Spartathlon 2008

Pour plus de renseignements sur le Spartathlon, il faut lire le site de la course ou celui de Christian. Ici, il n'y a que mes souvenirs de course.


Finalement, je n'ai pas eu besoin de tenir éveillée 36h.

Le départ a eu lieu à 7h, à l'Acropole. Je pensais que les coureurs partaient du Parthénon. Ca faisait un bon petit casse genoux pour débuter. Heureusement, le départ est donné de plus bas, à côté du théâtre. Je m'installe debout sur un muret. Je me rends compte que j'ai oublié l'appareil photo. Christian m'a fixé deux missions principales : couvrir photographiquement l'évènement, et lui fournir du matériel de secours en cas de perte des sacs disposés aux points de ravitaillement. Reporter et logistique.

J'ai oublié l'appareil photo. Il faudra donc que je sois irréprochable pour la logistique. Christian est derrière la ligne de départ avec les 300 coureurs, je suis devant, sur un muret. La foule des coureurs est plutôt calme. Le départ est dans 5 minutes. Un cri. "Valérie !" Je descends du muret, Christian se précipite sur moi. "La crème solaire !" Je le tartine vite fait. Pas de photo, aucune prévoyance logistique, bon, faudra que j'assure plus tard alors...

J'ai eu la larme à l'oeil quand le départ a été donné. Je me suis vraiment demandé dans quel état je le trouverai dans 80 km, mais surtout dans 36 h, au bout de 246 km ou moins. Je suis repartie seule dans le petit jour, une boule dans la gorge, pour prendre le tram. Je devais aller chercher la voiture à l'hôtel, puis rejoindre Christian au premier ravitaillement auquel l'assistance était autorisée. Corinthe, 80 km d'Athènes, 6h pour y aller sans stress. J'ai raté le passage de Christian à Cilaos il y a 4 ans. Ca ne se reproduira pas ce coup-ci.

J'ai donc pris la voiture et me suis engagée pour la première fois dans le traffic grec. Pour plus de sécurité, j'ai préféré contourner Athènes. La conduite grecque en ville, c'est code de la route niveau +++. Je me suis rapidement trouvé sur l'autoroute et ai pu me consacrer entièrement au problème suivant. Il y avait pénurie d'essence en Grèce. Le réservoir de la voiture marquait trois quarts et le compteur 60 km. Une règle de trois m'a donc indiqué une réserve de 180 km. La première pompe ouverte serait la bienvenue pour me réconforter.

La première pompe était à sec. Le pompiste m'a aimablement conseillé de faire demi-tour. La deuxième pompe était mieux fournie. Mais elle ne prenait pas la carte bleue. Il me resta donc 5 euros en poche et pour information le Guide du Routard annonçant un péage de 7 euros entre Athènes et Corinthes. J'ai su moins d'une heure plus tard que le prix était inférieur. Les autoroutes grecques n'acceptent pas la carte bleue mais je ne saurai pas ce qu'ils font des personnes qui n'ont pas assez de monnaie.

J'étais en avance et décidai de visiter Perachora, ses ruines et son lac salé. Il faisait beau, la route était jolie. Mais à peine sortie de la voiture, j'ai su que je ne m'arrêterais pas. C'était ridicule, j'avais le temps. Mais je ne pouvais pas attendre si loin du parcours. J'avais faim, mais je n'arrivais même pas à trouver le courage de perdre du temps dans une boutique d'alimentation. Alors je suis repartie.

J'ai cherché la nationale près de Corinthe et j'ai découvert la signalétique grecque. Aujourd'hui, je ne l'ai toujours pas compris. J'ai regardé la carte, je me suis repérée au soleil, et j'ai réussi à atteindre l'ancienne Corinthe. Il s'agit du deuxième ravitaillement avec assistance de la course. Mais j'étais en avance, rien n'était encore près. Trois Grecs assis à une terrasse ont proposé de m'aider. Pour commencer, l'un m'a offert un café, et les deux autres ont changé de table. Celui qui restait parlait correctement anglais, sauf le mot "husband" qu'il ne comprenait étrangement pas. J'ai compris qu'il était vraiment nécessaire que je trouve le ravitaillement de la nouvelle Corinthe.

Sur l'air de Nationale 7
Voici donc l'arrivée au premier ravito avec assistance autorisée. Il ne me reste qu'à faire demi tour.

