CR Transpyrénéa - Étape 2, Merens - Luchon

Et parce que j'aime pas faire comme tout le monde, je pars en sens inverse. Je veux dire : la plupart des coureurs font demi-tour et reviennent sur leurs pas. Je commence à faire cela, mais m'aperçois que la trace GPS indique une possibilité de continuer tout droit, en prenant à gauche en sortant du camping. Comme, psychologiquement, je n'aime pas faire demi-tour, après 500 mètres, je décide d'opter pour cela. J'ai dézoomé la trace GPS et grosso-modo elle fait quelques lacets sur une route forestière, j'imagine qu'elle rejoint bientôt le GR. J'imagine. Et c'est là que ça part en cacahuète... Une dame m'interpelle "vous faites la course, hé, c'est pas par là". Je lui dis que je sais ce que je fais, et patati et patata.

En l'occurrence, la trace GPS suit une route forestière. Puis cette route devient un chemin. Un chemin balisé en jaune. Et qui ne rejoint pas le GR tout de suite. Non, pas vraiment. Je sens confusément que je suis dans la bonne direction. Je ne doute pas qu'à un moment, je vais rejoindre le GR pour de bon. Mais ce moment tarde. Le balisage jaune n'est guère meilleur que celui du GR. C'est spartiate. Et puis surtout c'est boueux. Et il pleut. J'ai enfilé le poncho. Il pue le plastique neuf. C'est détestable. Je transpire en dessous. Horrible. Bordel, mais pourquoi on est obligés d'avoir ce putain de poncho de merde, ma bonne Gore-Tex de compétition me manque. Ça et un sur-sac, j'aurais eu le même niveau d'étanchéité, sans les inconvénients. Et poncho + Gore-Tex, c'est simple : c'était trop lourd. Donc quand il pleut, j'ai pas le choix, c'est poncho. Je trouve mon rythme, je pends mon road-book au col du poncho, et j'arrive à glisser le GPS dans la poche du devant, tout en le laissant attaché au sac derrière. La trace GPS est on ne peut plus floue, je cherche mon chemin, j'ai de la buée sur les lunettes, y'a de la bouillasse de partout, mes pieds sont en train de se tremper. On va dire que la fête commence pour de bon.

Après avoir perdu du temps sur plusieurs fausses traces, je finis par comprendre que le GR est en fait sur l'autre rive du torrent que nous remontons. Et la jonction va s'effectuer dans le plat qui suit le verrou rocheux, aux alentours de 1600 mètres, un grand classique. Bon, top. La traversée du cours d'eau s'effectue sur un long et, malheureusement pour moi qui n'ai pas le pied très montagnard, délicat passage avec des pierres qui affleurent à la surface. Enfin, je suis du bon côté ! Je récupère le GR. J'ai bien du perdre une heure ou deux avec ma route alternative, m'enfin au moins, je suis à nouveau en piste. Et là, bim, nouvelle erreur d'orientation, je loupe le chemin qui monte sur la droite et m'engage dans celui, beaucoup plus simple, qui circule à fond de vallée. Encore une bonne demi-heure de perdue. Et je me re-perds à nouveau en partant du refuge du Ruhle, pour X raisons je jardine pendant 30 minutes avant de trouver le bon chemin. Bon, c'est la vie.

Culture locale
Les cailloux, ça pousse bien, par ici.

Ensuite, après une crête pas tout à fait rassurante, on se retrouve sur un grand plateau, qui ma foi doit être top pour faire du ski de fond en hiver, mais là n'est pas la question. On commence à sentir la fatigue chez les concurrents. Il y a un petit groupe devant moi. Je ne fais pas tout à fait la jonction, je vais à mon rythme. Il fait froid. Je vais pour m'habiller plus chaudement et là... nomdoudiou ! Je ne sais pas ce que j'ai foutu à BV1, mais en changeant mes affaires, je me suis stupidement "gourré". Ma "veste chaude" (obligatoire, et pour cause !) est en effet composée de deux éléments, une couche épaisse manches longues noires marquée "UFO", pas étanche, mais vraiment chaude et assez respirante, et une couche fine manches longues aussi, avec capuche, marquée "Tor des Géants 2014" qui fait coupe-vent et protège aussi des petites pluies. Ĺ'ensemble est assez efficace, ça protège du vent, du froid, c'est double couche, en gros ça fait tout sauf la grosse flotte, et pour ça y'a le poncho. Sauf que la couche du dessous "UFO"... je l'ai oubliée à BV1. Comment j'ai pu faire ça ? Acte manqué ? C'est vrai que mon sac était bien léger, mais j'avais mis ça sur le compte de l'échange tente contre duvet. Je suis, comme qui dirait, un peu dans la merde, car t-shirt + goodie Tor des Géants 2014 + poncho, c'est vraiment minimaliste. Je ne suis pas non plus à poil, mais c'est le strict-strict minimum. J'avais besoin d'une 4ème couche, je l'avais prévue, et elle va me manquer. Pour l'instant ça va car on se déplace finalement de manière assez fluide donc la machine chauffe, et il fait encore jour.

Arrive donc le CP6 "plateau de Beille", ambiance huskies et chiens de traîneaux, de quoi se réchauffer l'esprit. Je croise l'organisateur, Cyril Fondeville. Il me demande comment ça va. Je lui réponds par l'affirmative, mais lui mentionne toutefois mon soucis logistique. Et là, le gars, sympa, me propose de me prêter une veste. Je ne dis pas non. C'est ainsi que j'ai bénéficié, privilège remarquable, d'un prêt gracieux du veste "La Pastourale", bleue, taille L, entre BV1 et BV2. Et c'est du bon matos, cette veste. Il m'a sauvé, sinon la vie, au moins la course, le gars Cyril, sur ce coup-là. Heureusement que je suis tombé sur lui. Sans cette veste, j'imagine que j'aurais "géré", mais bon, ça aurait piqué un peu aux entournures. Quelle burne quand même j'ai fait, d'oublier la moitié de mon matos à BV1. Je ferais mieux de faire plus attention, il va m'arriver des bricoles un de ces jours.

Je me restaure copieusement au CP6, fait un large usage des "tickets repas" que je convertis en succulentes lasagnes chaudes. Je fais une petite pause dodo d'une demi-heure dans une tente, afin de bien reprendre des forces avant la nuit, et c'est reparti mon kiki. Je suis seul sur la route, ça me va très bien. La nuit commence à tomber.

