur la fin donc, je maintiens le rythme, mais sprinter, c'est de la science-fiction, je rentre donc à mon rythme, le gars devant m'a largué, celui derrière a décroché, les écarts sont creusés, plus d'enjeu, la course est finie, en route pour la tartiflette.
Celle-ci est ma foi tout à fait correcte, ambiance "trappeur savoyard" (ça existe ça?) et elle clos très bien l'événement. C'est décidément un heureux hasard qui m'a amené par ici. 12ème place sur 70 et un peu moins de 1h30 mais ça on s'en fout, l'important c'était de participer, et on a bien rigolé dans le froid. Si jamais vous êtes, comme moi, de passage dans le coin à la bonne date, n'hésitez-pas, c'est du tout bon.