Dimanche 13 avril 2008
Suite et donc de l'épisode Ultra Méga Toff, en ce qui me concerne. J'ai déjà fait jeudi dernier un petit relai en bonne compagnie , cette fois-ci l'idée est de dépanner, car il se trouve que trouver un relayeur pour ralier Chaumes-En-Brie à Provins entre minuit et 8h00 du matin semblait poser un petit problème. Pourtant, sur le papier, ça a vraiment l'air génial non? Bon, moi surtout ce qui m'embêtait un peu c'était le train pour y aller et pour en revenir (le 77 c'est pas à côté de chez moi) mais sinon, pas de problème. Ca s'intégrait à peu près dans ma préparation au 100 km donc bon, vairy goude, allons-y.
Pour rejoindre le point de rendez-vous, à Chaumes-En-Brie, je décide d'opter pour le train. J'aurais pu monter un plan voiture en me faisant assister, mais j'aurais du partir aussi tôt de chez moi, donc va pour le train. J'aime bien être autonome. Heureusement que j'ai pris soin de vérifier les horaires sur Internet avant, car les trains à destination de Verneuil l'Etang, il n'y en a pas tous les quart d'heure, loin s'en faut. Donc, je ne loupe pas le mien, et peste contre les toilettes payantes à Gare de L'Est. Purée, 50 centimes d'Euros pour pisser, ils ne se mouchent pas du pied. Au moins, tout à l'heure, en pleine plaine de la Brie, je pourrais faire pipi gratos, nez au vent si ça m'amuse, pour pas un rond.
Arrivé à Verneuil l'Etang, je jette le fond d'eau pétillante et la fin du paquet de noix de cajou que j'ai grignoté dans le train, tout en finissant mon bouquin. L'idée est de ne pas porter bêtement du poids inutile. En même temps économiser le poids d'une poignée de noix de cajou d'un côté, et de l'autre se trimballer "Critique de la Raison Pure", de Kant (440g, j'ai vérifié en ligne), c'est un peu paradoxal. Enfin bon, il faut vivre avec ses contradictions. Mais je n'aime pas avoir plusieurs bouquins entamés en paralèle, et celui-ci étant entamé, il me fallait bien le finir avant d'en commencer un autre. Je sors du train et commence à trotiner en direction de Chaumes, environ 3km à vue de nez. Juste de quoi se mettre en jambes, pour compléter les 2km de jogging pour aller de chez moi à la gare RER d'Argenteuil. Je prends mes marques niveau orientation, fais quelques erreurs minimes sur le tout début de parcours, mais récupère rapidement le GR que j'avais prévu de suivre. Là, alors, que j'ai l'église de Chaumes en visuel, droit devant, Zabou me téléphone pour me dire qu'ils auront du retard. 20 minutes. Je parie que ce sont des minutes de coiffeur. Donc, après avoir demandé aux autochtones où était l'Eglise, je me poste tranquille sur un banc contre l'Eglise, à l'abri du vent, et entame mon deuxième bouquin - j'avais prévu le coup, le premier étant très largement entamé - qui est, très judicieusement, un peu plus facile de lecture, et moins prompt à susciter l'endormissement. C'est "Vision Orientales", d'Albert Londres. J'apprécie beaucoup son style et ses chroniques collent parfaitement à l'esprit semi-aventureux dans lequel j'aborde cette petite ballade nocture. Sur ce, mes trois lascars arrivent. Ils semblent en bonne forme, de bonne humeur, ont selon toute vraisemblance fait bonne route. Je récupère le fanion, l'arrime plus que solidement à mon sac, peste intérieurement contre la bruine qui vient de commencer à tomber, et sur ce, bon vent, je trace. J'ai 45 minutes de retard sur l'horaire prévu, mais ce n'est pas très grave.
Je porte tout de suite ma capuche, la faute à la pluie. Au moins, ça tombe pas fort, c'est déjà ça. Bonne intuition à la sortie de Chaumes, j'évite un malentendu et récupère la bonne route, celle que j'ai décidé de suivre. J'ai snobé l'itinéraire prévu et reporté sur Google Maps, et prévois plutôt de suivre mon propre itinéraire, combinant routes départementales, sentiers de grande randonnée (GR) et autres chemins. Au moins ça m'occupera l'esprit, d'avoir à imaginer et chercher ma route, et c'est une bonne préparation pour le Raid 28. Je me suis muni d'une carte IGN au 1/100 000ème, l'idéal pour l'Ultra car les cartes au 1/25 000ème sont certes précises mais invariablement trop petites donc il faut en emmener - donc en porter - plusieurs, et c'est pénible. Je jette régulièrement un oeil sur la boussole pour éviter de faire marche arrière à l'insu de mon plein gré.
