CR Mandala Mont Blanc

Vendredi 16 juillet 2021

Bon alors, le Mandala Trail Tour du Mont Blanc (tm) (c), c'est quoi ?

En vrai, je ne suis pas certain de bien pouvoir vous l'expliquer. Wikipédia nous dit que : Mandala est un terme sanskrit, en tibétain, signifiant cercle, et par extension, sphère, environnement, communauté.

Moi je croyais que c'était les rosaces qu'on coloriait pour se détendre. Merci Internet, je suis peut-être un peu moins stupide maintenant.

La flotte, la flotte
700 bornes de side-car pour venir. 650 bornes de flotte.

Mais venons-en aux faits : en ces temps troublés où il est très compliqué d'organiser des courses, et encore plus compliqué de voyager, le fort sympathique Bruno Poirier, qui a à son actif des tonnes d'ultra et des wagons de courses organisées dans l'Himalaya ou ailleurs, a décidé d'organiser un "événement" où on fait le tour du Mont-Blanc, en courant, en marchant, en prenant la variante qu'on veut.

J'ai eu vent de la chose via les réseaux sociaux, j'ai pointé le bout de mon nez, et hop, ça s'est joué comme ça. Mais, me direz-vous, le tour du Mont-Blanc, c'est pas l'UTMB ?

Oui, mais non. Le GR TMB existait bien avant l'épreuve de trail. Et il fait plus de 200 bornes si on prend les variantes rigolotes. Ce que propose Bruno, c'est de le faire, en deux jours, à une allure rando-course, et en semi-autonomie, comprendre "il y a deux points d'eau, un à Courmayeur, un à Champex, et vous pouvez laisser un drop bag, pour le reste, ch'suis pas ta mère, vous vous débrouillez". On nous a laissé une trace GPS je crois, mais je me suis préparé au dernier moment et j'ai téléchargé la première que j'ai trouvée sur Internet.

Au menu, 151 km, 8000 m de D+, donc un peu moins que la course "officielle" ou le GR "traditionnel".

Première étape, se rendre sur les lieux du crime. Départ à Chamonix, donc. J'ai décidé, pour l'occasion, qu'avec Valérie on allait se faire un week-end en amoureux. Le plan:

  • mercredi 14 juillet, on fait Argenteuil -> Dijon en side-car. On dort à Dijon.
  • jeudi 15 juillet, on fait Dijon -> Chamonix. Je récupère mon dossard, on dort à Chamonix.
  • vendredi 16 juillet, je prends le départ, Valérie télétravaille à l'hôtel
  • samedi 17 juillet, je termine le parcours, Valérie profite de Chamonix, on se fait un gros resto le soir
  • dimanche 18 juillet, Valérie rentre en train, je profite un peu de la montagne.
  • lundi 19 juillet, je vais jusqu'en Bourgogne en side-car
  • mardi 20 juillet, fin du trajet, retour Paris.
Le calme
C'est tranquille, champêtre, ça monte pas trop. Quand on vous dit que c'est un boulevard, l'UTMB !

Franchement, ça avait l'air parfait, ça faisait road-trip en amoureux, un peu de montagne, c'était le plan idéal.

Sur le terrain, ça a été différent. Le 14 juillet, on a eu 50 km de temps grisâtre, pas dingue. Et puis 300 km de flotte.

Le lendemain, pareil, de la flotte, de la flotte, de la flotte. On est arrivés trempés, j'ai même terminé en prenant l'autoroute, ce qui est une hérésie quand on roule en URAL.

Tellement il faisait beau, la veille du départ, je suis allé acheter en catastrophe une doudoune supplémentaire, me disant que merde, il allait pas faire chaud, là haut.

Frédéric
Frédéric, que j'avais rencontré à la Transpyrénéa en 2016.

Enfin bref, le vendredi matin, on se donne tous rendez-vous bien tôt en centre-ville, et c'est parti ! Niveau équipement j'ai pris un sac militaire de 45 litres, poids à vide 1,9 kg. C'est lourd, c'est bourrin, mais c'est très confortable, ça ne se déforme pas, et on peut mettre plein de trucs dedans.

Entre autres accessoires, j'ai plusieurs lampes, une carte de la région, une boussole, un GPS qui fonctionne avec des piles *ET* des piles de rechange, et un tas de vêtements chauds y compris des gants, un bonnet... Ils ont annoncé, à la météo, en haut du Ferret, pour ce soir, quelque chose du genre "3 ou 4 degrés, vent fort, ressenti 0 degré".