Me voilà donc repartie, direction la nationale. Et je me retrouve comme pas magie sur l'autoroute. Heureusement, il y a un panneau "sortie", EXODOS en grec. Depuis ce jour, je sais que même aux embranchements entre autoroutes, les Grecs indiquent "sortie". Je suis allée à Néméa pour la première fois de la journée. Il était 13h, et je cherchais toujours le ravito de Corinthe. Le niveau d'essence avait baissé. La station d'essence était en pénurie. J'avais fait 180 km et toujours pas trouvé le ravito des 80 km. Je sillonais les campagnes, j'ai trouvé une route assez grosse. Je roulais lentement. Enfin, par rapport au standard grec. Et j'ai croisé un coureur !

Bien sûr, trouver une sortie, faire demi-tour n'importe où, ça n'a pas été très évident. Mais c'est comme cela que j'ai trouvé ce fichu ravito. Il était à côté de l'usine Hellas Can d'après le road book. J'y suis resté plus d'une heure, j'ai observé l'usine. Je n'ai jamais trouvé une inscription "Hellas Can". Par contre j'ai trouvé des Français, malheureusement déjà des abandons. J'ai reçu des affiches pour transformer ma voiture de loc en voiture de VIP.

Et Christian est arrivé. "Ouah, j'ai la patate cosmique !" C'était vrai, il était sur la base de 30h d'après mes tablettes. Maintenant, je n'ai plus qu'à être là. Il n'a même pas besoin de coups de pieds au cul à cette allure. Il m'en a demandé s'il tombe à moins d'1h30 du temps limite. Quant à moi, j'ai trouvé le parcours, il suffit de suivre, je trouverai bien les marques.

Départ en voiture. Enfin, faux départ. La voiture fait un bruit étrange. Je ne connais personne. Enfin, si, j'ai parlé à quelques Français sur le ravito. Je les connais depuis moins d'une heure. Je ne les reconnais même pas tous. J'ai réussi à résoudre le problème de la conduite grecque, celui de la pénurie d'essence, celui de l'orientation en pays à panneaux hostiles. Et je suis en rade au premier ravito. Thierry vient regarder. C'est la batterie. Il va falloir pousser. Il trouve une équipe de pousseurs, la voiture redémarre. Et je n'ai plus qu'à rouler pour la recharger. Bien entendu, je passe 10 km avec la peur de caler au ventre.

Sur l'air de On the road again
La foulé est régulière. Plus que 150 km comme ça.

Les rubalises, je ne les ai pas encore vues. Mais je suis la route, et constate que la voiture suivante bifurque. D'autres me suivent, de confiance. Un gros doute m'envahit. Demi-tour (sans caler !) : en effet, il faut suivre les rubalises, pas la route principale. Ni la voiture précédente, et ça c'est les 3 voitures derrière moi qui en ont fait les frais.

J'arrive enfin au ravito autorisé. J'ai même calé ! Bravo ma fille. J'ai constaté que la batterie était rechargée. Je croise le Grec de tout à l'heure. Il a la gentillesse de se contenter de son rateau de fin de matinée.

Le ravitaillement est en plein centre, je peux donc enfin déjeuner en terrasse. Il est 16h. Christian arrive et veut la Nok. J'avais compris la doc. Et je me demandais bien ce qu'il voulait faire d'une doc au kilomètre 90. Je n'ai pas encore compris les subtilités de la logistique de course.

Sur l'air de Déshabillez-moi
Premier changement de tenue de Christian.

Le ravito suivant se passe mieux. Je me gare de travers. Une autre voiture arrive, j'essaie de me décaler. Et je fais ainsi connaissance d'une grand type qui s'appelle Jef. Christian m'avait dit avant la course qu'il n'avait pas une tête de coureur. En effet, il suit sa compagne, qui est 2ème féminine pour l'instant. Son grand défaut est de parler anglais couramment, donc plus vite que moi. Je passerai beaucoup de temps avec lui à partir de maintenant.

C'est à partir du ravito 32, à 113 km, que je me suis rodée. J'arrivais au ravito, je sortais les affaires qui pouvainet servir. Je faisais un coucou aux supporters présents. Ca commençait à être toujours les mêmes : les Anglais supporters du numéro 24, Jeff, l'Allemande timide qui suivait son mari numéroté 120, les monospaces des Japonais. Et entre les ravitos, je doublais les mêmes. Je me souvenais surtout des numéros remarquables : 181, 222... Christian m'avait dit qu'il y avait un Français qui était super fort et qui s'appelait Manu Conraux. Je n'arrivais jamais à le reconnaître et à chaque fois que je le doublais en voiture, c'était lui qui me saluait. Je me disais : la prochaine fois, je l'encourage en le doublant. Et je le reconnaissais trop tard. La nuit est tombée après Néméa. Manu me reconnaissait encore en premier. Je pense ne pas avoir réussi à le reconnaître vraiment avant la deuxième moitié de la course.

