Depuis plusieurs jours, on nous rabâche les oreilles sur un air de "le plus dur est derrière vous". On aurait aimé y croire, mais à chaque fois, on a eu droit à la putain de surprise de dernière minute qui vient gâcher le tableau. Du facile, il ne me semble pas qu'on en ait eu beaucoup. Mais là , enfin, ça change.
Un truc de fou. La descente vers Ste Engrâce est, objectivement, facile. On se demanderait même si on est sur le bon chemin. Je suis seul. Je me paye du bon temps. Arrivé vers les gorges de Kakouetta, j'avise un buvette. Son tenancier est super sympa. Je lui commande 3 esquimaux et 2 sodas. Je remplis mes bidons. Je lui demande s'il pense qu'à Logibar, on peut manger-dormir. Il me répond que oui. Ah, ça s'annonce bien.
La montée est sobre et efficace. Je croise une vache morte. Elle est bâchée. C'est sinistre. Arrivé au col, je téléphone au gîte à Logibar. Car oui, les amis, j'ai sur mon road-book non seulement la liste de tous les refuges que j'ai pu glâner dans les topo-guides et qui m'ont paru pertinents, mais j'ai aussi leur numéro. Ah ah, non mais, moi aussi, je sais m'organiser ! Il est 18h00. En temps de rando il faudrait 4h00 pour rejoindre le gîte. Je me dis qu'en 3h00 ça devrait le faire. J'annonce donc mon arrivée pour 21h00. Le restaurant sera fermé mais la patronne me propose un plateau repas. OK, mais mettez-m'en deux s'il-vous-plaît, j'ai faim ! Un peu surprise, elle est d'accord.
Et donc je file plein pot vers mon dîner et mon lit. Plein pot, tout est relatif, mais ça va quand même, j'avance. Petit moment de doute quand je vois "Retour Logibar" fléché derrière moi. Je prends le temps de sortir la carte, fais le point 5 minutes. Non, c'est bon, c'est bien tout droit. Je goûte la passerelle d'Holzarté avec ses promeneurs qui y font les clowns, croise des dames avec une petite fille qui profitent de cette belle soirée d'été au bord d'un chemin ombragé.
Et j'arrive au lieu-dit Logibar, 21h30. Là , je dis bonjour à la patronne, charmante. J'enlève mes pompes. Mes chaussettes. Le pansement de l'orteil part avec. Et l'ongle aussi. Enfin, à moitié. Je suis obligé de terminer le boulot avec mon Opinel (gagné au Grand Raid 73 !). Il y a quelques semaines je pestais contre la liste du matériel obligatoire et ce fameux "couteau" dont je ne voyais pas l'utilité. En vérité, une fois que j'ai compris que la place du couteau, c'est dans la trousse à pharmacie, tout est devenu logique. Il sert à couper l'élasto, à fignoler les ampoules, et, à l'occasion, à détacher les ongles récalcitrants. Je m'excuse auprès de mon hôtesse, mais cette dernière m'avoue que depuis 28 ans, des pieds de randonneurs, elle en a vu défiler... Après tout, c'est logique.
Les plateaux repas sont délicieux. Copieux, mais j'ai quand même bien fait d'en prendre deux. Je réserve un petit-déjeûner, prends une bonne douche, et direction le dortoir. Là , il y a déjà un traileur. Je n'ose donc pas brancher mon réveil "James Brown One-Two-Three-Four !" et part donc sur la sonnerie de ma montre, que j'attache astucieusement sur mes branches de lunettes, pour être certain qu'elle me sonne dans les oreilles. Une fois à deux heures, une fois à deux heures trente du matin.
Mardi 2 août 2016 - J+14
Réveil à 5h30. Les deux sonneries ont sonné dans le vide. Putain merde je suis furax ! Le traileur est parti, il n'y a plus personne, j'ai dormi pendant 7 heures et demi. Non mais hé ho ? 7 heures et demi ? J'ai de quoi m'offrir ce luxe moi ? Et dire qu'hier je me suis fouetté pour descendre le plus vite possible, je me dépêche et me grouille depuis plus de 10 jours pour quoi ? Pour dormir comme un loir parce que je suis incapable de mettre en place un réveil ?