Je ne suis pas là pour faire une performance, je suis là pour terminer le tour, à mon rythme, et j'ai pas envie de souffrir.

Tranchée
C'est bon, l'aménagement est fait, manque plus qu'une rembarde en métal et un peu de béton dans le fond, et on est bon.

Dès le départ, je trouve que tout le monde va très vite, mais c'est normal, en trail, je suis une bouse, je n'avance pas. Dont acte. Je laisse donc tout ce beau monde partir devant moi, ils doivent être deux ou trois derrière, mais c'est tout. Le serre-file, c'est ce bon vieux François Navarette, toujours dans les bons coups apparemment. Et bon devant y'a pas non plus une foule de malade, on doit être 30 ou 40 max, donc c'est tranquille.

Assez rapidement je me mets en couple avec Frédéric, que j'avais rencontré à la Transpy en 2016 . On discute, on cause. Et heureusement que j'ai une trace GPS, parce que de nuit, avec une légère bruine, et avec juste le marquage du GR, je crois qu'on se serait paumés 10 fois. Je ne suis pas du coin, j'ai du passer par là en 2006 mais c'est à peu près tout.

On avance tranquillement, et puis on rencontre un peu de monde. Au lever du jour, il n'y a quasiment personne sur le GR. Les randonneurs doivent être en train de prendre un petit-déj quelque part, impatients de se faire rincer et de tâter de la boue et de la grisaille.

Nous ne sommes pas vraiment concurrents, je ne sais pas trop s'il y a un classement, en tous cas j'ai fait la connaissance de Nono (j'ai oublié le prénom de son compagnon de route...) et puis le temps a finalement passé très vite.

Le meilleur, dans cette affaire, c'est qu'en partant le matin, on fait tout le versant sud du massif de jour. Et c'est superbe. Le départ le soir de l'UTMB, c'est bien pour le spectacle car ça permet aux premiers d'arriver le soir au moment de l'apéro. Mais en terme de gestion de course, pour un traileur moyen comme moi, partir le matin, c'est infiniment mieux. Au final, j'aurai vu une partie du massif du Mont-Blanc de jour lors de ma participation officielle à l'UTMB en 2006. Et l'autre partie pendant ce Mandala.

Au gré des chemins, on croise d'autres participants. Je me rappelle avoir beaucoup discuté avec Anne Catherine. J'ai souvenir d'avoir entendu des histoires incroyables, 24 heures sur un rameur... Non mais sans déconner, les gens sont pas raisonnables.

Et de fil en aiguille, on se rapproche de Courmayeur. Alors pour être honnête, j'avais un vague souvenir que le parcours de l'UTMB se découpe en trois parties, Chamonix-Courmayeur, Courmayeur-Champex, Champex-Chamonix. Et dans ma tête c'était vaguement 3 parties égales. C'est pas vraiment ça. Entre Chamonix et Courmayeur, y'a une sacré trotte, bien plus que les 50 ou 60 km que j'avais imaginés. C'est tout moi. J'ai emmené une carte dans mon sac, mais je ne l'ai pas regardée, pas même dépliée.

Sur la dernière descente vers Courmayeur, nous sommes un groupe de 7 ou 8. Je connais finalement assez bien le coin car je suis parti en vacances en Italie au printemps 2019. Bien meilleur choix que d'y aller au printemps 2020. Parfois, j'ai de bonnes intuitions. Enfin voilà, descente par les pistes de ski, pas fou fou comme terrain, mais on est contents d'arriver.

Je me pose la question de la suite, et surtout du ravitaillement, car j'ai une faim de loup, et je crois que le contenu de mon drop-bag est un peu... léger. Fort heureusement, il y a une petite fiesta organisée par un bistrot dans Courmayeur, côté sud, justement, vers les pistes de ski, et c'est ouvert, et ils font des sandwichs, et c'est trop bon. La dame met un certain temps, pour ne pas dire un temps certain, à préparer nos sandwichs. Frédéric s'est joint à moi dans cette orgie de délices italiens.

Le temps de rejoindre la "base vie", le jour commence vraiment à tomber. Et là l'ambiance, c'est un peu "fin du monde". Entre ceux qui avaient prévu d'arrêter là, ceux qui pensent qu'ils n'auront pas la caisse pour finir, ceux qui... Bon on va faire court, je suis reparti tout seul. Un truc de dingue, on devait être presque 10 là-dedans, et je repars seul.