Bon, Scott Jurek, je ne l'ai reconnu que deux jours après la fin de l'épreuve...

Sur l'air d'Ave Maria
La ravito le plus complet de la course : le seul avec prière possible. Et ils pressaient même du vin de l'autre côté de la rue.

A Néméa, ils pressaient le vin. L'église aussi était ouverte et allumée. Aucun coureur n'est allé prier. Je n'arrivais pas à gérer simultanément le reportage photo et la logistique de Christian. Christian courait plus vite que le temps de pause. Mais il ralentissait par rapport à la base des 30h. J'ai pris l'initiative de commencer les coups de pied au cul. - Tu as perdu 5 min - Je fais ce que je peux Je n'ai pas pensé à lui dire que c'était 5 min perdus par rapport à la base des 30h. Je n'ai su qu'après qu'il avait cru un instant se rapprocher de la barrière horaire.

L'essence baissait, une station était ouverte en pleine campagne, dans la nuit. Pendant que le pompiste me servait, Christian s'est arrété. Je n'ai pas résisté : "C'est mon mari qui fait pipi !" Ca a bien amusé le pompiste.

Mais ça m'a déconcentré, et j'ai oublié de rallumer mes phares, je me suis trompé de route. Christian a crié "Valérie, les phares !" Et ma plus grande panique a été : si Christian s'inquiète pour moi, il ne sera plus entièrement concentré sur sa course. Alors, j'en ai profité pour perdre le road-book. Perdue dans la campagne, après avoir raté une signalétique, j'ai retourné mes sacs dans le noir.

Une voiture de police est passée, je l'ai suivie. Je suis arrivée dans un village et j'ai hésité à nouveau. Des enfants grecs m'ont parlé. J'ai dit "Spartathlon ?" Ils ont fait de longues phrases en grec. J'ai répété plusieurs fois "Je ne comprends pas le grec." Après discussion entre eux, ils m'ont indiqué une direction. Ce n'est qu'en voyant les lumières du ravito que j'ai su que nous nous étions compris. Nous étions à Malantrani, km 140. C'était la fête. Les adultes mangeaient des brochettes, les enfants traversaient la place avec les coureurs.

Stacey avait la technique. Elle tirait les deux coins du bas de son dossard et se tournait vers l'organisation en criant two-nine-one. Puis elle se précipitait vers le coffre de la voiture de Jeff. Elle revenait dire au revoir aux bénévoles et partait avec un immense sourire. Jeff lui préparait à chaque fois une boisson et des gels coup de fouet. Il m'a avoué qu'il croyait que ça n'était pas plus efficace que le ravito standard - sauf pour le mental de Stacey. Elle a souri jusqu'au bout de la course.

En quittant Malantani, j'ai eu envie de faire pipi. J'ai arrété la voiture sur la bas côté, l'ai contournée. Et me suis fait interpeller par la police. J'ai dû rattacher ma braguette pour leur expliquer mon besoin naturel, et en définitive autorisé par le règlement de la course.

Sur l'air de Chauffeur si t'es champion
Tel un spectre de mauvais augure, le car des abandons viens faire une pose au ravitaillement.

Ensuite, ce fut la montagne. L'attente devint froide. La raffinerie juste en contrebas faisait un bruit du diable. Manu est arrivé, je l'ai encouragé. Le car des abandons s'est garé là. Ca ne l'a pas rassuré. Le cars immense et lumineux, avec tous ces visages lugubres, c'est un peu comme si la barrière horaire se matérialisait devant vous.

Puis les bénévoles m'ont dit au revoir. Puisque mon mari venait de passer ! Christian est arrivé ensuite. Les bénévoles ne savaient plus s'il fallait me dire au revoir.