Bon, règle numéro un : ne pas s'énerver. Après tout, il nous reste 150 bornes à faire, j'ai perdu 4 heures, et peut-être même que 3 car, il faut le reconnaître, après cette interminable nuit, j'ai une patate du feu de dieu, je me sens tout neuf. Allez Christian, file, c'est ce que tu as de mieux à faire.
J'engloutis mon petit déjeûner et repars sur les sentiers. Même plus besoin de faire des pansements sur mon orteil, maintenant que l'ongle a foutu le camp. Et hop, 10 minutes de gagnées ! Très bonne adresse Logibar, j'y reviendrai avec plaisir.
La montée vers les châlets d'Iraty se fait sans histoire. C'est particulièrement joli par ici. La végétation pique un peu et quelques zones de bouillasse pimentent l'exercice, mais j'en garde un bon souvenir. Je garde aussi un souvenir assez surpris de ce grec (pas le même qu'au Vallier, là c'est un autre) qui avance en sens inverse. Je mets du temps à percuter. Non mais si, oui, j'ai déjà vu cette tête quelque part. Et puis l'équipement... Mais non, je n'ai pas rêvé, il était bien sur la course, et bien en sens inverse. Mystère...
Arrivé au CP19, je raconte l'anecdote. Et on le voit repasser dans l'autre sens 20 minutes plus tard. Curieux le gars, 800 bornes ça doit pas lui suffir, il a besoin d'un peu de rab' peut-être ?
Partant après lui après m'être copieusement rassasié, je le rattrape à un carrefour où il semble perdu. Niveau orientation, on était au plus simple, genre suffisait de continuer tout droit après avoir traversé la route. Je me dis que doué comme il est pour trouver son chemin il doit avoir une caisse d'enfer, mais non, même pas, je le dépose en quelques kilomètres. Hum.
Et là , je vais vous dire un truc, je suis heureux. Je suis heureux car depuis quelques temps le parcours est facile que c'en est presque insultant. Limite roulant, on dirait. Je pense à tous ceux qui ont abandonné dans l'Ariège avec les pieds pourris, s'il nous voyaient gambader au milieu des prés sous un soleil bienveillant, ils seraient jaloux, voilà tout, et ils auraient bien raison !
Cerise sur le gâteau, Valérie et les filles, qui sont en ce moment en vacances à Urrugne, pres d'Hendaye, m'attendront à St-Jean-Pied-de-Port. Tout fini par s'arranger, la perspective de finir est de plus en plus crédible, les conditions de plus en plus faciles, c'est vraiment trop, trop cool.
À Etstérençuby, je fais halte à l'auberge locale et commande 3 poires Belle-Hélène sous le regard médusé du patron et des GR-distes de passage. Oui oui, y'en a une c'est pour moi, et les deux autres c'est pour mes amis imaginaires. Nan, juste une seule cuillère, les amis imaginaires, ils ont pas besoin de cuillère.
Et donc, St-Jean-Pied-de-Port CP20, où je vois, enfin, ma petite famille, à la tombée de la nuit. C'est un soulagement. Je prends le temps de discuter un peu avec elles. Je prends ausis le temps de me gaver de raviolis. Je ne sais pas combien de boîtes de raviolis j'ai bouffé sur cette course, mais ça doit chiffrer lourd. Je laisse mes sandales ainsi que la fiole d'anti-moustiques à Valérie. Trop lourd, et puis je ne m'en sers pas. Les bénévoles sont parfaits, charmants.
Je repars, à la frontable, accompagné par mes proches sur les 500 premiers mètres. J'ai prévu de dormir à St Étienne de Baigorry. Comme ça, ce sera ma dernière nuit, la fin, je ferai tout d'un bloc. La montée n'est pas désagréable, mais encore une fois, dans la nuit, c'est pas toujours évident de trouver sa route. Sur le haut, il y a un peu de brouillard, et encore une fois, merci le GPS.
J'ai du m'arrêter deux fois. Une fois 10 minutes dans un village. Une autre fois 5 minutes sur le bord d'un abreuvoir, en pleine montagne. Je suis dans le dur. Je chante dans ma tête des chansons. Toujours les mêmes. À un moment je mets de la musique sur le téléphone. J'aurais peut-être du prendre des écouteurs. Pas certains. Ce qui est remarquable, c'est que j'ai beau essayer de varier, je me retrouve à chanter la même chose. En côte c'est Thomas Fersen, Croque et en descente c'est Robin Schultz, Sugar et faut pas me demander pourquoi, c'est comme ça. Je suis capable de chanter et/ou d'écouter la même musique pendant des heures. Des jours.