Et là, je me retrouve en enfer. Un truc de malade. Je ne sais pas ce qui s'est passé mais petit à petit, la situation s'est dégradée. La flotte. La fatigue. La trace GPS imprécise. Je vois bien que le vrai chemin est à côté. Oui mais à côté comment ? On le voit en pointillé sur le fond de carte du GPS, le tracé officiel du GR10 est en effet disponible sur OpenStreetMap. En théorie, ça ne devrait pas être si compliqué que cela à suivre. J'imagine qu'en plein jour, c'est du gâteau, on peut en faire sa promenade du dimanche. Sauf que là, j'ai les lunettes pleines de goutelettes, il tombe des hallebardes, le moindre petit ruisseau a bien pris du volume, je patauge régulièrement dans 10 à 20 cm d'eau, il fait nuit noire, et, pour faire court, c'est la merde intégrale. J'ai du mal à faire la différence entre les torrents et le parcours, c'est jamais rien que des traces avec des cailloux dedans et de l'eau qui coule. De temps en temps je vois une marque blanche et rouge sur un arbre, mais c'est plutôt l'exception qui confirme la règle. Je navigue au radar, je fais des traversée en mode azimut, au milieu de nulle-part, je me paye des ronces, je fais des glissades sur le dos, sur le ventre, je tombe lourdement en arrière, en avant, me fracasse le thorax sur mes bâtons. Je suis désespérément seul, pas un traileur à l'horizon, de toutes façons dans cette purée de poix, la nuit, on ne voit rien. J'ai limite parfois la trouille lors que je me retrouve à glisser dans le noir sur la boue, me demandant où je vais bien pouvoir m'arrêter. OK, dans l'ensemble la pente semble régulière et on dirait un sous-bois innocent, mais on n'est jamais à l'abri du petit sursaut rocheux surprise. J'ai l'impression de passer des heures dans cette mélasse, ça a des relents de Barkley. Quand enfin je sors de la forêt, c'est pour me retrouver sur des monotraces qui doivent être triviaux à suivre de jour, mais dans la nuit ça demande une concentration de malade. Je jardine 20 minutes dans les hautes herbes pour trouver un point de sortie près d'une cabane qui, malheureusement, semble fermée. J'apprendrai plus tard que des traileurs dorment au chaud à l'intérieur. Bande de cochons.

Enfin, je suis sur un plateau, et du côté du col du Sasc, j'ai identifié sur mon road-book un "abri". Je suis mort de fatigue, j'en peux plus. Et enfin, l'abri, je le vois. Je pense être sauvé. J'essaie d'ouvrir la porte. Fermé. Ah, non, on m'ouvre. Une voix fatiguée m'informe que "c'est plein". Je jette un coup d'oeil. Ouais, je suis d'accord, c'est plein. Ils me proposent toutefois de rentrer quand même. Mais là non, sans rire, c'est plein. La mort dans l'âme, je repars. Je suis sur un plateau, ça vente un peu, ça flotte toujours, il ne fait pas chaud, la nuit est loin d'être finie. Ça rigole pas. Et puis là, sur ma gauche, je vois un espèce de machin en pierre, dont mon esprit embrumé imagine se faire un abri. Il y a une grosse marque "GR10" dessus. La construction semble symbolique. À l'intérieur, c'est humide, il n'y a pas de porte, ça n'aurait pas de sens, on tient à peine assis à l'intérieur, ce qui tient lieu de plafond doit être à 80 cm de hauteur, il faut ramper pour rentrer. Mais c'est ça ou rien, j'ai besoin de dormir, c'est décidé, je stoppe ici.

Ici mieux qu'en face
Pas certain que ce soit le meilleur hôtel de la région, mais c'est mieux que rien. Oui, j'ai dormi là-dedans.

Je m'installe dans mon palais. Je décide de sortir le duvet. C'est mouillé par terre. C'est mouillé partout en vérité. Mais au moins il ne tombe pas des hallebardes, et je suis protégé du vent. Je bricole un semblant d'isolation sur le bas du corps en essayant de rentrer le duvet dans le poncho. Mais c'est pas simple là-dedans, on peut à peine s'allonger, déjà tenir assis est un challenge. Je finis par décider que je suis en position pour dormir, j'ai tous mes habits sur moi, un duvet + poncho sur les jambes, je suis rincé à tous les sens du terme, je règle mon téléphone sur "debout dans 3 heures", et vas-y Morphée, prends-moi dans tes bras.

Samedi 23 juillet 2016 - J+4

Le réveil sonne. Je nie la réalité. Ceci est un rêve. Je vais me réveiller et constater que ceci est un cauchemard. Mais non, c'est bien réel. Il me faut 10 minutes pour prendre la dimension de ce qui m'arrive. Je suis glacé. Mes jambes sont trempées. Le duvet a pris l'eau. Ça goûte méchant depuis le "plafond". De ce que je comprends, il ne pleut plus, en tous cas je n'entends pas la pluie, et c'est juste l'humidité qui suinte sur moi. Quel con, quelle idée de m'arrêter sous ce tas de pierres. Je prends sur moi, je m'occupe de mon orteil gauche. Le pansement, les chaussettes mouillées, manger un peu pour prendre des forces, et sortir vite-fait bien fait de ce trou à rat. J'ai replié mon duvet trempé et tout boudiné dans le fond du sac. Quelle galère.

Et en sortant de mon abri, je constate, mi-déçu, mi-ravi d'ironie, qu'en vérité ni la pluie ni le vent n'ont faibli. J'étais bel et bien à l'abri dans ma grotte, aussi inconfortable mon dodo a-t-il pu être, c'était vraisemblablement moins pire que de continuer à errer au radar dans la nuit. Je poursuis ma route et me réchauffe en m'activant. Le parcours est très simple, on suit une ligne de crête sur un plateau, de ce que je comprends. Mais encore une fois, avec la nuit la pluie et le nuage, tout ce qui est évident devient difficile. Le jour se lève. Je suis sauvé ! Un groupe me rattrape. Martine en fait partie. En discutant avec eux, je me rends compte que ce sont eux qui étaient dans la cabane. J'imagine qu'ils ont mieux dormi que moi, ce qui n'est pas un exploit. Je ne le leur en veux pas, la cabane était vraiment authentiquement pleine, et il n'y avait pas d'autre solution.

En fin de descente, on croise enfin quelques villages. Je rêve de boulangerie et de croissants chauds. Je déchante vite. Des accompagnateurs qui attendent leur poulain m'informe que, pour faire simple, il n'y a rien. Une dame m'explique que même avec une voiture, c'est compliqué de faire des courses. Par exemple, elle a vu une personne avec une boule de campagne sous la main, s'est dit "ah, enfin, doit y avoir une boulangerie dans le coin !" et après avoir posé la question, a appris que "oui, on peut acheter du pain là-bas, mais c'est sur commande". Donc pour nous simples piétons, les courses en route, on oublie, tout simplement.

Je passe à Lercoul, lieu symbolique pour moi car une de mes ex-collègue y a une maison de campagne. Pas grand chose à Lercoul. J'y constate que les "on-dit" qui prétendent que les temps de rando, dans l'Ariège, sont costauds, sont vérifiés. En gros sur un trajet annoncé deux heures, en randonnant comme un boucher, on met une heure cinquante. OK, je veux bien, nous sommes un peu fatigués et je n'ai pas ma fougue du départ, mais tout de même... J'ai du mal à croire que des randonneurs à la coule mettent les deux heures annoncées. Deux heures, c'est pour des gens qui montent naturellement à 400 ou 500 mètres à l'heure, et pour qui les cailloux ou la boue sont la norme.

Mairie mystère
Un bon point à celui qui devine où a été prise cette photo.

Je remplis mes bidons d'eau fraîche à la fontaine de Lercoul, à défaut d'une boulangerie et de brioches gigantesques, on a de la bonne eau. On peut tout reprocher à l'Ariège, mais on peut lui accorder ça : y'a toujours un point d'eau pas loin. Et une fois mes bidons remplis, je lève les yeux et voit un traileur assis. Il est allemand. Il souhaite abandonner. Je lui demande pourquoi. Après tout, certes j'ai du retard par rapport à mon plan de marche, mais je suis toujours en avance sur la barrière horaire. Il m'explique un machin que je comprends à moitié où il se plaint de soucis GPS. Je lui explique qu'il n'a qu'à me suivre, à défaut d'être parfait, je me suis toujours sorti du pétrin. Il met fin au débat en me révélant que ça fait huit heures qu'il jardine dans les bois au-dessus, sans avoir trouvé la sortie. Huit heures. Ah ouais, quand même. Je le laisse avec son chagrin, et poursuit, et me disant qu'il vaudrait mieux faire gaffe à ne pas me perdre.