Assez rapidement je quitte la route pour un petit GR, lequel s'avère être en fait une espèce de piste pourrie en pleine forêt, certainement sympathique en été quand il fait beau mais fort désagréable en ce 13 avril. Je ne sais pas qui roule en 4x4 ici, mais les traces de roues ont formé des p*tains d'ornières, et certaines flaques d'eau sont suffisamment larges qu'elles bloquent complètement le passage, m'obligeant à trouver refuge en bordure du chemin, là où les branches sont suffisamment basses pour que je doive me baisser. Courir là-dedans, c'est limite limite, ça glisse wooooOOOOOooop et je risque le plongeon plusieurs fois de suite. Bon, je ne vais clairement pas faire 40 bornes comme ça, va falloir que ça cesse. Le chemin enchaîne les grandes courbes et les virages à angle droit, merci à la boussole qui m'évite quelques erreurs royales d'environ 90°. Le marquage jaune et rouge réfléchit mal la lumière de ma frontale, et puis zut j'en ai marre de me trouver des excuses, je finis par perdre ce satané GR, et me retrouve bloqué devant un champ, lui-même protégé par une clotûre, et donc je rejoins la route.
Je décide d'avaler un peu de bitume, d'une part parce que j'en ai un peu marre de me planter de route, d'autre part parce que l'heure tourne et ça m'inquière, j'aimerais bien refaire un peu mon retard. J'imagine un parcours bitumeux donc, que je n'arrive pas à suivre. Je rate un embranchement et pars trop au Nord. Mais ce n'est pas grave, car, bien que je me plante régulièrement - et mes coéquipiers de La Belle et les Bêtes en savent quelque chose - j'essaye de m'apercevoir rapidement de mes erreurs, ce qui m'évite des conséquences trop fâcheuses. Du coup je ne me formalise pas et décide de piquer tout droit par la route vers La Chappelle-Iger. J'appréhende un peu ce tronçon car c'est, heu, très monotone, ça tire tout droit et c'est la route par excellence où un conducteur peu scrupuleux peut décider de voir si son véhicule tape toujours le 180km/h aussi facilement. En plus, c'est samedi soir, retour de boîte, pas la peine de vous faire un dessin. Donc, profil bas, je tends les oreilles pour bien entendre ce qui se passe, et quand une voiture passe, je m'arrête sur le côté. Dans l'ensemble je ne suis pas trop dérangé, il n'y a pas foule. Heureusement que la DDE a peint au sol des décorations linéaires blanches tous les dix mètres, sinon on s'ennuierait presque...
A La Chappelle-Iger donc, je décide de reprendre un peu de chemin, direction Gastins. Pour le coup, les chemins marqués sur la carte 1/100 000ème, et qui ne sont pas des GR, sont vraiment des bons gros chemins bien gros bien larges. Seul défaut pour le coureur, c'est parfois bien gras, et même quand ce n'est pas profond, ça glisse. Mais à la rigueur ça me va bien, ça donne un petit aspect ludique à la course, on doit choisir entre le côté droit du chemin, le côté gauche, ou le milieu. C'est trépidant. Je suis toujours un petit peu stressé quand je traverses des habitations - ça ressemble à des fermes - car j'ai toujours peur qu'il y ait un chien en liberté. J'aime vraiment pas ça les chiens, ça gâche le plaisir des ballades. C'est idiot car cette nuit je n'en ai croisé aucun - à part un ou deux qui gardaient des pavillons bien à l'abri derrière une barrière - mais j'ai du mal à me défaire de cette crainte limite panique du molosse qui croit qu'on en veut à la propriété de son maître. Mais, encore une fois, les maisons, dans la région, ne sont pas vraiment en surplus. Il y a de la place.
Je fais un point sur l'horaire et suis à moitié convaincu par ma vitesse de progression. J'ai prévu de laisser un SMS à 5h à Iza pour lui dire si oui ou non j'arriverai à 7h00 à Provins, soit avec une heure d'avance sur l'horaire prévu, ce qui me permettrait d'attraper le train de 7h21, lequel me ramènerait un brin plus tôt à Paris. Sachant que ce tortillard mets 1h20 pour rejoindre la capitale. Je décide donc de prendre les chemins quand ces derniers raccourcicent vraiment le trajet, et à ce petit jeu je tombe sur un cul-de-sac. Nom de Zeus, sur la carte il était marqué comme rejoignant la D209 celui-ci, et dans la pratique, pouf, il s'arrête. Je soupçonne un paysan d'avoir gagné un peu de surface en écrasant le chemin en question. Bon, tant pis. Que faire? Je ne vais pas faire demi-tour, ça me gave, surtout que je risque de retomber sur un autre chemin disparu. Dans le doute, résigné, je tire plein Est au milieu des cultures. Normalement on évite mais là, zut, tant pis, je trace. C'est gras, et mes chaussures pèsent leur poids. Au bout de 800 mètres ce ce petit jeu, je récupère la nationale, du côté de St Just en Brie.