Le grec a du me doubler pendant mes pauses. Je ne vois pas d'autre possibilité car parti une heure après mois de CP20, il est une demi-heure avant moi à CP21, et je n'ai jamais vu aucune frontale dans la nuit, ni derrière, ni devant. Le plus surprenant, c'est que lorsque je le croise c'est, comme aux Chalets d'Iraty, en sens inverse. Il descend du CP et remonte vers l'arrière du parcours. Il m'explique qu'il va dormir. J'ai pas tout compris, je ne suis pas certain de vouloir vraiment tout comprendre.
Dans l'ensemble, j'ai pas chômé. Le fils de François, qui se réveille à CP21 au moment où j'y arrive, me fait la remarque : "dis-donc Christian, t'avais l'air perdu à l'arrière, et puis là , tu reviens". Bah ouais hein, logique, si le terrain est facile et qu'on s'approche de la fin de la course, c'est normal, je remonte, c'est mon fonds de commerce.
Mercredi 3 août 2016 - J+15
Super accueil à ce CP21, j'y dors comme un bébé. J'aurais pu repartir au bout d'une heure trente ou deux heures, au lever du jour, mais je préfère consommer mes 3 heures de pause et je somnole jusqu'à 8 heures du matin. Du coup, un petit groupetto, avec Paolo, Charles, Roberto, Vincent, m'a rejoint.
Je repars seul et gonflé à 100kg mais au bout de 20 minutes un doute m'envahit. Dis-voir, tu serais pas un peu con, Christian, d'avoir remplit tes gourdes seulement aux 2 tiers (2 litres sur 3) alors qu'un cagnard de fou s'annonce et que manifestement, les ruisseaux, y'en n'a pas beaucoup dans le coin. Un moment j'imagine faire demi-tour. Oh et puis zut, crotte, je file.
En chemin, je constate qu'il fait bien chaud. Ça cogne, y'a pas beaucoup d'ombre, et pas beaucoup d'eau. J'économise. Un promeneur m'informe qu'il y a une source 300 mètres (de distance, pas de dénivelé) pas loin en contrebas sur la gauche. J'hésite. Une fois sur place je commence à descendre 50 mètres puis revient sur mes pas. Allez, j'ai un bidon plein encore, ça devrait tenir. Un coup de cul, une grosse descente, et c'est marre.
Et, de fait, ça passe. Je pense que j'ai toujours eu trop d'eau sur moi. À vue de nez 2L suffisaient, les 3L que j'avais prévus étaient surtout pilotés par la peur. En faisant le plein à chaque CP, avec du micropur et en étant vigilant quand ça cogne, j'aurais pu gagner 1kg en moyenne sur mon sac pendant tout le parcours. Facile à dire, après.
Et donc, CP22, Bidarray, c'est la cloche, je dernier CP avant le grand tout-droit jusqu'à la fin. Je prends une bonne douche, déguste mes ultimes raviolos. Sur le papier y'a un peu de friture dans les kilomètres à venir, puis du plat entre Ainhoa et Sare, et un coup-de-cul final. Bon bon bon bien bien bien.
En sortie de Bidarray, surtout, je vois des baigneurs qui profitent du soleil dans les gorges, c'est juste d'une insolence incroyable, tous ces gens qui se reposent, profitent de la vie et se payent du bon temps en famille. Attendez que ça soit mon tour, bande de petits salopiauds !
La côte qui suit est, pour le moins, athlétique. Diantre, on fatiguerait presque. Je crois bien qu'à certains endroits il y avait même des bouts de corde. Et puis le parcours redevient simple. Je me paye un sandwich et un soda à la Venta Burkaitz, me paume un petit peu je crois, et passe un très bon moment à surfer sur une magnifique crête en attendant le prochain col.
Je dîne à Ainhoa dans un bar très sympa, les clients m'ont reconnu "vous faites le trail ? Ouais, dossard 104 !". Ils m'applaudissent, m'encouragent, c'est très bon enfant.