Et devinez-quoi ? Je me paume ! Faut dire que le parcours est marqué, mais sans plus. Par exemple, les croix qui indiquent que "le GR, c'est pas par là", elles sont en option. Du coup je loupe plusieurs fois les petites traces qui partent des routes forestières. En particulier à l'approche du CP7, Goulier, je fais 1500 mètres dans la mauvaise direction. Oh, je ne suis pas loin de la trace, elle est juste 200 mètres à gauche. Et 200 mètres plus haut. De quoi se forger un mental, et se rentrer dans le crâne qu'il faut être vigilant, nom d'un zèbre. C'est pas comme si je n'avais pas eu une salve d'avertissement avec l'allemand paumé à Lercoul.

Goulier, le CP7, c'est juste paradisiaque. Il fait désormais beau et chaud. J'ai mis mon duvet à sécher sur l'arrière du sac. Je suis pris en charge par les bénévoles, le podo me met une espèce de crème magique sur les pieds qui les "sèche" littéralement en 15 minutes pendant que je me gave de crackers et autres cacahuètes. Ensuite, je monte au-dessus du côté restaurant, et là, moyennant un misérable ticket dont la valeur commerciale est annoncée à 5 euros, je fais un véritable festin dans un buffet qui ressemble au paradis du traileur en vadrouille. Y'a de tout, et à volonté. Je me gave, et me regave, je fais le plein de calories et de chaleur humaine. Cyril est à nouveau là, il remarque mon esprit positif. Sans rire, impossible, à moins d'être un râleur infatigable, de ne pas rayonner quand on tombe sur un ravito de cet accabi.

Je dis ça, mais tout n'est pas rose non plus pour tout le monde. Martine, avec qui j'avais sympathisé la veille de la course à la pizzeria, est au bout du rouleau. Le motif principal : les pieds. Et elle n'est pas la seule. Le cocktail canicule du départ + pluie au 3ème jour + relief engagé et hostile de l'Ariège a fait un malheur. Elle abandonnera ici, son visage est marqué par la douleur et la déception. Mais il est des réalités incontournables : il n'est pas possible d'avancer avec des pieds recouverts d'ampoules géantes infectées. Cela me fait réfléchir. Sur cette course, tenir, juste, tenir et finir, ça va déjà être une petite réussite.

Stèle du GR10
La fameuse stèle du GR10. On voit comment je fais astucieusement (!) sécher mon duvet en l'accrochant au dos de mon sac.

La suite du parcours est amusante et souriante. Je prends le temps de faire une photo près de la stèle du GR10, qui immortalise je ne sais pas trop quoi, mais mon esprit pélerin juge cet acte fort à propos. Ensuite, on suit un chemin creusé à flan de falaise. Limite, par moment, c'est un petit peu désagréable car on se dit qu'on a droit à un faux pas, mais pas deux. Mais le cadre est exceptionnel, il faut le reconnaître. J'avance prudemment. À un moment, l'accompagnatrice d'un concurrent me dit "là, Christian, c'est à droite, ça descend". Je file vers le bas. Et puis au bout de 50 mètres de dénivelé négatif, je m'aperçois que... bon sang de bois, je suis en train de couper le parcours ! Que faire ? Je n'ai pas le courage de remonter. Et puis, zut quoi, j'ai ma bonne foi avec moi, je n'ai pas cherché à gruger, on m'a dit de passer par là, j'ai bêtement suivi. Je commence à imaginer comment je vais gérer la situation. Mon meilleur choix semble être d'aller voir spontanément l'organisateur, lui montrer mon erreur, et voir comment gérer. Une pénalité en temps ? Bon, on verra plus tard. En vérité, plus tard, j'apprendrai que... ce virage à droite et cette descente raidasse était une "variante autorisée". Donc, formellement, je n'ai pas triché. Ouf, je suis sauvé !

J'ai bientôt l'occasion de prouver ma bonne foi : j'ai la bonne idée de faire demi-tour et prendre la route qui passe "par le haut" par La Prunardière pour rejoindre Marc, en lieu et place du tout droit simplissime qui contourne par la droite et évite quelques centaines de mètres de dénivelé. Je nourris l'espoir secret, une fois à Marc, de casser la croûte au resto, dans un snack. J'arrive peu avant 21h00. Tout est fermé. Le seul endroit où j'aurais pu imaginer manger un brin m'offre une fin de non recevoir. Non non, on ne sert plus. Pinaise, le commerce, dans le coin, c'est quelque chose.

De dépit, je pose un grosse commission dans les chiottes publiques le long de la route et, en faisant le tour pour chercher un robinet d'eau potable, je tombe sur... Daniel ! Daniel que je connais car c'est un habitué des 6 jours et autres courses sur circuit. C'est une aubaine de le trouver, un gars sympa comme ça, ça ne se trouve pas sous le pas d'un cheval.

On décide de faire route ensemble, et dès le début, on jardine. 20 minutes pour trouver le début du GR à la sortie du patelin. Les citadins en vadrouille. C'est son premier trail. Bon, enfin, nous sommes sur cet espèce de piste bétonnée qui longe la montagne. C'est assez désagréable d'être là-dessus au milieu de la nuit, on sent confusément que si on marche trop sur la droite, c'est le grand saut assuré, mais sans vraiment se rendre compte de la taille du vide. Et c'est interminable. Je ne suis pas fâché lorsqu'on entame enfin la montée vers le refuge de Bassiès.

Il fait nuit noire, je suis fatigué et je ne tire pas. Daniel me fait remarquer que là, mon entraînement Barkley laisse à désirer. C'est clair, je n'ai aucune puissance dans les cuisses. En général je monte pas trop mal, grâce à des quadriceps bien développés grâce au vélo. Mais voilà, en 2016, aucun objectif cyclo, du coup je n'ai quasiment pas roulé, à part les 11 km quotidien pour aller au boulot, et le constat est sec et net : aucune puissance. Daniel me dépose littéralement. Je rame derrière, je souffle, je souffre, mais rien ne bouge. Il est sympa, il m'attend. Pour le coup, du vélo, lui, il en fait, il creuse la piste Ironman, donc il sait ce que sait que d'écraser une pédale, et mécaniquement, c'est quasi le même mouvement qu'une côte à pied sur sentier. Après une première étape un brin athlétique, la montée s'applatit et la fin est assez calme. Mais avec notre technique de citadins, et notre niveau de fatigue, on n'avance pas. J'ai de surcroît les pieds secs, et j'ai peur de les mouiller. Dans la nuit on apprécie mal la différence entre du sol mou et humide et une flaque franche et nette. S'en suit une perte de temps inimaginable, on met deux heures à parcourir ce qui est donné pour une heure sur les panneaux. Et Daniel "mais enfin, ça fait plus d'une heure qu'on marche, c'est n'importe quoi leur panneaux". Mais oui mais... Daniel, on n'avance pas ! Il doit fatiguer aussi, car lui qui est d'habitude plutôt fin et clairvoyant, là, il a la lucidité d'une huître. À force de marcher, toutefois, nous atteignons enfin le refuge. On pose nos affaires dans le hall. Personne pour l'instant. Comment va-t-on faire ? Au pire, moi, je veux bien dormir ici à même le sol, crevé comme je suis... Mais un des responsables du refuge nous a entendu. Il est peut-être une heure du matin, il prend le temps de nous proposer à manger, nous cuisine une omelette. Non mais sans déconner, c'est le luxe ! On a donc droit à une place dans un vrai dortoir, un putain de vrai lit. Le temps que je comprenne comment l'échelle fonctionne, compliqué car c'est un unique poteau vertical avec des marches de part et d'autre, j'ai cherché en vain le montant de droite... le temps que je comprenne comment l'échelle fonctionne, donc, Daniel ronfle déjà. Endormi en 30 secondes montre en main. Je ne mets pas longtemps non plus.

