Bon, alors je vous explique le concept. Valérie et moi, finalement, on n'ira pas à Brest en tandem. Dommage. Trop difficile de concilier entraînement, boulot, vie de famille. Et puis elle n'est pas certaine d'aimer le vélo autant que moi. Dont acte. Ceci étant, on ne va pas en rester là . Donc nous avons décidé (ha ha quelle bonne idée) de nous offrir un petit lot de consolation, un week-end à la mer... en tandem!
Le plan: simple. S'envoyer la flèche Paris-Dieppe-Paris, dormir à Dieppe à l'hôtel, en amoureux, romantique à souhait. Je prépare une petite variante du parcours officiel - je me contrefiche de valider officiellement la flèche, j'ai de toutes façons déjà fait ce parcours cet hiver, l'idée est de se faire plaisir - et en avant, pour environ 220km aller et 180km retour. Yahoo!
Départ de nuit. Vous croyez quand même pas qu'on allait faire la grasse mat'? Un truc genre 3 heures du matin. Il fait frais mais ça va. Nous sommes les parcours habituels de l'UVA, ce qui ne nous empêchera pas de nous paumer du côté de Cergy. Peu importe, on se récupère. Ambiance spéciale, la nuit en vélo, c'est toujours particulier. Une côte mémorable nous force à poser pied à terre. Quand notre vaisseau amiral (pardon, l'Amiral avec un grand A) tombe sous les 7km/h, je préfère abdiquer et terminer en marchant plutôt que de risquer une chute à l'arrêt ridicule et potentiellement douloureuse.
La suite? La suite est marquée par un truc, un animal, que je vois traverser la route. Le jour est à peine levé. Fort de ma prudence nocturne (de nuit, je roule rarement vite...) je continue sur ma lancée et freine pour laisser largement le temps à la bestiole de passer de l'autre côté. Bien m'en a pris. C'est un marcassin. Maman sanglier lui emboîte le pas. J'imagine la scène si j'avais forcé le passage. Le petit à ma gauche, la mère en train de traverser, moi qui lui rentre dedans, le tandem en vrac par terre, et la bête sauvage à peine sonnée mûrissant des plans de vengeance à l'égard des deux bipèdes qui ont eu l'audace de menacer sa progéniture.
On roule on roule, on en profite. On profite bien du vent aussi. Plein face. Logique, on roule Nord-Ouest. On s'arrête aux Andelys dans un petit troquet super sympa, qui a l'habitude de voir des cyclos passant des brevets. Pas surprenant, il est très bien placé. Et puis on repart.
Dans l'ensemble, la route est sympa, on profite tout de même du parcours, on prend le temps de s'arrêter, comme sur un brevet longue durée, je n'aime pas l'idée de transformer la ballade en course, nous ne chômons pas mais le but reste de se faire plaisir et de se promener.
Très grande séance plaisir lorsque, finalement, nous découvrons la mer. Après une pause au bistrot, nous repartons Nord-Est pour longer la côte. Au début c'est pas très marrant car - forcément - pour sortir du port et monter sur la falaise... ça monte! Mais après, Ô jouissance extrême du cycliste qui vient de se taper 200 bornes, suprême plaisir qui reste inaccessible à ceux qui ne savent pas ce que c'est que de pédaler face au vent pendant des heures, nous nous retrouvons vent dans le dos, sur une route très roulante et quasi-plate, très exposée (au vent) avec des éoliennes en enfilade pour attester que, c'est officiel, on l'a dans l'dos. Nous filons à plus de 30km/h, facile, sans forcer, c'est du bonheur. Et ça dure, ça dure, on en prend pour une dizaine de kilomètres grand confort, ça sent l'écurie, on pédale dans le velour, c'est la grande récompense après des heures et des heures à lutter contre ces satanés vents dominants.
Un léger moment de doute sur le lieu de l'hôtel, et puis c'est bon, on y est. On se change, on s'habille pour la ville, ça me change des plans "clochard" où l'on dort comme on peut, par terre à 2 heures du matin. L'hôtel est fort sympathique, il accueille avec plaisir les motards, les cyclos, les... bref, il accueille tout le monde, et nous en particulier.
Bonne adresse, je vous la donne
AUX PRODUITS DE LA MER Rue du 19 Août 1942 76550 POURVILLE SUR MER
On visite rapidement la ville, on dort, et c'est reparti le lendemain aux aurores.