La nuit tombe, le parcours est de plus en plus simple. Je marche à fond de train, sans courir je garantis un bon 6 km/h de moyenne, ce qui n'est pas si mal, et surtout je ne fatigue pas du tout. Je continue à faire des erreurs mineures d'orientation, mais rien de grave. Je profite d'un dernier bar ouvert en fin de soirée pour faire le plein de coca et de café bien fort.
Jeudi 4 août 2016 - J+16
Et puis j'entame ce dernier coup-de-cul, comme je dis si bien, avant Hendaye. Sur le papier, ça n'a pas l'air bien sorcier. Ça monte, ça friture, ça descend, mais comme je fais ça depuis 800 bornes, ce sera une formalité. Ça, c'est la théorie. Maintenant, la pratique.
Le terrain, donc, c'est : forêt, pluie, brouillard, fatigue. On n'y voit rien. Ça glisse. Et ça monte pas franc du collier. Ça montouille, ça redescend un peu. Et j'avance pas. Par moment il pleut franchement. Tout me rappelle la galère du troisième jour. Avec un petit après-midi gazouillant, ce passage serait une formalité. Mais en pleine nuit, avec les lunettes couvertes de gouttes, cette humidité omniprésente, et un horizon qui plafonne à 3 mètres cinquantes devant moi, c'est un vrai carnage. Pourtant j'étais bien parti, j'avais la gouache des grands jours. Mais une heure, deux, trois heures passées dans cet enfer humide ont raison de ma joie de vivre. J'avance comme un boulet, je pousse sur mes pieds, sur les bâtons, je pousse de partout. Et je tombe, je me casse la gueule, je paume ma route, j'hésite, je ne sais pas. À un moment je me réveille debout sur mes bâtons, en pleine forêt. Je me suis endormi sur place. Il faut que je sorte de ce traquenard.
Au détour d'une descente, peu avant Ohlette, je croise une coureuse, Jan, une Australienne, qui campe. Elle m'interpelle. Elle a l'air un peu à côté de ses pompes mais je ne vaux probablement guère mieux. Au moins, elle dégage un optimisme rare. Elle a dormi 3 heures, elle veut profiter de ses 22 derniers kilomètres. Je la comprends, faire une pause au milieu de ce merdier, ça permet d'y échapper, au moins temporairement. Ironiquement, elle a la même tente que moi. La mienne est dans mon sac, à l'arrivée. J'apprendrai plus tard que Jan participe à la Pastourale. J'espère qu'elle a apprécié la ballade.
Je traverse Venta d'Inzola. C'est lugubre, tous ces magasins fermés, sur le bord d'un rond-point ovale en pente à 15%. Encore une fois cette impression de déjà vu, comme aux Granges d'Astau. Comme par hasard, c'est toujours quand je suis au bout du rouleau que je crois être déjà passé par là ... Les piles du GPS en profitent pour rendre l'âme. J'ai de la chance dans mon malheur, j'ai des bancs pour m'asseoir et changer les piles, à l'abri de la pluie. Chaque médaille a son revers.
Et je repars. Je n'ai plus qu'une misérable montée de 400 mètres à faire. Une paille. Sauf que j'avance à 2 à l'heure, que dis-je, à 1 à l'heure car je vois tout juste mes pieds, donc trouver le chemin relève de l'exploit. J'arrive à le perdre et le retrouver 5 mètres à côté, sauf qu'à 5 mètres, je ne vois rien.
Sur le coup de 5h30 du matin, lassé de lutter contre la nuit, je me pose dans l'herbe humide, vaincu, et comme dans le pierrier de la descente de Madamète, j'attends juste, en somnolant, que le jour se lève. Je suis cuit, recuit, foutu. Enfin le jour arrive péniblement, et à force de descendre, je sors du nuage. Ouf. Cela ne m'empêche pas de me planter de parcours une ultime fois et de faire un détour qui permet à Jan de revenir sur moi, mais au moins, je vois Hendaye, trouver le chemin ne s'apparentera plus à un jeu de piste : on en voit le bout !
J'avais rêvé la mer vue de loin depuis un sommet, des images d'Épinal avec la montagne en vert et la mer en bleu. J'ai eu droit à de la boue, des cailloux glissant, du brouillard, et des gamelles tout seul dans les bois.