Dimanche 24 juillet 2016 - J+5

Le lendemain matin, nous avions prévu un réveil ultra matinal genre 4 ou 5 heures, et en vérité nous ouvrons les yeux une fois que le jour est levé, un truc genre 6h30. Tous les randonneurs sont déjà partis. Ouais, v'la comme est crédibles, nous autres traileurs de l'extrême, levés une heure après que tout le monde soit déjà partis, on ne va pas passer pour des courageux. Au final, on prend un bon petit déjeûner, et on sort, ravis, je ne remercierait jamais assez le personnel du refuge pour son accueil chaleureux.

Petit-dej made-in-Bassiès
Le petit déjeûner qui tient chaud au corps. Refuge de Bassiès. Merci les gars pour votre accueil. La NOK, c'est pas dans le petit déj, ça c'est moi qui rajoute.

Je laisse Daniel derrière, on est d'accord pour dire que, bien qu'on s'entende très bien, notre tandem sportif fonctionne mal : entre lui qui descend mal et moi qui ai un manque de puissance en côte, si on s'attend l'un l'autre on ne verra jamais l'arrivée dans les temps. Je trace donc jusqu'au col et essaye de mettre un petit coup d'accélérateur dans la descente. Je descends comme une quiche mais je n'ai aucune avarie sérieuse. Les quadris sont nickels, aucune douleur. Au niveau des pieds, mon orteil gauche reste préoccupant, mais ça passe tant que je ne butte pas dans un cailloux. Mais si jamais, et ça arrive de temps en temps, si jamais je butte dans quelque chose, alors là, ouyouyouye douyouidouille, je souffre le martyr et pousse des petits cris stridents. C'est que ça pique, un ongle en train de se décoller qu'on titille en pleine descente. Donc, faut pas butter. Je double une canadienne avec qui j'avais sympathisé dans le car entre Argelès et Le Perthus. Elle a les pieds défoncés. Je compatis, lui souhaite bonne chance, et file.

Dégulinando de nuages
La mer de nuages qui dégouline sur la droite. Magique.

Quelques concurrents profitent de mon orientation décadente, de ma technique de descente rudimentaire, et de ma vitesse en côte poussive pour me rattraper. C'est de bonne guerre. Ensuite, on arrive près de la cascade d'Ars. Et là, je vois une fée. Vêtue d'une robe blanche transparente, elle s'étire dans la lumière du matin, au milieu d'une fumée blanche onirique, avec en fond, le voile de la cascade. Nan mais, sans déconner, je l'ai vue, merde, c'est pas une hallucination ! OK, j'ai pas de photo pour prouver mon propos, mais on est plusieurs coureurs à avoir vu la même chose. Les hallucinations collectives, ça n'existe pas, si ?

Cascade d'Ars
Sans la fée c'est moins bien. Mais elle y était, la fée. Si, je l'ai vue. Et puis lâchez-moi, laissez-moi partir, je l'ai vue je vous dit, je l'ai vue, lâchez-moi, aaaaahhhh...

Je continue la route. Sur le papier, c'est plat. Donc, ça devrait aller vite. Sauf qu'en fait c'est du chemin à flanc de montagne, y'a du caillasse à l'occasion, c'est blindé de promeneurs comme un dimanche après-midi, d'ailleurs, c'est dimanche après-midi, et au final, j'avance pas. Au col d'Escots, je m'offre deux sandwichs dans un bistrot standing, façon petit doigt en l'air, où je me sens presque gêné de débarquer en slip. Je discute rapidement avec François, qui a eu la même idée que moi.

GR ou piste noire ?
Pas facile de savoir s'il faut y aller ou pas. D'un côté c'est balisé blanc et rouge. D'un autre c'est marqué "piste noire" et ça vous propose d'appeler le 112. Pas simple.

La descente sur le prochain CP s'amorce. Semblerait que ce soit une descente de station de ski. Semblerait même qu'on emprunte la piste noire. Piste de noire de VTT. Marquée interdite au piéton. Moi je veux bien mais les marques du GR sont dessus. Je suis les marques blanches et rouges. C'est raide comme pas permis, bien gras, et ce qui doit arriver arrive, je glisse, les quatres fers en l'air. Au bout d'une ou deux gamelles, j'avise, à droite de cet enfer glissant, un petit chemin tout sec, à 30 mètres à droite, juste en bordure de forêt, qui descend pépère. Mon analyse, a posteriori, c'est que c'est là que les promeneurs doivent passer. Feraient mieux de marquer ce truc là avec du rouge et blanc plutôt que d'aiguiller les randonneurs sur le paradis de la glisse à deux roues. Bref, je finis, tant bien que mal, par rejoindre le CP9, j'ai nommé le gîte de l'Escolan, non sans traverser un ultime raidard, juste gratuit, en plein sur le GR. Je m'interroge. Pourquoi avoir mis ce tronçon de "droit dans le pentu", comme ça, alors qu'un petit lacet de rien du tout aurait fait le job.

L'Escolan, c'est bon, mangez-en. J'y fait le plein de calories. Un vrai repas, des esquimaux glacés, il y a tout ce qu'on veut ici. C'est presque un peu compliqué de s'en arracher. Il commence à se faire un peu tard, je pense qu'aller au CP suivant ça va être trop long, j'avise un patelin, Couflens, pas loin sur la route, à une montée-descente de là. Je suis avec François, on cause un peu, et je lui parle des vacances au Népal que j'ai prévues avec ma petite famille, en automne 2017. Car oui, on va se payer du bon temps du côté des balcons de l'Annapurna, une petite virée sur Poon Hill. Et, coup du hasard, François est un spécialiste du Népal. Himal race et compagnie, il est accroc à la région, et ce qu'il m'en raconte me confirme que j'ai bien raison d'avoir envie d'y aller. On se promet d'échanger sur le sujet au calme, après la course.

Buvette sauvage
François se régale à ce petit stand improvisé. Moyennant quelques roros, on peut acheter sodas, fruits... Le top !

Et là, en pleine descente, paf, ma frontale lâche. Huh ? Bon, j'en ai une de secours mais ça fait drôle d'être sur la réserve. D'autant qu'elle a lâché net, d'un coup. Heureusement, comme on était deux, la frontale de François a amorti le coup et j'ai évité l'obscurité totale. Faudra que je vérifie, j'ai entendu dire par d'autres coureurs que ce type de frontale USB a tendance à couper net lorsqu'il est à cours de piles. Me rassure moyen cette affaire. Pour info, depuis, j'ai vérifié, elle est authentiquement cassée. Heureusement j'en avais une troisième dans mon sac que j'ai pu récupérer à la base vie suivante. Enfin, on arrive à Couflens. Et on y arrive vite, car finalement cette montée-descente était anormalement facile. En lieu et place des pierriers et autres chemins à moitié pourris qu'on a eu jusqu'ici, là c'était un boulevard.