La logistique du matin, parlons-en. Un brin stressé par les oublis de dernière minute (je crois que je couve un TOC) je propose à Valérie de garder la clé de la chambre jusqu'à la dernière minute, et d'attendre avant de la déposer, comme convenu, dans la boîte aux lettres de l'hôtel. Ainsi "si jamais" nous avions oublié quelque chose dans la chambre, on pourrait y revenir. Je rappelle que nous sommes maintenant dimanche matin, nous partons à 7h00, tout le monde dort encore. Donc on sort le tandem (pendant ce temps là j'ai la clé dans ma poche) on vérifie les sacoches, on se souhaite plein de courage, et on part.
Première bonne bosse au bout d'un km, au bout de la plage. Je reconnais là la jolie côte des 100km de Normandie où j'aurais bien vu la Fanfare jouer. Peu importe, jolie bosse. Une fois en haut, on roule on roule. Et puis là , le déclic. Merde, la clé. Elle est restée dans ma poche. J'explique le truc à Valérie, et suis quitte pour un demi-tour, seul sur le tandem. Il y en a pour, je ne sais pas, un truc genre 5 km, moins de 10, c'est sûr. Ceci étant, seul sur un tandem, comment dire. L'équilibre, bof bof. Surtout dans la descente, je me fais de belles frayeurs. Mais je l'ai un petit peu cherché. Je dépose donc la clé, et en avant, demi-tour. Et re-la côte des 100km de Normandie où j'aurais bien vu la Fanfare jouer. Quand on aime, on ne compte pas.
On compte quand même un peu, les kilomètres, par exemple, ça se compte bien. Nous profitons qu'il est environ 8h30, l'heure à laquelle les villages s'animent, pour faire une petite pause boulangerie-café. Pour la boulangerie, ça va c'est trouvé. Marrant, on s'est arrêté dans la même que celle où j'avais fait le plein en Février. Pour le bar, c'est compromis, il est fermé. Ah non, finalement la patronne vient de nous apercevoir assis sur son trottoir, elle ouvre l'échoppe rien que pour nous. C'est royal. Et pour couronner le tout, elle nous propose du café... maison! Je connaissais la tarte tatin maison, le soufflé maison, la terrine de campagne maison, l'entrecôte du chef, mais le café maison, jamais vu. Bon, va pour un café maison. Effectivement, il est préparé comme à la maison, dans une vraie cafetière filtre, et pas dans une machine à expresso (ça, c'est bon pour les parisiens).
Je ne garderai pas un souvenir impérissable de ce café, enfin, de son goût je veux dire, en revanche le cadre est exceptionnel. Nous sommes littéralement dans un jardin, avec un petit parasol, seuls, comme à la maison. Sauf qu'on s'occupe du service à notre place. Ca, c'est du bistrot sympa où je ne m'y connais pas (indice: je m'y connais, en bistrots sympas).
Bon c'est pas le tout de traîner au bistrot, on a de la route à faire.
Et on a même de la route ensoleillée. Passé la petite succession de faux-plats qui longe l'avenue verte on se retrouve sur un petit enchaînement de collines qui ne laisse pas indifférent. Surtout que bon, on commence à avoir quelques bornes dans les pattes.
Malgré mes aménagements, Valérie souffre toujours d'un bon vieux mal aux fesses, je ne sais que lui recommander, sinon de se coltiner des heures et des heures de selle, histoire de s'endurcir. Je crois qu'en fin de compte, il n'y a que ça qui marche. J'ai beau être convaincu que c'est ma selle Gilles Berthoud qui m'a sauvé le derrière, je pense que le temps passé sur le vélo, ça compte aussi énormément.
Enfin bon, bon an mal an, nous finissons par nous rapprocher de la capitale. Fait remarquable - et qui explique le beau temps limite caniculaire qui nous accompagne - le vent a tourné. Il est désormais passé à l'Est. Donc en gros, on l'a à nouveau dans le nez. C'est vraiment pas de chance. J'explique à Valérie que ce n'est pas toujours comme ça, que ça arrive, en vélo, d'avoir les éléments avec soi, mon argumentaire a du mal à lui redonner le sourire.
Ah oui, au fait, on a recroisé des Sangliers. Morts, cette fois. Sanglier zéro, voiture un. Chacun son tour.
A l'occasion d'une pause sous un abri-bus, nous prenons connaissance d'un spectacle original au Château d'Ecouen, voilà une bonne idée de sortie à faire avec les filles, un de ces dimanches où nous ne serons pas à batifoler sur les routes.
Et comme les bonnes choses ont toujours une fin, nous arrivons à Argenteuil, 95, au lieu dit "chez nous".
Conclusion de l'affaire: Valérie n'est pas totalement convaincue qu'elle a envie de faire des "grands trucs" avec moi en vélo. Mmm, c'est une information. En même temps, il ne faut jamais décider de la marche à suivre juste à la fin d'un épisode, on manque de recul.