La toute fin du parcours me paraît in-ter-mi-na-ble. Je force l'allure pour abréger la galère. J'ai vendu à Valérie, mon épouse, et Karen, une copine du Parc Montceau en vacances dans le secteur, une arrivée entre 8h15 et 9h30, et par moments j'ai l'impression que ce sera 10h45... Au final, je franchis l'arche à 9h10. Je crois que j'étais trop sonné pour profiter de la mer, de l'arrivée. Je me suis laissé surprendre par ce "final". Qui a manifestement moins dérangé mon ami le grec, Sakis Malamidis, arrivé 5 minutes devant moi. Bizarrement, je ne l'ai pas croisé en sens inverse sur le parcours, c'était presque devenu une habitude.
Juste un mot sur les pieds : beaucoup ont abandonné à cause d'ampoules, d'ampoules infectées. Je le dis et je le répète : pour finir dans les temps, pas besoin de courir très souvent. Donc, mon point de vue hyper tranché : il vaut mieux des pompes de rando que des chaussures de trail "classiques". Au pire vous aurez à vous traîner des chaussures lourdes dans les quelques malheureux tronçons de bitume et/ou de piste hyper facile. Pour le reste votre pied est protégé, à l'abri, y compris la cheville, la maléole. L'avant du pied est préservé, vous êtes moins souvent mouillé. Bref, pour les Pyrénées, mieux vaut des chaussures de montagne que des chaussures pour courir sur les sentiers. Je radote, hein ? Méfiez-vous tout de même, les chaussures hautes ont tendance à causer des ampoules sur les talons. Expérience personnelle. Pour mitiger ce point, je me suis habitué, pendant plus d'un an (depuis mon inscription en fait...) à marcher et courir avec des chaussures montantes. J'ai même couru un marathon avec. Une fois habitué aux chaussures, sachant que ces chaussures sont habituées à la montagne : le tour est joué. Si vous avez le pied montagnard et que vous courez des pierriers toute l'année, mon conseil ne s'applique pas. Si en revanche, l'Ariège représente pour vous un "changement de terrain", pensez-y...
Et maintenant ?
Physiquement, je suis surtout fatigué dans ma tête, et d'ailleurs les jours suivants la course, c'est sieste sieste et re-sieste. J'ai perdu 5 kilos. Et j'ai les jambes vidées, et des douleurs aux pieds, genre "hé mon couillon, t'as pas intérêt à nous faire subir ça trop souvent, parce qu'on va se mettre en grève, et tu vas prendre cher !". Mais musculairement, je suis beaucoup moins attaqué que sur un 6 jours sur circuit, par exemple. Aucune douleur musculaire, rien, nada. Je crois que de toutes façons, le trail c'est pas mon truc. Je n'arriverai décidément jamais à "me lâcher" dans la montagne. Peut-être est-ce par prudence. Auquel cas tant mieux, je préfère être lent et vivant que rapide et mort. Je crois surtout qu'on peut pas être fort partout et que je dois laisser cette discipline aux spécialistes. Moi j'y fais du tourisme en profitant de ma bonne endurance, c'est tout bénèf pour moi, et tant que ça fonctionne, je continue.
On me donne un trophé en bois, une médaille en pierre, une tape dans le dos, un sourire, bref, les fondamentaux. Tout ça pour ça ? On dit souvent que l'important, ce n'est pas le but, c'est le chemin. Vous l'avez vu, le chemin ? Vous vous rendez bien compte ? 16 jours sur le terrain ? Dont 20 heures par jour éveillé, à chercher à avancer, coûte que coûte ? Un des déclics, pour moi, en ultra, ça a été de voir des types franchir la ligne d'arrivée de L'Embrunman. En voyant ces personnes je me suis dit "je veux être là , je veux savoir ce qu'ils ont vécu". Je pense que si j'avais vu des gens franchir l'arrivée de la Transpyrénéa, je me serais dit "je veux être là , je veux savoir ce qu'ils ont vécu". Et l'ayant fait, je peux vous garantir une chose, sans hésiter : ça en valait vraiment la peine. Sans aucune forme d'hésitation, vraiment.