François me propose très gentiment une tente, car il en a 3 en tout, étant assisté. Une pour son staff, une pour lui, et une de trop. Je suis très touché par la proposition mais dans Couflens même j'avis un lavoir qui a toutes les propriétés nécessaires pour passer une bonne nuit. Jugez-vous même : une petite enceinte en pière qui protège du vent, un toit qui protège de la pluie, un caillebotis par terre qui protège du froid du sol, et, en libre service, une pissotières, des toilettes, et un robinet d'eau potable. Que demander de plus ? Je le laisse rejoindre le camping, et m'installe ici. On se reverra bien plus tard, je ne suis pas inquiet... Je m'installe et dors comme un bébé. Au réveil, 3 heures plus tard, je constate que j'ai fait des émules, nous sommes désormais 4 au lavoir. Mais les trois autres dorment sur le béton, moi seul ai eu le privilège du caillebotis, premier arrivé, premier servi.

Lundi 25 juillet 2016 - J+6

Limace
C'est humide dans le coin, une limace (et pas le petit modèle...) squatte ma gourde.

Je m'habille, et juste avant de partir, j'avise un tract qui milite contre la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées, montre un randonneur slovène qui s'est fait défoncer par un plantigrade, et recommande de ne pas randonner la nuit. J'avais vraiment besoin de ça pour me rassurer. On m'a dit que l'ours de Pyrénées c'est un petit ours, pas un énorme grizzly. Depuis, je suis allé dans un parc animalier dans le Val d'Aran, et j'ai vu la bête, en vrai. OK, c'est plus petit qu'un grizzly, mais quand même, ça fait un sacré bout de barbaque.

Et je m'apprête donc à prendre la route, seul, avec ma frontale de secours et la principale en panne au fond du sac, franchement, on ne peut rêver situation plus rassurante. De toutes façons, vu comme je pue, l'ours doit me repérer à au moins 3 kilomètres, et 60 gaziers au minimum ont déjà du passer sur ce satané GR sur les deux derniers jours, donc le risque, j'en suis convaincu, est marginal.

La montée n'est pas passionnante, je croise un concurrent qui, rattrapé par la fatigue, fait une pause sur le bord du chemin. Le GR court-circuite une interminable route pour 4x4. J'ai toutefois une sacré récompense en arrivant en haut de la bosse. Un splendide levé de soleil en moyenne montagne, avec des rochers, des névés au loin, un environnement somme toute assez sauvage. On comprend pourquoi dans le coin, il peut y avoir des ours. Y'a rien, rien de rien de chez rien. Les quelques villages qu'on croise sont minuscules, les randonneurs rarissimes, c'est paumé, sauvage, et beau.

C'est beau, un point c'est tout
OK c'est dur. OK je suis monté la nuit. Mais la vue, en haut, au lever du soleil, est imprenable, non ?

Dans la descente, j'ai des hallucinations sonores. Il me semble qu'il y a de la musique, genre une rave-party, dans le coin. Mais oui, bien sûr, au milieu de la montagne, à 9h00 du matin, en pleine semaine, à un endroit où trouver 10 mètres carrés de plat relève de l'exploit improbable, y'a une bande de 200 jeunes qui mènent une fête endiablée. Semblerait qu'elle commence à me taper sur le système, cette course.

Tiens, un concurrent, Grégory, me rattrape. Il m'a pris pour un randonneur. C'est sûr qu'avec mon sac vert kaki, mon chapeau beige, de loin, je ne ressemble pas à un traileur classique. Il trouvait que j'allais vite, pour un randonneur. Je prends ça comme un compliment. Je le laisse me dépasser.

Il fait chaud. Nous sommes en fond de valĺée. Je profite d'une portion de bitume pour appeler Valérie et donner des nouvelles. Une question m'inquiète : mes chaussures. Elles sont top les Hoka Tor Ultra. Mais elles ont un gros défaut. Elles s'usent à une vitesse dingue. J'estime qu'elles n'iront pas au bout. Elles ont dans les pattes juste une 6666 et à peine 200 bornes dans l'Ariège mais elles montrent des signes d'usure inquétant. J'ai imaginé plusieurs scénarios. Le plus crédible me semble d'acheter une nouvelle paire à Luchon. A priori c'est une station de ski donc il y aura forcément un magasin de sport, avec des pompes de trail, de rando, bref, ça devrait le faire. Valérie est d'accord, elle passe les bons coups de téléphone, se renseigne sur l'existence de magasins, leur adresse, etc. Même à distance, même sans être officiellement en mode accompagnatrice, elle arrive à m'aider. Elle est balèze.

Enfin, à l'heure du déjeûner, sous une chaleur que je juge écrasante, je rejoins le gîte d'Aunac. Aunac, CP9, c'est encore une fois un super havre de paix, où je suis reçu comme un roi. Je crame deux tickets repas, ou plutôt, un ticket dodo que je convertis en tickets repas. J'ai une faim de loup. Le cuistot est dubitatif. Je commandes des sandwichs, en plus, pour la route. Je lave mes chaussettes, et trempe mes pieds dans une bassine en écoutant du François Morel. On se croirait en vacances ici, le cadre est superbe, le temps idéal, il faut vraiment se faire violence pour s'arracher à la torpeur moite de ce début d'après-midi d'été qui fleure bon le farniente.

La section qui suit m'inquiète. Dans les premières versions du road-book, c'était un non-stop de 70 bornes jusqu'à Fos. Cyril a rajouté un CP à la maison du Valier. Sur le papier, il est marqué "sans nourriture", on peut s'attendre à y trouver des tentes, de l'eau, du café avec de la chance, et c'est tout. J'ai donc pris soin de bien garder plein de bouffe dans mon sac, ce ne sera pas très grave s'il n'y a rien à manger. En revanche, vu le timing, je compte bien sur les tentes pour dormir et me requinquer un peu.

Perdu dans la pampa
Le secteur est infesté de taons. Et sur la photo on voit l'unique bâtisse à des kilomètres à la ronde.

Le parcours commence par une montée en pleine verdure, avec le petit soleil qui va bien, et surtout, surtout une armée de taons prête à me bouffer tout cru. Bon sang mais ils sortent d'où ceux-là ! Ils sont sans scrupule. L'un deux me pique au niveau du tibia, sur le bas de la jambe, à travers la chaussette, pendant que je marche. Un truc de malade... Arrivé au col, je fais une petite pause dodo-express de 15 minutes. Je commence à marquer le coup. La section qui suit dispose de variantes. Je n'ai pas très bien compris quelle variante j'ai pris mais j'ai toujours suivi des marques rouges et blanches, j'ai franchi plein de jolis petits cols, et à la fin je suis arrivé à bon port. Grégory est toujours dans le secteur, un coup je suis devant, un coup c'est lui, nous arrivons à peu près ensemble à la maison du Valier.