Je sais qu'Yvonnick est à l'arrêt de bus, attendant le car pour Chamonix. Je le connais un peu, je pense qu'il est corruptible, si je trouve les bons mots, il repartira peut-être avec moi. Mais je ne suis pas à la hauteur de l'enjeu. Une grosse flemme m'envahit. Je n'ai pas le courage de faire le détour d'à peine 200 mètres pour passer devant l'office du tourisme. J'apprendrai plus tard qu'effectivement, si j'étais passé le chercher, il serait peut-être venu me tenir compagnie.

Mon plan maintenant est assez simple. Sachant que, reconnaissons-le, on a beaucoup causé tricot entre Chamonix et Courmayeur, et qu'il est maintenant assez tard, il faut que je trouve un moyen de "gagner du temps". Sur les conseils avisés de bénévoles et compagnons de routes à la base vie, je vais couper par le fond du Val Ferret. Je ne ferai donc pas la montée vers Bertone puis Bonatti, en même temps je l'avais faite en double lors du Tor des Géants 2011 donc ça compense.

La Suisse
Aménagement du meilleur goût dans un jardin, en Suisse.

Et donc je m'enquille, Ô joie, le fond du val Ferret, de nuit. C'est pas vilain. Mais c'est un peu long. De la route. J'aime bien ça, la route, c'est zen, on ne se pose pas de question, pas de doute sur "oh, vais-je me prendre un caillou ?". Non, rien de tout ça. À peine de temps en temps une voiture qui passe, quelqu'un qui revient d'un restaurant.

Et la nuit avance, et moi aussi. J'ai bien remarqué, quelque part sur ma droite, loin dans la montagne, une petite loupiotte. Ça doit être quelqu'un de chez nous. Personne n'irait se balader comme ça, la nuit, sans raison, sur ce chemin. Si je ne traîne pas trop, on pourrait bien se croiser !

Et ça marche, alors que j'arrive enfin au bout de la route, je rencontre Dominique. Comme un idiot je lui ai fait un peu peur en lui disant bonjour à la cantonade, avec une voix bien trop forte pour cette nuit silencieuse. Elle va pour repartir, mais je préfère m'arrêter un peu. Je dois boire un coup, manger, ajuster deux ou trois trucs au niveau de mes habits. Bon bref, elle part, et je verrai bien si je la rejoins ou pas.

Et donc, j'attaque la montée. Au début je vois parfois sa frontale, de loin, et puis elle disparaît définitivement. C'est désert, le Grand Col Ferret. Et surtout, cette montée est un brin dangereuse. Je comprends pourquoi l'UTMB passe ici en août et pas en juillet. En effet, il y a encore quelques beaux névés. Et si on laissait 5000 gaziers passer dessus, la question ne serait plus "est-ce que le pont de neige va casser ?" mais plutôt "sous qui le pont de neige va-t-il casser ?"... Avec à la clé une bonne petite dégringolade. Donc, je suis prudent, j'utilise mes magnifiques bâtons jaunes, pas télescopiques du tout, mais très solides et très pratiques.

J'arrive même à perdre le chemin, dans cette montée, à cause de la bruine et du brouillard peut-être. Je n'y vois pas grand chose. Le GPS m'aide mais j'ai réussi à perdre le chemin, sûrement en le confondant avec une trace d'animal, et je me retrouve à tracer tout droit dans le pentu, à me servir de mes mains pour m'accrocher tant bien que mal à l'herbe ou aux quelques rochers qui affleurent, et ne pas glisser. Saleté de chemin va. Enfin je suis à nouveau sur la bonne trace.

Et que vois-je en arrivant en haut ? Une frontale ! Dominique est là, à m'attendre dans le noir et le froid, exposée au vent. Elle m'explique qu'elle a un doute sur la route à prendre. C'est vrai que vu la visibilité et la gueule des panneaux, on pourrait se gourer. Un coup de GPS et hop, nous sommes partis.

Dominique
Dominique, qui m'a accompagné du Grand Col Ferret jusqu'à l'arrivée.

On a causé de choses et d'autres dans cette descente, et on a même rencontré d'autres personnes dans le fond de la vallée. Ils se sont arrêtés un peu, j'ai pas bien compris leur délire. On a parfois des petites différences au niveau du choix des itinéraires, des détails on va dire, mais nos chemins se croisent.

Dans l'ensemble, on fait plutôt une bonne équipe avec Dominique. Elle est plus volontaire que moi sur l'aspect "avancer vite". En revanche j'ai un peu mieux géré le matériel, l'orientation, et je pense que je suis mentalement moins fatigué, donc au final ça se compense.