A partir de là je tire tout droit sur La Croix Chenoise, par la route. Au bout, le GR11, qui devrait m'amener tout droit à Provins. Sur ce tronçon de route, à 5h donc, j'envois un SMS confirmant mon arrivée à 7h00. En fait j'en suis moyennement sûr, mais j'ai décidé d'arrêter de toujours "voir large", et de tenter le "coup double" en 1) arrivant à 7h00 comme prévu et 2) ne coupant pas tout droit pas la route, mais en suivant le GR11 jusqu'au bout histoire de grapiller les quelques petits coins et passages sympas de la régions. Zut alors. C'est une habitude dont j'ai du mal à me défaire, une espèce de pessimisme rampant sur l'horaire, qui me fait toujours augmenter les temps de parcours de 20% à 50% sur la fin des trajets. Et le pire c'est que ce genre de prédiction peut s'avérer prémonitoire. A savoir, à force de se convaincre qu'on va ralentir, on finit par le faire. C'est pas comme ça que je vais améliorer mes perfs sur 100 bornes pardi. Donc, l'optimisme et la confiance en soi sont de mise, je me restaure avec des mini-chorizos, un tube de crème de marrons et deux mini-nuts (seule nourriture solide sur le parcours, pour le reste je bois du thé glacé au miel) et vas-y que je cours, s'en m'endormir. Je dois me surveiller car rédiger un SMS ou manger sur le bord de la route, même en marchant, c'est dangereux. En effet j'ai vite tendance à me déconcentrer et m'écarter de ma trajectoire. Un écart d'un mètre, c'est peu. Sauf qu'on se trouve presque au milieu de la route. Je finis par décider de m'arrêter totalement sur le bas côté, c'est plus prudent.
Je rejoins le GR11 comme prévu, mais je suis un peu déçu. Déçu car je m'attendais à un réel "plus" au niveau paysage, ambiance, or bon, ça reste un bête chemin à l'usage des tracteurs en rase campagne. Bon, allez je vais pas me plaindre, il n'a pas fait si froid que ça, je suis bientôt arrivé, et j'ai eu mes quelques heures de liberté. Ceux qui ne font pas ce genre de ballade ignorent à quel point c'est agréable d'être lâché en pleine nature sans aucune autre contrainte que "rendez-vous tel point telle heure". Pas besoin de certificat médical, pas de règlement, personne pour vous surveiller, pour vous donner des conseils. Non, on est tout seul, et c'est très bien comme ça. C'est malheureusement de plus en plus rare dans une société focalisé sur la notion de risque et de responsabilité.
Pour tenir l'horaire, je suis obligé de relancer un peu la machine. Aucun espoir de terminer en roue libre tranquille pépère en marchant. Je n'ai pas besoin de courir comme un furieux, je dois juste maintenir le rythme. Je fais un point sur ma condition physique et suis plutôt satisfait. Un peu mal aux jambes mais rien de dramatique, pas de bobo aux pieds - malgré des chaussures trempées - ni de fatigue généralisée. Chouette!
Les derniers kilomètres en arrivant sur Provins sont forts sympathiques, je vois les lumières de la ville qui se reflètent dans le ciel, et le jour commence à se lever. Ah, rien que pour ça, ça valait le coup. Je croise des types en bagnole qui me demandent s'il y a une "rencontre" organisée par là, en me montrant la campagne d'où j'arrive. Je ne sais pas exactement ce qu'ils cherchent, cela ne me regarde pas, mais je leur confirme, au cas où l'on pourrait en douter, que là d'où je viens il n'y a rien, mais alors rien de chez rien ni personne ni quoi ni qu'est-ce.
Une fois sur Provins, je prends des photos, fais du tourisme. J'ai 20 minutes d'avance. Je finis par les bouffer en me perdant. Je fais donc le tour de la vieille ville, et même le tour de la gare. Pas fâché quand même d'apercevoir Iza sur le parking. Il est 7h01. On échange quelques propos rapides, je remplis le livre d'or, on cause UTMB, je taxe 3 madeleines, et hop dans le train.
Bon, ben voila, j'ai bien mégatoffé, j'ai pris plaisir à courir, et faire partie d'un relai course à pied si énorme, ça ajoute au charme, c'est clair. Et si ça peut rendre service à Children & Future, c'est tant mieux. En revanche je n'ai toujours pas compris pourquoi dans le sac relai qu'on se passe de coureur en coureur il y a un T-shirt Jésus-Christ, moi qui suis un infatigable bouffeur de curé, ça m'a bien fait rigoler. Mouarf.
PS: au total, je pense avoir couru environ 45km, le trajet "optimal" donné par ViaMichelin en vélo faisant 42km. Plus les 5km de marche d'approche à Argetneuil puis Verneuil, ça doit faire le week-end à 50km tout compris.