Et là, super bonne surprise : il y a à manger ! Et pas juste deux ou trois trucs à grignoter. Non, la totale, avec les raviolis, les crackers à volonté, et tout le toutim. Apparemment les bénévoles ont réussi à faire monter un camion, ce qui est juste... génial. Merci à vous ! Je discute un peu avec l'épouse d'un concurrent avec qui j'avais fait un bout de route au début, mais qui depuis est loin devant. Elle agit en tant que bénévole, c'est assez sport de sa part : elle suit son mari mais elle aide aussi tous les autres coureurs en étant bénévole officielle sur les CPs. Impressionnant. On la reconnaît à sa magnifique chevelure rouge. Je lui ai d'ailleurs sorti il y a quelques jours la super vanne : "vous connaissez le saint patron des rouquins ? C'est Oliver. Car l'ange Oliver protège les roux...". Bon bref, ce CP est organisé aux petits oignons, les tentes sont gérées avec une précision hôtelière, ils rangent les coureurs par groupe de deux en prévision de la grande affluence, tiennent un registre de qui dort où, ça rigole pas.

Je suis logiquement installé avec Grégory. Lui souhaite faire une courte nuit de 4 heures. Moi, je souhaite faire une longue nuit de 4 heures. Nos points de vus sont différents mais le résultat est le même, nous sommes faits pour nous entendre. Je crois bien qu'il n'entend pas son réveil mais j'ai mis mon téléphone (James Brown, one-two-three-four !) en double coupe donc nous nous réveillons à peu près à l'heure. Le grec qui m'avait demandé de l'attendre hier, et qui semblait incapable de partir seul dans la montagne à cause de soucis d'orientation, a disparu. Il a du trouver quelqu'un d'autre pour l'accompagner.

Mardi 26 juillet 2016 - J+7

Je pars seul, Grégory semble un peu long à démarrer, et j'attaque la montagne, guilleret. Là, j'ai traversé des endroits vraiment perdus, où seuls, je pense, ceux qui suivent le GR10 s'aventurent. Il n'y a rien, mais vraiment rien. De l'herbe, de la montagne, c'est tout, rien d'autre. De temps en temps on croise une cabane. Le désert vert.

J'observe le sol là-devant, juste sous mes pieds. On croise souvent ces énormes insectes noirs, à grosse carapace. Manifestement, les crottes de moutons les intéressent. Est-ce leur repas ? Le plus drôle, c'est que finalement, entre deux boulettes de crottes de mouton collées ensemble, et cet insecte avec sa tête et son abdomen, la différence n'est pas évidente. À tel point qu'on ne sait pas trop si la bestiole est en train de copuler ou de manger. Voilà une condition étrange : votre dîner et votre partenaire sexuel ont la même apparence. Et cette apparence, c'est de la merde. Il y a des jours où je suis content d'être un humain. Cette petite parenthèse pour rassurer tous ceux qui posent la question "tu ne t'ennuies jamais sur tes courses ?". Non, franchement, très rarement. Mais je ne suis pas tout seul dans ma tête.

Piège à traileurs
Il vaut mieux avoir l'oeil, et le bon.

Dans une descente, je vois des pylônes rouillés. Tiens, on dirait des installations type télésiège. Mais rouillé comme ça, ça fait pas trop envie, on imagine mal les skieurs monter dans un machin pareil, on a l'impression que ça va vous péter à la gueule. D'ailleurs, certains poteaux sont... en pleine forêt. Curieux. Le truc semble abandonné. Abandonné depuis si longtemps qu'une forêt a eu le temps de pousser autour... Un câble en acier tressé traverse le GR, à 20 cm de hauteur. Un bon gros câble gros diamètre, OK il est marqué à la peinture pour éviter que les randonneurs se prennent dedans, mais je suis content de passer ici de jour. La nuit avec la pluie, on aurait vite fait de rater ce détail et valdinguer la tête par terre.

Eylie d'en haut
Fermette à retaper, proche tous commerces.

À Eylie d'en haut il est indiqué sur mon road-book "refuge". Je ne sais pas pourquoi, mais de voir ces installations qui évoquent les sports d'hiver, et de penser "refuge", j'imagine une station avec un restaurant, convertie pendant l'été en station verte avec des VTTs, tout ça tout ça. Mais c'est pas ça du tout. Eylie d'en haut, c'est une ambiance de fin du monde. Les installations que j'ai vues, c'est pas pour le ski. C'est pour la mine. Ce sont des équipements industriels, en effet abandonnés, et Eylie d'en haut ressemble à un village du Far West abandonné, tout est vieux, à moitié cassé, poussiéreux, suffirait de radiner Clint Eastwood et Lee Van Clif et on pourrait tourner un film sur la décadence de la ruée vers l'or. Le refuge, il est disponible "si on a demandé à l'avance", mais là tout est vide, c'est le désert, pas âme qui vive. Diable.

Interruption de service
Chef chef ! On a problème avec le tuyau chef !

Par chance, Dominique (que j'ai rencontré à la reco de l'Ultrathétic Ardèche, aussi), et qui a abandonné sur blessure, est là pour assister Patrice, et il me propose à manger. Je ne dis pas non. Je dis même grand merci, il sauve ma pause déjeûner. Je goûte un tas de trucs, en particulier le lyophilisé, sur lequel j'avais fait l'impasse, pour des raisons de coût (trop cher, mon fils). Et je dois reconnaître que ce n'est pas mauvais. Merci Dominique !

La montée qui suit me fait méditer sur les conditions de travail des mineurs à l'époque où ces mines étaient en fonctionnement. Grosso-modo, on doit plus ou moins être sur leur trajet, et comment dire... ça déboîte. Ça monte, ça monte... En haut, on trouve à nouveau des installations abandonnées. Tout cela a des relents de fin du monde, par moment on dirait un décor de western spaghetti abandonné. Quelques promeneurs sont dans le secteur, apparemment certaines zones sont accessibles de pas très loin, en voiture. Je bois à l'eau d'un ruisseau qui coule sur de la pierre tellement rouge que je me dis que, riche en fer comme cela, si j'en bois, je vais être fort comme Popeye !

Eau ferrugineuse
L'alcool, non, l'eau ferrugineuse, oui !

Je ne me rappelle plus exactement à quel moment la jonction s'est faite, mais en arrivant à la Serra d'Arraing, et au refuge éponyme, Rudy et Paolo sont avec moi. Je les ai déjà croisé avant sur le parcours, ils semblent inséparable. Elle est magnifique, cette Serra d'Arraing, et contraste avec le look industriel post-apocalyptique des kilomètres précédents. Et là, je percute un truc. Serra d'Arraing. Val d'Aran. Ariège. Mines de fer. Airain. Iron. Le fer. Bon sang, mais c'est bien sûr, la moitié des noms de la région font référence à la ferraille et son exploitation minière ! Il aura fallu que j'attende l'âge de 41 ans pour faire cette connexion. Il n'est jamais trop tard pour apprendre.

Serra d'Arraing
Pas vilain par ici, n'est-ce-pas ?

Au refuge de la Serra d'Arraing, donc, on cause avec des randonneurs "normaux", qui font le GR dans des conditions conventionnelles, et ils nous parlent des coureurs qui nous précèdent. Ils ont vu passer les Fatton. Ils nous disent que ces derniers semblaient souffrir, souffrir tellement qu'ils ont peu de chances d'aller au bout. En temps normal, j'aurais été d'accord avec eux. Des coureurs bousillés à 400 bornes, il y a peu de chances qu'ils en fassent 850. Mais... il y a un mais. On parle ici de Julia et de Christian Fatton. Ils sont l'exception qui confirme la règle. Tant qu'il n'y a pas un mur de pierre qui bloque leur progression, ils avanceront. Ce n'est pas rationnel, mais c'est ainsi, ils sont inarrêtables. La suite prouvera que mon intuition était bonne : ils finiront.