Elle semble convaincue que la route que je choisie n'est pas la bonne. Mais j'insiste. Le marquage dit "c'est par là, TMB". Le GPS dit "c'est par là, TMB". Donc, on va par là. Au final on a bien suivi l'itinéraire que j'avais prévu. Peut-être pas la vraie variante de l'UTMB mais en tous cas, on arrive à Champex sans encombres, et cerise sur le gâteau, il fait jour. Bruno et ses amis ont même balisé les derniers 100 mètres, c'est royal.

Bovines
Le haut de Bovines, je crois. En tous cas y'a des jolies meuh meuh.

Une fois à la "base vie" qui est en fait un garage, je change mes chaussettes, bois un coup, mange, et c'est reparti !

Au fond, ces bases vies n'étaient même pas indispensables, car sur le trajet du TMB il y a des villages un peu partout. Entre les Houches, les Contamines, Courmayeur, La Fouly, Champex, Triel, et j'en passe, il y a toujours moyen de trouver une épicerie, un bistrot, une boulangerie, n'importe quoi, mais c'est vraiment pas compliqué de se ravitailler. Et pour les chaussettes de rechange, d'une part sur 2 jours c'est même pas indispensable, et d'autre part au pire, c'est pas si lourd au fond du sac.

Mais j'étais quand même bien content de voir du monde, et la compagnie de Gildas et des autres était très agréable, et appréciée.

Mais je note l'idée, Tour du Mont-Blanc, ça se fait facilement en "mode l'arrache" avec un bon sac et des bonnes jambes, sans assistance extérieure.

La der des der
Dernière côte, de l'autre côté, ça descend.

Et donc nous restons ensemble avec Dominique. On monte Bovine, de jour avec des jolis petits nuages et un peu de soleil, c'est beaucoup moins impressionnant que quand j'y étais passé, de nuit sous des seaux d'eau. Je crois aussi que j'ai un peu plus d'expérience en montagne, et bon, ça n'est jamais rien qu'une montée vers les pâturages.

Il commence à faire chaud sur le coup de midi, on n'avait presque oublié que c'était l'été. On a à nouveau rencontré du monde, qui fait le Mandala avec nous. On fait toute la dernière montée avec une équipe de 4 ou 5 personnes.

Et puis en haut, avec Dominique, on file et on prend le large, direct sur la descente. Elle, je crois qu'elle est pressée parce que, par esprit de compétition ou par coquetterie, elle veut faire un temps correct. Moi j'ai surtout envie d'arriver assez tôt pour dîner au restaurant avec Valérie. Alors on trace.

Dans la dernière descente, j'en ai chié pour la suivre, Dominique. Elle cavale, et moi j'ai soif et je voudrais boire un coup, mais mon sac avec les gourdes attachées sur le devant ne me permet pas de boire en me déplaçant. Alors j'ai soif. J'ai faim. J'en peux plus ! En même temps, tous ces km faits sont faits et bien faits, et ils nous rapprochent de l'arrivée.

Argentrail
Argentières, Argenteuil... Argentrail quoi !

Arrivée qui donc, nous tend les bras après une longue marche à fond de vallée. On n'a pas fait toutes les variantes bizarres, on est juste rentrés tranquillement en prenant les chemins de promenade le long de l'Arve. C'est bucolique en cet après-midi, il y a des promeneurs, des familles, tout le monde est de sortie.

Dominique a tout un fan club qui l'attend, ça a de la gueule. Je suis bien content d'avoir bouclé cette boucle. Une aventure pas trop engagée, mais rigolote quand même, avec des rencontres, un peu d'imprévu, de la pluie, du soleil. Que demander de plus ?

Et j'ai même gagné un cadeau dans la bataille. Indice : Dominique et son mari sont producteurs de champagne.

Retour sur 3 roues
Et au retour, soleil pétant, temps parfait, tout nickel.

Et donc on a ensuite rendez-vous au QG de la course pour un petit apéro tout ce qu'il a de plus simple et efficace. Le village gaulois qui se réunit après la victoire. Bon sauf qu'on n'a pas vraiment mené de bataille, tout ceci était fort pacifique, et le barde Assurancetourix n'était même pas là.

S'en suit un énorme gueuleton au resto avec Valérie, comme quoi, tout finit par s'arranger.

Ironiquement, mon retour (solo) en side-car se fera sous un soleil pétant. La pluie, c'était juste pour Valérie lors du trajet aller.

Encore merci à Bruno et à tous les autres d'avoir mis ce truc en place. C'était trop bien.

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Mis à jour le mercredi 09 février 2022.