A cet endroit, les coureurs prenaient un chemin de montagne. Il fallait donc contourner, puis les rejoindre à Nestani. J'ai entendu trois fois l'itinéraire. J'ai compris trois choses différentes. Alors je me suis résolue à descendre et voir. J'ai d'abord vu que je n'y arrivait pas, heureusement, il y avait quelqu'un pour m'aider. Puis je me suis retrouvé sur l'autoroute derrière une voiture de l'organisation. J'ai décidé de lui faire confiance. Elle s'est arrétée à un parking, après la première sortie d'autoroute; J'ai alors appris que ces personnes allaient directement à Sparte et que j'avais vraisemeblablement loupé la sortie. J'ai donc pu visiter l'embranchement de Tripoli, perdre 40 km et l'occasion de me reposer un peu en attendant mon cher coureur.

Heureusement, on court moins vite en montagne. Je suis arrivée avant Christian. J'ai vu Stacey, j'ai papoté avec Jeff. Le Coréen qui prenait une photo à chaque ravito est passé. Une bénévole l'a pris en photo. J'en ferai de même quelques dizaines de kilomètres plus loin.

Sur l'air de Lundi des patates
La gastronomie nocture grecque. Les non coureurs mangent plutôt des brochettes au barbecue.

Christian est arrivé avec Manu. J'ai même vu Thierry et Christine qui attendaient Hervé et Gilles. Moi, ça faisait bien longtemps que je n'avait pas vu d'autres Français. Hervé Bec à Néméa, 50 km avant ? Je crois que c'est tout. Je ne suis pas restée longtemps, j'étais frigorifiée. J'attendais la fin de la nuit pour faire une pause dans l'assitance. Je pensais qu'il serait temps de dormir quand j'aurais récupéré les vêtements de nuit de Christian. Mais je n'ai pas tenu. Au ravito 57, je me suis endormie dans la voiture. J'ai dormi une demie heure. J'ai paniqué à mon réveil. Christian était sans doute passé. J'avais encore plus froids qu'avant de dormir. C'était une grande place déserte. Il n'y avait que cette minuscule table, deux bénévoles, et Jeff. Je crois que je n'ai vu ma copine allemande que plus tard. Ce qui est sûr, c'est que nous ne nous sommes parlé la première fois qu'à l'aube.

Christian est arrivé dans le temps prévu. Il était simplement long parce que l'étape était longue de 14 km.

Je me souviens quand l'aube a commencé à pointer. Christian enlevait des vêtements chaque 10 km. J'étais frigorifiée et je le voyais se déshabiller. Je ne voyais plus d'autres Français. J'ai essayé d'attendre une fois, mais personne ne venait. C'était déprimant d'attendre derrière mon coureur.

J'ai continué et me suis focalisée sur le 120, mari de ma copine allemande. Devant Christian. Et Stacey. Derrière Christian. Si Jeff arrivait juste quand je partais, c'était que Stacey prenait du retard. Si l'Allemande partait quand j'arrivais, c'était que le 120 prenait de l'avance.

Qu'est-ce que je disais déjà sur les nationales ?
Plus que 50 km de grosse route.

Le soleil est arrivé et nous avons commencé à voir la fin arriver. L'Allemande et moi, nous nous disions : il leur reste un marathon. Bon, ça, ils le font sans problème. C'est facile un marathon. A dix kilomètres de la fin, nous étions déjà ravies. Dix kilomètres, ça se fait en rampant s'il le faut. Mais Christian était cuit. Je n'étais pas très fière de moi en lui disant qu'il perdait du temps sur l'horaire des 30h.

Je suis arrivée à Sparte en même temps que la première femme. "My husband is very tired" : la phrase magique m'a permis d'accéder en voiture dans la zone interdite à la circulation. J'ai attendu. Les micros ont annoncé quelque chose dans lequel est sorti Kouistia Maoudoui. J'ai commencer par éclater en pleurs bruyants. J'aurais eu besoin d'une épaule secourable et j'étais seule. L'Allemand était arrivé, Jeff n'était pas encore là. Un coureur est arrivé, puis un autre. Alors je me suis mise à paniquer : c'était peut-être son arrivée qui avait été annoncée ? J'ai interrompu la dame au micro pour lui demander, j'ai insisté. Il n'était pas arrivé. Je l'ai vu ensuite avec tous ces gamins à vélo. Il n'avait pas fini la course. Le plus gros de ma tension était déjà retombé.

Sur l'air de Vive le roi
Léonidas est prêt. Il a déjà avancé son pied pour Christian.

Il avait mis moins de 31h. Il faisait beau.

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Mis à jour le lundi 03 août 2009.