Dernière descente sur Fos. Je me suis toujours demandé ce qu'il y avait dans le secteur. Fos, j'y passe régulièrement car je suis régulièrement en vacances dans les Pyrénées côté espagnol, et donc, j'ai du passer des dizaines de fois en voiture à Fos. Quand on est sur la route à fond de vallée, on se dit que c'est paumé, qu'il n'y a rien, que c'est mort. Bon, côté montagne, c'est un peu plus joli, la vue a davantage de cachet. Mais ça reste fondamentalement désert, pas étonnant que Melles soit le pays de l'ours, ils ne doivent pas être dérangés bien souvent dans le coin, il faut vraiment se convaincre que l'Homme a conquis la planète, car ça paraît presque abstrait.

Toujours est-il qu'en descendant, je tombe sur un espagnol complètement HS. Il descend à une vitesse horizontale de 500 mètres à l'heure, et verticale de 100 mètres à l'heure. Il est rincé. Je lui demande si ça va. Il me répond que c'est dur mais ça va aller. Problèmes de pieds apparemment. Je lui souhaite bonne chance et trace la route. Quelques encablures plus loin, Rudy et Paulo me rattrapent et me disent "t'as vu l'espagnol derrière ?". Je réponds que oui. "On va prévenir le CP qu'il est en rade !". Et là je me sens coupable. C'est vrai quoi, le type était en galère, moi j'ai juste dit bonjour, au-revoir, et basta. Eux, ils ont la délicatesse de penser à lui, informer l'organisation, etc. Je me sens égoïste et irresponsable. Bon, tant pis, je mets ça sur le dos de la fatigue. Petite section de route sur la fin en arrivant à Fos. Pas hyper passionnant, mais ce sont des kilomètres faciles, je ne crache pas dessus. En arrivant à Fos, nouvelle impression de fin du monde, la ville n'est pas abandonnée, mais on ne peut pas dire non plus qu'elle respire le dynamisme économique. Je cherche presque le CP, inquiet de l'avoir dépassé, mais finalement le trouve sans encombre.

Et au CP, devinez-quoi ? Notre espagnol rescapé de la montagne est déjà là, en train de se restaurer. Ah ah, va falloir qu'on m'explique, on parle bien du même gars qu'on a vu en travers du chemin, incapable de bouger il y a deux heures ? Mmm, je n'ai pas eu le fin mot de l'histoire mais il semble que son aventure se clôture par un abandon au CP11 à Fos.

Fos, j'y dors donc mes 3 bonnes heures, et je rattaque au milieu de la nuit. J'aime bien ce rythme de dormir en début de nuit, et me réveiller vers 1h du matin. Ainsi, les heures passées à avancer de nuit le sont après le sommeil, au moment où je suis frais, et ça garantit une meilleure lucidité. Sur circuit, je ne gère pas ainsi, mais sur circuit, la sécurité, on s'en fout. Ici, ce n'est pas tout à fait accessoire. C'est compliqué le trail, on ne peut pas s'y mettre la misère comme sur des courses horaires, il faut toujours en garder un peu sous la pédale pour gérer l'imprévu, le risque, les éléments extérieurs.

Mercredi 27 juillet 2016 - J+8

En parlant d'élément extérieur, un chien a décidé de m'accompagner à la sortie du CP. Moi, je n'aime pas trop les chiens. Les animaux, c'est pas mon truc. Ah si, j'aime bien mes chats, mais un chat c'est différent, c'est autonome. Non, le chien, meilleur ami de l'homme, je n'y crois juste pas, c'est ainsi. Pour autant, celui-ci semble vraiment vouloir me suivre. J'ai hâte qu'il me lâche la grappe. J'ai envie de faire caca. J'attends qu'il me laisse tranquille. Il me suit, ce con. Je pose ma commission discrètement sur le bord du chemin. Le chien attend, regarde ailleurs pendant que je me déleste, et continue à me suivre.

Le chemin n'est pas si évident que cela à suivre, la trace GPS est imprécise, et le marquage de nuit en forêt, ça se voit bien sans bien se voir. Mais le chien, lui, il connaît. Il connaît la route ce con. Je ne sais pas dire s'il connaît le chemin ou s'il sait repérer les odeurs des traileurs précédents, toujours est-il qu'il trotte devant moi, et que quand je ne vois plus les marques, j'ai juste besoin de m'arrêter, attendre voir où il va, et à 99% il a choisi la bonne route. Et ça continue. Il a soif le clebs. Lorsque nous trouvons un ruisseau, il s'arrête boire goulûment. Et on monte tous les deux dans la montagne. À un moment, je réalise que nous avons fait 1000 mètres de dénivelé ensemble. C'est à ce moment que je décide de l'appeler Artigues, car je viens de passer la cabane d'Artigues il y a quelques dizaines de minutes. J'ai aussi pitié de la bête, et lui file un bout de sauciflard. OK c'est pas hyper raisonnable car maintenant il risque de me suivre irrémédiablement mais sans déconner, ça fait plusieurs heures qu'il est avec moi, on est perdus hyper loin de sa maison, il fait nuit, il fait froid, on est dans le brouillard, j'estime que cette pauvre bête a bien le droit à un petit réconfort.

Artigues randonne
40 km avec nous. Ça use les souliers. Et les coussinets.

Par moment la trace est vraiment dure à choper, mais entre Artigues, le GPS, la trace officielle du GR10 enregistrée en fond de carte, j'arrive à peu près à m'en sortir. Et qui voilà devant ? Rudy et Paolo! Ils sont perdus. Ils ont deux traileurs avec eux, qui ne font pas la course, mais sont perdus tout pareil. Je leur dis que mon orientation, à défaut d'être parfaite, n'est pas si mauvaise, et qu'ils n'ont qu'à me suivre, pardon, nous suivre, moi et Artigues, on finira bien par arriver à Luchon. Et nous voilà à 6 dans la montagne. Moi-même, Rudy, Paolo, les deux traileurs, et Artigues. On a jardiné un peu, on a fait quelques sections en mode tout-droit-dans-l'herbe mais au final, c'est un succès, on arrive à dénicher de GR10 et poursuivre jusqu'au lever du jour.

Artigues, portrait
J'espère qu'elle va bien et surtout, qu'elle se repose.

L'entrée en ville est assez déstabilisante, car je suis toujours accompagné par le chien. Sauf que maintenant, quand je rencontre des passants, ils s'attendent à ce que je le gère, que j'évite qu'il vienne renifler leur propre toutout, etc. Je me retrouve responsable d'un animal dont j'ignorais jusqu'à l'existence hier soir ! J'ai surtout peur que la bête se fasse écraser par une bagnole au dernier moment. Allez Artigues, déconne-pas, viens par ici, il reste à peine deux kilomètres et je pourrai te confier aux bénévoles de BV2, allez, viens !

L'arrivée sur BV2 est un brin frustrante, le tour de l'aérodrome avant de franchir l'arche, c'est la petite goutte qui sans faire déborder le vase, le remplit un peu plus que nécessaire. Enfin, nous y sommes. J'explique mon cas concernant le chien. On m'explique que je ne suis pas raisonnable, que j'aurais du lui faire comprendre que je ne voulais pas de lui, lui jeter des cailloux... Jeter des cailloux ? Nan mais, j'aime pas les chiens, OK, mais de là à les bombarder de pierres... La bête est prise en charge par les bénévoles. C'est une chienne. Ses propriétaires seront rapidement retrouvés, et viendront la chercher. Artigues, qui a un autre nom mais pour moi ça restera toujours Artigues, aura eu droit à ses 40 km d'aventure pur jus.

Il règne à BV2 une ambiance de fin du monde, par certains aspects. Beaucoup d'abandons. Beaucoup de pieds pourris. Je survole tout ça et file au magasin de sport, en centre ville. À pied évidemmnent, car il est interdit de monter dans une voiture, et de toutes façons y'a personne pour m'emmener. Je passe d'abord à la pharmacie. En effet, j'ai un soucis, hum, comment dire, c'est presque gênant d'en parler mais... à force de ne pas me laver, de garder le même slip, j'ai le bout du zguègue qui est tout rouge et gonflé. Et ça gratte. J'explique mon cas au pharmacien. Il ne semble pas surpris, m'indique que le problème, c'est l'humidité, et je repars avec une crème contre les mycoses et un jeu de lingettes nettoyantes. Parmi toutes les parties de mon anatomie qui pouvaient poser problème lors d'un périple comme celui-ci, je n'aurais jamais pensé à celle-ci en particulier, mais voilà, l'aventure c'est l'aventure, et la vie est pleine de surprises.

L'histoire pourrait d'ailleurs se terminer là : problème d'irritation, pommade, un peu d'hygiène et c'est fini. Pas tout à fait. Car là, on traite le symptôme. Mais où est la cause ? Humidité, OK, mais pourquoi ? Pourquoi cette course et pas une autre ? Parce qu'elle est plus longue ? Ça a l'air un peu trop simple. En y réfléchissant bien, depuis le début, mon dossard est attaché à une sangle de mon sac, sur le devant. Et donc il ballote sur mes cuisses, et garde donc cela, potentiellement, bien humide, en ramassant au passage toutes les saletés qui trainent sur mes jambes. Pourrez voir sur les photos de fin de course, il est spécialement sale et amoché. Donc ? Donc je le décroche de cet endroit et le fixe sur l'arrière du sac, laissant mes cuisses à l'air libre. J'ai la conviction que cette petite décision est aussi efficace que la crème. Les deux sont utiles. Il faut soigner les symptômes, mais aussi et surtout éradiquer les causes.

Hoka Tor Ultra
Bonnes chaussures. Mais niveau endurance, on repassera, 300 bornes et elles sont cuites. Bonne came mais fragile. À privilégier en modèle d'exposition.

Puis je file chez Intersport, le magasin de sport le plus proche, où Philippe, le vendeur, se met en quatre pour me rendre service. Au départ il aurait tendance à me vendre des pompes de trail normales. Des Hoka Tor Ultra, il n'en a pas. Je lui explique mes goûts, le fait que je me suis entraîné avec des chaussures de rando, que ma première paire pendant les 160 premiers kilos c'était des Meindl en cuir, etc. Je lui cite les Salomon Quest 4D comme modèle qui potentiellement pourrait me plaire. Ça, il a en stock. Mais pas forcément dans la bonne pointure. Alors il me propose une paire de La Sportiva Trango Trk Gtx, qui sont un peu plus rando et rigides que les Quest 4D, sans toutefois être aussi radicales que les Meindl. J'essaye la bête. Mon pied est dedans comme un coq en pâte, elles me semblent top, ces pompes ! J'agrémente le tout, sur ses conseils, d'une paire de semelles Sidas, achète 3 paires de chaussettes X-Socks car vu le niveau d'humidité du terrain, le changement de chaussettes c'est pas un luxe, et c'est parti mon kiki ! Un grand merci à Philippe, qui a su être patient et m'écouter, on sent le gars qui a trouvé son métier idéal : il a le sens du contact et de l'écoute, il aime le sport, et il connaît ses produits. On n'en demande pas plus.

La Sportiva Trango Trk Gtx
Les pompes que j'ai achetées chez Intersport à Luchon. Photo prise quelques jours après l'arrivée, elles ont 400 bornes de montagne dans les dents. Merci Philippe !

Sur le chemin du retour, j'achète un poulet rôti dans une superette. Je dégomme les deux ailes, les deux cuisses, les trois quarts du blanc, et donne en patûre le reste et la carcasse à Paolo qui passait par là et allait, lui aussi, à la douche. Il apprécie le poulet, lui aussi. La douche est à 900 mètres du ravito mais comme je reviens du centre ville le détour paraît plus acceptable. La douche est froide. Je me dis qu'elle va devenir chaude à force de couler. Elle reste froide. De dépit, je me place sous le filet froid. Je réprime un cri du guerrier, et puis, une fois que je suis bien glacé, je vois d'autres traileurs qui se joignent à moi sous la douche... qui réchauffe enfin. J'aurai été le seul couillon à me geler les miches sous l'eau glacé. Mais je m'en fous, c'est pas grave, j'ai mes chaussures neuves. Paolo les voit, me fait remarquer qu'elles sont en Gore-Tex et que si c'est bien lorsqu'on marche dans les flaques, une fois qu'elles sont pleines d'eau, elles ont du mal à se vider. Aurais-je fait une connerie ? Le doute m'envahit. Oh et puis zut, c'est fait c'est fait.

Retour à BV2. J'ai rendu la veste de La Pastourale à Cyril, et récupérer ma sous-couche chaude UFO noire d'origine. Pour les chaussures c'est vite vu. Mes Meindl en cuir ont moisi pendant les 5 jours qu'elles ont passé, humides, dans le sac. Elles sont recouvertes d'une couche de moisi blanc de 5 mm d'épaisseur. Poubelle. C'est moche, bien entretenues, elles auraient pu durer encore des années... Et les Hoka, je les ai laissées à Intersport, elles étaient cuites, la semelle se décollait à l'arrière. Je n'ai plus qu'une paire, celles que j'ai aux pieds, il faut qu'elles soient bonnes et qu'elles tiennent.

Au moment de refaire mon sac, l'élément qui prend le plus en poids, c'est la trousse à pharmacie. On y trouve désormais des pansements de toutes tailles, toujours pour mon orteil, de l'élasto à gogo, de la NOK bien sûr, mais aussi la crème pour les mycoses, les lingettes, et un spray d'antisceptique. Oui, ça pèse 200 grammes, mais c'est le prix à payer pour pouvoir, deux fois par jour, envoyer un coup de pschiiit désinfectant sur mon orteil et les quelques départs d'ampoules avortés que j'ai sur les talons. Quand je vois le nombre d'abandon sur infection des pieds, je me dis que mon spray, il est lourd, il est chiant, mais il pourrait bien me sauver la vie. C'est un investissement, je vais le porter, il va me ralentir, mais ça peut rapporter gros. Encore une fois, avec une assistance, je n'aurais pas à porter ça, mais seul, je n'ai, me semble-t-il, pas le choix.

En tout, l'arrêt à Luchon me coûte 4 heures, et je n'ai pas dormi du tout. Mais entre les courses, la douche à perpette, la prépa du sac, il fallait prendre le temps.

Lire la suite (étape 3, Luchon - La Pierre St Martin)

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Mis à jour le mardi 16 août 2016.